ABANDON, subst. masc.
ÉTYMOL. − Corresp. rom. : esp., port.
abandono; prov.
abandoun, abandou; ital.
abbandono < fr.
abandon.
1. 2
emoitié
xiies.
abandon fere « remettre, céder » (
Chrét. de Troyes,
Erec, éd. Förster, 4423 ds T.-L. : Quant
abandon n'an
avez fet, Qui avoir le porra, si l'et); 1165
a abandon estre « être à la disposition, à la merci de » (
Aliscans, éd. Guessard et Montaiglon, 93 ds T.-L. : N'avrai en France vaillant un esperon, Ne
soit Guillaume tout
a son
abandon); av. 1167
metre en abandon « mettre à disposition » (
Marie de France,
Lais, éd. Warnke,
Eliduc, 644 ds T.-L. : Tuz les aveirs de sa maisun Li
met li reis
en abandun);
2. 1191 « caution, gage mis à la disposition du créditeur par son débiteur, consistant en biens meubles ou immeubles » terme jur.
(Charte de coutume de Saint-Quentin ds
Du Cange s.v. abandum, forme
abandon; déjà en 1158 forme
abandum).
Issu du syntagme a. fr.
(mettre) a bandon « mettre à disposition. livrer » (
cf. Cligès, éd. Micha,
CFMA, 184 : qu'
a bandon ses tresors li
met),
bandon signifiant à l'orig. « pouvoir, puissance » (
Rol., éd. Bédier, 2703 : Trestute Espaigne iert hoi en lur
bandun) (
cf. du point de vue sém. lat. médiév.
bannum « proclamation du seigneur dans sa juridiction entraînant la main-mise de son autorité, l'octroi de sa protection » :
bannum mittere, ponere, concedere, largiri, in bannum mittere ds
Du Cange s.v. bannum1,
Mittellat. W. s.v., 1343, 40
sq.). Le dér.
bandon est issu du croisement des 2 rad.
ban- (frq. *
bannjan « bannir ») et
band- (frq. *
bandjan « faire signe »), auquel il est fait appel pour
bannir et
bannière (
cf. lat. médiév.
bandum «
bannum » et
bandire «
bannire »
; Du Cange s.v. bandum2;
Gam. Rom. I, 160-161). L'hyp. de
bandon dér. du fr.
ban (
Bl.-W.4) est impossible, le suff.
-don n'étant pas attesté; le dér. de
ban est
banon, terme jur. norm. dep. 1337 (
Gdf.). L'hyp. de
EWFS2qui fait remonter
abandon à
abandonner <
a ban donner est improbable, ce dernier syntagme n'étant pas attesté (
doner a abandon invoqué par
EWFS2n'est attesté qu'au
xiiies., 2 ex. ds T.-L.).
HIST. − 1. Les emplois actif et passif sont anc. quand l'obj. est une chose; on retiendra parmi eux :
a) « libre disposition » dans les expr.
être, mettre a (a)bandon, faire abandon de (
xiieau
xvies.). D'où « permission » (
Froissart, XIV, éd. Pléiade, p. 727 : l'
abandon du piller et rober...avoient), sens qui disparaît par la suite, et « abondance » (
Marguerite de Navarre : En mon païs croist en grand
abandon tres cher encens), sens qui n'apparaît plus au
xviies.;
b) « gage mis à la disposition du créditeur par son débiteur » (
Du Cange s.v., Charte Saint Quentin, 1195); ce sens subsiste jusqu'au
xxes.
2. L'emploi avec un obj. personnel semble dater du
xviies. :
a) emploi passif :
Molière,
Tartuffe, I, 1, vers 39-40;
b) emploi actif :
Fur. 1960,
s.v., avec obj. second. et nuance péj. (« débauche »);
Ac. 1798 : ,,
abandon de soi-même``, avec également nuance péj. (« oubli de soi blâmable »); cependant dès
Ac. 1798 apparaît aussi le passage de la valorisation dépréc. à la valorisation appréc. qui semble lié à l'évolution du concept de
nature /
naturel. L'emploi mystique, qui remonte au Moy. Âge (
xiiies.,
cf. T.-L.,
Chev. Cygne, 109) a une valeur appréc.; il se développe au
xviies.
3. L'expr.
à l'abandon (sens passif) n'apparaît qu'au
xviies., mais sera par la suite très usitée.