NATURE, subst. fém.
Étymol. et Hist. I. 1. 1119 «force active qui a établi et maintient l'ordre de l'univers» (
Philippe de Thaon,
Comput, éd. E. Mall, 389); 1580
les lois de nature (
Montaigne,
Essais, I, 33, éd. P.Villey, I, 218); 1668
payer le tribut à la nature (
La Fontaine,
Fables, V, XII,
Les Médecins, éd. A. Régnier, I, 402); 1673
laisser faire la nature (
Molière,
Malade Imaginaire, III, 3);
2. 1426 «organisation particulière de chacun des êtres vivants, mouvement qui le porte vers les choses nécessaires à sa conservation» (
Alain Chartier,
Le Quadrilogue invectif, éd. E. Droz, 16, 22);
3. 1535
contre* nature;
4. 1580 «faculté innée qui rend l'homme capable de discerner le bien et le mal» (
Montaigne,
op. cit., I, 16, 70);
5. 1584 «ensemble du monde, des êtres et des choses, univers en tant qu'ordonné et régi par les lois» (
Jacques de Romien,
Palinodies ds
Satires françaises du 16es., II, 89); d'où 1690 «opérations, productions de la nature (par opposition à celles de la civilisation)» (
Fur.); 1696 «le monde physique» (
La Bruyère,
Des Jugements, 110, éd. G. Servois, III, 123);
6. 1580 «la nature considérée comme modèle des arts» (
B. Palissy,
Disc. admirables, p.194 ds
IGLF); 1663
d'après nature (
Molière,
Critique de l'École des Femmes, VI, éd. R. Bray, 2, p.329); 1671
plus grand, plus petit que nature (
Pomey); 1763
la nature inanimée (
Bachaumont,
Mém., t.1, p.104);
7. 1734
en nature «en objets réels, dans un échange» (
Dubos,
Hist. mon franc., 1, p.108).
II. 1. a) 1
remoitié du
xiies. «ensemble des caractères, des propriétés qui définissent les objets» (
Lapidaire de Marbode ds
Anglo-Norman Lapidaries, éd. P.Studer et J. Evans, p.48, 496);
b) ca 1165 «essences, attributs propres à un être» (
Eneas, éd. Salverda de Grave, 436); spéc.
xiiies.
nature humaine (
Isopet de Lyon, 1669 ds T.-L.); 1755
la nature animale (
Mirabeau,
Ami Hommes, t.1, p.14); 1761
nature végétale (
Rousseau,
Nouv. Héloïse, t.3, p.229);
2. ca 1170 «disposition, tendance que l'être apporte en naissant»
par nature (
Chrétien de Troies,
Roman de Perceval, éd. Lecoy, 241); d'où
a) ca 1480 «complexion, tempérament de chaque individu» (
Mistere du Viel Testament, éd. J. de Rothschild, 43144);
b) 1559 «la personne elle-même» (
Amyot,
Agésilas, 11 ds
Littré);
3. début du
xiiies. «constitution du corps humain, principe de vie qui l'anime et le soutient» (
Li Epistle S. Bernart a Mont Deu, éd. V. Honemann, p.244); 1690
forcer nature (
Fur.);
4. 1607 «affections naturelles de l'homme qui ont pour objet des personnes auxquelles il est uni par les liens du sang» (
E. Pasquier,
Recherches, V, 3 ds
Gdf. Compl.).
III. 1560 théol. «état naturel de l'homme (par opposition à la grâce)» (
Bible, éd. A. Rebul, p.15 v
od'apr.
FEW t.7, p.46b); 1690
état de nature «état de l'homme non régénéré par le baptême» (
Fur.); 1738
le pur état de nature (
Argens,
Lettres Juives, t.3, p.149); 1761
l'homme de la nature «homme tel que la nature le fait» (
Rousseau,
op. cit., t.4, p.144).
IV. Emploi adj.
1. 1808, 10 déc. «conforme à la nature»
c'est nature (
L'Ambigu, t.23, p.473 ds
R. Philol. fr. t.20, p.75); 1836 (
Stendhal,
L. Leuwen, t.2, p.364: ceci est moitié
nature, moitié comédie);
2. 1860 «spontané» (
Michelet,
Journal, p.524: La dernière fut très spontanée, toute naïve et toute
nature);
3. 1865 «au naturel»
un boeuf-nature (
Vallès,
Réfract., p.11).
V. Emploi adv. 1914 (
Carco,
loc. cit.). Empr. au lat.
natura «le fait de la naissance, état naturel et constitutif des choses, tempérament, caractère, cours des choses».