| ÉTHIQUE, subst. fém. et adj. I.− Subst. fém. A.− PHILOS. Science qui traite des principes régulateurs de l'action et de la conduite morale. M. Brunschvicg semble vouloir tirer une politique et une éthique de la théorie de la relativité (Ruyer, Esq. philos. struct.,1930, p. 361): 1. ... on a fait rentrer la civilisation dans la morale. Mais il s'en faut que le domaine de l'éthique soit aussi indéterminé; il comprend toutes les règles d'action qui s'imposent impérativement à la conduite et auxquelles est attachée une sanction, mais ne va pas plus loin.
Durkheim, Division travail,1893, p. 16. − Éthique + adj. déterminatif.Cette science envisagée sous un aspect particulier. Éthique kantienne, personnelle, politique : 2. Toute l'éthique chrétienne de la dépossession, l'éthique panthéiste et spinoziste de la fusion en Dieu, l'éthique freudienne des sevrages successifs et de la soumission au principe de réalité, l'éthique goethéenne de la résorption du « Sturm und Drang » dans l'harmonie sociale et cosmique s'appuient sur des techniques d'ouverture au réel qu'elles demandent à l'ascèse, à la poésie, à l'expression des instincts et à la sociabilité.
Mounier, Traité caract.,1946, p. 692. − P. méton. Ouvrage traitant de cette science. L'Éthique de Spinoza. Aussi a-t-on envie de dire, en détournant de leur sens les paroles de l'« Éthique à Nicomaque » : tous les êtres ont par nature je ne sais quoi de divin (Jankél., Je-ne-sais-quoi,1957, p. 103). B.− P. ext. Manière d'envisager la réalité en tirant d'elle des valeurs normatives liées à l'esthétique. M. Legrandin, si nous avions insisté encore, aurait fini par édifier toute une éthique de paysage et une géographie céleste de la basse Normandie (Proust, Swann,1913, p. 132).Beaucoup insister sur le mot déjà ancien de « prétextes » où il est dit que l'éthique est une dépendance de l'esthétique − mot gidien s'il en fût (Du Bos,Journal,1925,p. 301) : 3. Chirico a fait de son éthique une esthétique.
Picasso a fait de l'esthétique une éthique.
Picasso, homme peinture. Chirico homme écriture.
Picasso se peint. Chirico s'est dépeint.
Cocteau, Crit. indir.,1932, p. 117. II.− Adjectif A.− PHILOS. Qui concerne la morale. Valeur éthique. Le danger qu'il courait, qu'il s'ingéniait à courir, résolvait ses problèmes éthiques (Malraux, Espoir,1937, p. 519). B.− LING. Datif éthique (v. datif1). Rem. La docum. atteste a) qq. adj. composés, à partir de éthico comme élément préfixal, de création gén. récente dans le vocab. philos.
α) Éthico-biologique. Qui ressortit à l'éthique et à la biologie. Nécessités humaines les plus urgentes d'ordre éthico-biologique (Maritain, Human. intégr., 1936, p. 106).
β) Éthico-métaphysique. Qui ressortit à l'éthique et à la métaphysique. Le risque inhérent à toute situation concrète fait pratiquement de la responsabilité « à priori » une responsabilité « à posteriori », de la responsabilité éthico-métaphysique une responsabilité juridiquement imputable (Jankél., Je-ne-sais-quoi, 1957, p. 255).
γ) Éthico-religieux. Qui ressortit à l'éthique et à la religion. Le critère ultime de la croyance est d'un ordre supérieur à la logique et très exactement éthico-religieux (Lacroix, Marxisme, existent., personn., 1949, p. 101). L'écart en fin entre l'idéal éthico-religieux et la situation concrète de l'individu (Philos., Relig., 1957, p. 4809).
δ) Éthico-social. Qui ressortit à l'éthique et à la sociologie. Les docteurs ès sciences éthico-sociales qui pullulent dans le journalisme (Sorel, Réflex. violence, 1908, p. 62). b) Éthiquement, adv. Sous l'aspect éthique. Éthiquement, sinon juridiquement, le genre d'indélicatesse dont se rend coupable celui qui pratique la « poucette » au baccara est analogue à un faux (Jeux et sp., 1968, p. 489). Prononc. et Orth. : [etik]. Ds Ac. dep. 1694. Étymol. et Hist. [Ca 1245 Etique, nom d'un ouvrage d'Aristote (ici, sous la forme d'une personnification) (H. d'Andeli, La Bataille des Sept Arts, IV, 218 ds T.-L.)]; 1. subst. ca 1265 ethique philos. (Brunet Latin, Trésor, éd. F. J. Carmody, p. 20); 2. adj. 1553 didact. (G. des Autels, Amoureux repos, à sa Sainte, fob2). 1 empr. au lat. de l'époque impériale ethica « morale (partie de la philosophie) » du gr. η
̓
θ
ι
κ
ο
́
ν de même sens; 2 empr. au lat. class. ethicus « qui concerne la morale » du gr. η
̓
θ
ι
κ
ο
́
ς de même sens [gr. Η
θ
ι
κ
α
́ [Ν
ι
κ
ο
μ
α
χ
ε
ι
́
α] « Éthique à Nicomaque » d'Aristote]. Fréq. abs. littér. : 406. Fréq. rel. littér. : xixes. : a) 59, b) 63; xxes. : a) 275, b) 1 476. |