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VOYANT, -ANTE, subst. et adj.
I. − Substantif
A. − [À propos d'une pers.]
1. Personne qui jouit du sens de la vue. Synon. clairvoyant; anton. aveugle, non-voyant (infra rem.).Comme le fait remarquer Pierre Villey, aveugle de naissance, dans Le Monde des aveugles (Flammarion), les voyants pensent souvent sans se figurer leur pensée; par exemple, l'électricité n'évoque qu'une image verbale (Warcollier, Télépathie, 1921, p. 48).
Empl. adj. Soit une série d'individus aveugles; la supposer infinie ne fera pas un voyant, ni une collection voyante ou de voyants (Théol. cath.t. 4, 11920, p. 943).
2. Personne qui connaît ce qui est caché au commun des mortels, ce qui est hors de portée des sens naturels et de la raison. Synon. visionnaire, devin.Aidée de cette intuition qui à certains moments fait de toute femme « une voyante », elle pressent un malheur prochain dans sa vie (A. Daudet, Crit. dram., 1897, p. 14).Les voyantes [it. ds le texte]. − Essayer de faire voir en action ce qu'est le génie, la lecture sous le voile. Mélusine, Jeanne d'Arc, etc... Il resterait à rendre compte de l'inégalité des productions: la même illumination fournissant des produits si divers. La sorcière près de la prophétesse (Barrès, Cahiers, t. 11, 1918, p. 355).V. mage1B 1 a ex. de Wagner.
RELIG. Prophète. Le voyant de Patmos (saint Jean l'Évangéliste). Ces nebiim, − mot qu'on traduit imparfaitement par prophètes,ces orateurs inspirés, ces voyants, sont des « hommes de Dieu », choisis, délégués d'en haut pour faire connaître parmi leurs frères la volonté du créateur (Weill, Judaïsme, 1931, p. 119).
PARAPSYCHOL. Personne douée de facultés paranormales, de seconde vue; femme (le plus souvent) qui a connaissance par des moyens occultes d'événements passés, futurs ou se passant au loin et qui en fait profession. Voyante extra-lucide; boule de cristal, tarots d'une voyante. Elle alla consulter des « voyantes, » (...) mais les tarots disaient toujours « un deuil forcé » (Bourges, Crépusc. dieux, 1884, p. 256).Quant aux « auras », ces émanations diversement colorées (...), leur existence a été affirmée, perçue, disent-ils, par de nombreux « voyants » (Amadou, Parapsychol., 1954, p. 68).
En partic. Poète, artiste dont la connaissance va au-delà de l'apparence des choses. Maintenant, je m'encrapule le plus possible. Pourquoi? Je veux être poète, et je travaille à me rendre voyant: vous ne comprendrez pas du tout, et je ne saurais presque vous expliquer. Il s'agit d'arriver à l'inconnu par le dérèglement de tous les sens (Rimbaud, Œuvres, Lettre à G. Izambard, 1964 [1871], p. 343). Ce que vous avez dit à Geffroy à propos de mon exposition de la rue de Sèze de l'année dernière, ça m'a renversé, bouleversé, fait croire que vous étiez un vrai voyant en tableaux! (Goncourt, Journal, 1887, p. 641).
P. ext. Personne douée d'une grande pénétration psychologique. Cet homme (...) transperçait de son regard de voyantfussent-ils les plus fermés des diplomates, les plus serrés des avaresles interlocuteurs dont il allait faire ses futurs personnages (Morand, Eau sous ponts, 1954, p. 61).
Empl. adj. [En parlant d'un poète] Passavant avait fait (...) un rapprochement analogue entre la vision magnétique et l'acte poétique (...): « Le poète est essentiellement voyant, la poésie est prophétie, vision extatique du passé, de l'avenir, de la totalité ». On voit que la fameuse lettre de Rimbaud a eu ses précurseurs dans le romantisme (Béguin, Âme romant., 1939, p. 75).
