| VÉNITIEN, -IENNE, adj. et subst. I. A. − Adjectif 1. [En parlant d'un lieu, d'un phénomène] Qui constitue le territoire de Venise; qui se situe sur ce territoire. État, pays vénitien; république vénitienne. Le général Bonaparte donnait à Sa Majesté l'Empereur d'Autriche (...) les îles ci-devant vénitiennes de l'Adriatique, la ville de Venise, les lagunes, enfin toute cette république de Venise, qui n'était pas à nous (Erckm.-Chatr., Hist. paysan, t. 2, 1870, p. 445).Chaque ville a une atmosphère spirituelle en propre (...). Je loue donc mon aventure d'avoir été un roman vénitien (Milosz, Amour. init., 1910, p. 31). 2. Qui appartient au décor typique de Venise ou qui s'en inspire. Cadre, ciel, galère, glace, miroir, palais, verre vénitien(ne). La gondole vénitienne est à elle seule toute une vie à part et me donne une grande envie de vivre à Venise, (...) je suis désespéré de ne pas avoir eu la dame de mes pensées à y promener (Balzac, Corresp., 1837, p. 270).Lanterne* vénitienne; store* vénitien. 3. Qui est propre aux personnes nées ou habitant à Venise, qui caractérise leur mentalité, leur mode de vie. Loup vénitien; robe noire vénitienne. Un génie moqueur semblait s'être amusé à déjouer les idées que je m'étais formées des fêtes vénitiennes (...). Au Lido se célébrait, à l'Ascension, le mariage de la mer et du Doge. Le Bucentaure (...) s'avançait au milieu des flots (...), aux strophes de l'épithalame en vieux vénitien (Chateaubr., Mém., t. 4, 1848, p. 397).Avant de quitter le tableau mes yeux revinrent à la rive où fourmillent les scènes de la vie vénitienne de l'époque. Je regardais le barbier (...), les conversations (...) des nobles seigneurs vénitiens en larges brocarts (Proust, Fugit., 1922, p. 647). ♦ Blond vénitien. [En parlant de la chevelure] Blond rutilant, tirant sur le roux, que les femmes de Venise obtenaient par un traitement spécial. Le médecin Tardieu, ayant été visiter une fabrique de potasse, avait été frappé du ton de la chevelure des ouvriers (...). C'était le blond flamboyant vénitien (Goncourt, Journal, 1874, p. 983).P. méton., empl. subst., rare. Personne ayant les cheveux de cette couleur. La sensibilité de la peau à la lumière est très variable (...): les blonds vénitiens à peau blanche (...) sont très sensibles (Quillet Méd.1965, p. 299).P. anal., rare. Roux vénitien. Roux flamboyant. Le roux vénitien de ses cheveux brilla d'un reflet de feu (Daniel-Rops, Mort, 1934, p. 217). 4. Spécialement a) BEAUX-ARTS. Art vénitien, école vénitienne. Style pictural propre aux peintres de Venise, caractérisé par le sens de l'espace, de la lumière, par la recherche des couleurs brillantes, des détails raffinés, par une certaine prédilection pour les vues de Venise, et principalement représenté par Gentile da Fabriano, Bellini, Vivarini, Giorgone, Le Titien, Le Tintoret, Véronèse, Tiepolo, Canaletto, Guardi. V. aurore ex. 7, émerveillé ex. de Balzac. − [En parlant (d'un aspect) d'une œuvre d'art] Qui a les caractéristiques de ce style. Peinture vénitienne. Véronèse, la Cène. Par la riche couleur vénitienne, des symphonies immenses sont entrées dans les toiles (Michelet, Chemins Europe, 1874, p. 461).Les étranges personnages, qu'on dirait habillés dans le velours des siècles (...)