B. − Subst. masc., TECHNOL. Dispositif bien visible signalant quelque chose, donnant certaines indications. Une machine tenait à rebours une longue rame arrêtée par le signal rouge. Au pied, le chef, en attendant le feu blanc, disciplinait M. Rambleune par un discours sec (...). Au long du ballast, le fil relié au levier de la cabine frémit en guitare mal pincée. La tôle du voyant claqua sur le mât de fer. Feu blanc (Hamp, Marée, 1908, p. 42).
Voyant (lumineux, rouge). Lampe s'allumant pour attirer l'attention sur un danger, un dysfonctionnement ou pour indiquer qu'un appareil fonctionne. Voyant d'un four; voyant d'huile, d'essence d'une automobile. Les voitures modernes sont équipées bien souvent de voyant lumineux indiquant au conducteur qu'il est temps de songer à remettre de l'essence (Chapelain, Techn. automob., 1956, p. 338).
MAR. Corps de forme particulière surmontant une bouée, une balise qui permet d'en connaître la signification. En entrant au port, le navigateur doit laisser à bâbord les bouées noires et à tribord les bouées rouges. Les signaux de bifurcation sont peints en bandes horizontales alternées, noire et blanche, surmontées d'un voyant formé de deux cônes à base commune. (...). Les signaux de danger isolés sont peints en bandes horizontales rouges et noires avec voyant sphérique (Bourde, Trav. publ., 1929, p. 322).
TOPOGR. ,,Partie mobile d'une mire que l'on vise avec le niveau dans les opérations de nivellement ou de levée des plans`` (Chabat 1881).
II. − Adjectif
A. − Rare. Qui a rapport au sens de la vue. Vous êtes bien heureux de pouvoir écrire. (...) l'on n'a pas besoin, avec ce talent, de témoins, comme il en faut pour exercer la peinture, qui est un art voyant (Delécluze, Journal, 1827, p. 429).Je suis toujours enveloppé de tous les mouvements-voyants de mon corps, qui se transforment les uns dans les autres et me reconduisent invinciblement à la même situation centrale. Je vois donc un tout (Valéry, Variété[I], 1924, p. 141).
B. −
1. Qui attire le regard, l'attention. Anton. discret, sobre.
a) [En parlant d'une chose]
[En parlant d'une couleur et p. méton., ce qui la possède] Synon. éclatant, criard; anton. neutre, terne1.Corsage voyant ; couleur voyante. Je prendrai (...) cette cape espagnole. Elle est doublée de rouge et peut-être un peu voyante, mais nous l'aimons beaucoup (Duhamel, Suzanne, 1941, p. 142).
[En parlant d'un objet et, p. méton., de l'apparence, de la représentation qu'il évoque] Que l'on remarque tout de suite. Titre voyant (d'un journal); luxe voyant. Les bons moines de Châalis auraient voulu supprimer quelques nudités trop voyantes du style Médicis (Nerval, Filles feu, Angélique, 1854, p. 571).Wilfred remarqua l'élégance un peu trop évidente du costume noir que portait son cousin. On ne pouvait être discret d'une façon plus voyante (Green, Chaque homme, 1960, p. 15).
b) [En parlant d'une pers.] Qui attire l'attention par son physique, sa tenue, son comportement. Figure voyante des arts, de la politique. Même aussi sommairement nippée, tu es trop jolie, trop voyante, pour que je t'exhibe (Hermant, M. de Courpière, 1907, i, xiii, 1907, p. 11).Nous n'hésitions [à demander Irène en mariage] qu'à cause du père Verley, ce gros industriel « trop voyant », comme disait Hervé (Mauriac, Ce qui était perdu, 1930, p. 196).
P. méton. [En parlant d'une action, des manifestations d'un sentiment] Qui se fait, se manifeste sans discrétion, de manière ostentatoire. Gaîté voyante. Avec eux, l'inattention était permise. Pourtant celle de Mmede Séryeuse était si voyante qu'elle n'échappa ni à l'aveugle, ni au faible d'esprit (Radiguet, Bal, 1923, p. 177).Afin de ne pas ameuter son quartier par un départ trop voyant qui eût fait croire à l'exode, don Luis avait renoncé à sa tartane (Morand, Flagell. Séville, 1951, p. 106).