! Des gens pareils, je n'en ai vu que dans les tableaux vénitiens (Tharaud, An prochain, 1924, p. 39).V. agatisé ex. 1. b) BROD. Broderie vénitienne. ,,Broderie blanche, dont les bords des motifs festonnés se raccordent entre eux par l'intermédiaire de brides également festonnées. (L'intérieur des motifs est orné de points de broderie ou de jours les remplissant intérieurement. Les festons, très bourrés, présentent un fort relief)`` (Lar. encyclop.). Les festons très rehaussés, appelés actuellement festons vénitiens ou broderie vénitienne, sont des copies sur étoffe de dentelles vénitiennes, lesquelles se distinguent par des contours festonnés à haut relief (Th. de Dillmont, Encyclop. des ouvrages de dames, 1984, p. 78).V. broderie ex. 2. c) CHAUSS. Pantoufle vénitienne ou, p. ell., vénitienne, subst. fém. ,,Pantoufle demi-montante, dont la tige est légèrement ouverte sur le cou de pied`` (Chauss. 1969). Vénitiennes Redoute en très beau tissu écossais double face laine. Série recommandée avec épaisses semelles caoutchouc mousse inusable (Catal. La Redoute,automne-hiver1951-52, p. 43). d) IMPR. Lettres vénitiennes. Synon. de italique.V. aldin ex. 2. e) LING. Dialecte vénitien ou, p. ell., vénitien, subst. masc. sing. Dialecte parlé à Venise et en Vénétie. Il ne restait aux Vénitiens d'autre intérêt que l'amusement (...). Le dialecte vénitien est doux et léger (...) charmant quand on le consacre à la grâce ou à la plaisanterie (Staël, Corinne, t. 3, 1807, p. 73).V. génois ex. de Stendhal et supra ex. de Chateaubriand. B. − Subst. fém., TEXT. Étoffe de soie fabriquée d'abord à Venise (...) et qui fut imitée en France sous Colbert. Au xixesiècle, vers 1840, tissu d'ameublement en laine, soie, coton et schappe, à ornements rouge et or brillants, sur fonds foncés (d'apr. Lar. 20e). C. − Loc. adj. À la vénitienne. Qui rappelle ce qui se voit et se fait à Venise. MmeBenzoni m'a complimenté de mes mœurs à la vénitienne, et elle s'est remise en course pour me trouver des partners féminins (Chateaubr., Mém., t. 4, 1848, p. 381).Une magnifique simarre à la vénitienne (...) dont le fond d'or se ramageait de grandes fleurs noires veloutées (Gautier, Fracasse, 1863, p. 227). II. − Adj. et subst. (Personne ou groupe) qui est originaire de Venise ou qui habite à Venise. Peuple vénitien; nobles vénitiens. Heureux de paresse et d'insouciance, le Vénitien (...) se baigne dans ses canaux, suit ses processions, chante ses amours sous un ciel calme et propice, et regarde son carnaval comme une des merveilles du monde (Krüdener, Valérie, 1803, p. 85).La beauté de Venise, c'est son ciel et ses femmes. Les Vénitiennes, quelles jolies créatures! (A. France, Lys rouge, 1894, p. 74).V. bravo2ex. 1. − BEAUX-ARTS, gén. au plur. Peintres, etc. vénitiens ou Vénitiens, subst. masc. plur. Peintres appartenant à l'école vénitienne, particulièrement inspirés par le spectacle de Venise. Le fond fauve d'une de ces vieilles toiles, dont les maîtres vénitiens entourent un couple d'amoureux, pâlement enfiévrés, aux lèvres et aux regards de sang (Goncourt, Journal, 1884, p. 363).Tintoret est le plus véridique de tous les Vénitiens. Son lyrisme tient à la terre. La Venise resplendissante vit en lui, certes, la Venise théâtrale et romantique des processions et de l'Orient, mais aussi la Venise triviale (Faure, Hist. art, 1914, p. 448). Prononc.: [venisjε
̃], fém. [-jεn]. Étymol. et Hist. 1. Ca 1208 subst. venicien « habitant de Venise » (Geoffroi de Villehardouin, La Conquête de Constantinople, éd. E. Faral, 57, p. 58); 2. 1445 adj. venisian « de Venise » (Arch. Nord, B 1997, no60127 ds IGLF Moy. Âge: cent ducas d'or venisian); 1456 venisien (ibid., B 3516 no124016, ibid.: Jehan Criolle, marchant venisien); 3. 1672 ling. subst. (Chapelain, Lettres, éd. Ph. Tamizey de Larroque, t. 2, p. 770: sa relation [de Marco Polo] fut traduitte en vénitien); 4. 1667 damas venitienne désigne une étoffe de soie (doc. ds Höfler, pp. 109-110); 1728 vénitienne id. (Mercure galant, janv. ds Havard). Dér. de Venise; suff. -ien*. Fréq. abs. littér.: 477. Fréq. rel. littér.: xixes.: a) 976, b) 754; xxes.: a) 424, b) 536. Bbg. Quem. DDL t. 16, 22. |