2. Au fig.
a) Qui attire l'attention par son caractère excessif, provoquant. Ils parlaient bruyamment, d'un langage libre, plus gros qu'original, et plus voyant que coloré (Veuillot, Odeurs Paris, 1866, p. 162).La Harpe condamnait chez Roucher, comme rimes trop voyantes, flèche et brèche, je foule et en foule (Lemaitre, Contemp., 1885, p. 22).
b) Qui attire l'attention par son caractère trop évident. Quand il apprend la fin d'un suicide, de suite il veut trouver des causes bien rustiques, bien voyantes, vite, c'est pour une femme, une passion, une perte au jeu, une honte domestique (Borel, Champavert, 1833, p. 227).Je voulais t'annoncer une grosse nouvelle. Puisque je suis une idiote, je ne te l'annoncerai pas. La grosse nouvelle alléchait Paul. Il évita une ruse trop voyante.Tu peux la garder, ta nouvelle, dit-il (Cocteau, Enfants, 1929, p. 43).
3. Empl. subst. masc. sing. à valeur de neutre. Caractère attirant l'attention. Disons-le, toutefois, l'étrangeté du sujet, le voyant de la broderie, l'exagération du relief, sont en général l'apanage des robes pour la procession de la déesse Sannoô (E. de Goncourt, Mais. artiste, t. 1, 1881, p. 204).
REM.
-voyant, élém. de compos.V. clairvoyant, mal-voyant (rem. 2 s.v. mal2) et aussi:
Non(-)voyant, -ante,(Non voyant, Non-voyant) subst.Aveugle. Les non voyants gagnent sur les stades. L'association nancéienne d'éducation physique et sportive pour déficients visuels truste les médailles en athlétisme, natation (L'Est Républicain, 22 nov. 1990, p. 11).
Prononc. et Orth.: [vwajɑ ̃], fém. [-ɑ ̃:t]. Littré: ,,vo-ian, ian-t'; quelques-uns disent voi-ian, ian-t'``. V. aboyer. Att. ds Ac. dep. 1694. Étymol. et Hist. A. 1. 1remoit. xiies. li veant « personne qui jouit du sens de la vue » (Psautier d'Oxford, XXI, 7, éd. Fr. Michel, p. 25); 2. xiiies. voiant « celui qui prédit l'avenir; prophète » (BN 899, fo131 vods Trenel, p. 220); 3. a) 1812 « nom donné à certains habitants de l'Écosse doués d'une seconde vue » (Mozin-Biber); b) 1842 « nom donné aux gnostiques et autres sectaires qui prétendent avoir des connaissances surnaturelles » (Ac. Compl.); 4. a) 1837 « personne douée de seconde vue » (Balzac, C. Birotteau, p. 87); 1869 subst. fém. (Goncourt, MmeGervaisais, p. 44); 1884 « femme qui fait métier de lire passé et avenir » (Bourges, loc. cit.); b) 1871 « poète qui voit ce qui est inconnu aux autres » (Rimbaud, loc. cit.). B. 1. 1831 mar. « dispositif placé sur une bouée pour l'identifier » (Will.); 2. 1845 « plaque de tôle ou de bois utilisée dans les opérations de nivellement » (Besch.); 3. 1894 « signal lumineux destiné à attirer l'attention » (Bricka, Cours ch. de fer, t. 1, p. 445). Part. prés. subst. de voir*. Fréq. abs. littér.: 7 235. Fréq. rel. littér.: xixes.: a) 13 166, b) 14 837; xxes.: a) 9 768, b) 5 709. Bbg. Lucius (H.). La Litt. « visionnaire » en France du début du 16eau début du 19es. Bienne, 1970, pp. 55-56, 118-119, 160-161, 196-197.