| VOISIN, -INE, adj. et subst. I. − Adj. [Le plus souvent postposé et pouvant être suivi d'un compl.] A. − [Dans l'espace] Qui est à faible distance, à une distance relativement petite du lieu de référence. Synon. proche. 1. [En parlant d'une pers.] Qui habite, se trouve près d'une autre personne habituellement ou occasionnellement; au plur., qui se trouvent près les uns des autres. Fermier voisin; nations, populations voisines. Dira-t-on que la diminution qui résulterait, pour la force militaire, de ne la placer que sur les frontières, encouragerait les peuples voisins à nous attaquer? (Constant,Princ. pol.,1815,p. 110).Le Ministre des Affaires étrangères (...) ne l'a pas trouvée à son goût [la surprise]. À quelqu'un qui lui en parlait, il aurait répondu très nettement, assez haut pour être entendu des personnes voisines: − « Je n'ai été ni consulté, ni prévenu » (Proust, J. filles en fleurs, 1918, p. 460). − Voisin de qqn/qqc.À côté de, proche de. Être voisin du maire; députés voisins de la tribune; personnes voisines de la porte; peuples voisins de la mer. Il se trouva seul, les soldats les plus voisins de lui étaient éloignés de cent pas (Stendhal, Chartreuse, 1839, p. 49). 2. [En parlant d'un inanimé concr.] Qui est situé à faible distance, non loin du lieu où l'on se trouve ou dont il est question; au plur., proches l'un de l'autre, les uns des autres. Appartement, bar, château, village voisin; maison, montagne, rue, ville voisine; lits voisins; chambres, tables voisines. Sur les terrasses au bord du Saint-Laurent, leurs maisons s'alignent, voisines sans être contiguës, déroulant en bandes rectangulaires leurs vergers de pommiers (Vidal de La Bl., Princ. géogr. hum., 1921, p. 177).J'ouvris les yeux et je souris en voyant sur une chaise voisine ma robe de lainage bleu dans les bras d'un veston gris (Beauvoir, Mandarins, 1954, p. 319). − En partic. Qui touche, qui est immédiatement à côté. Synon. attenant, contigu, limitrophe.Département voisin; maison, pièce, province voisine. D'autres médecins disent que le travail des intestins et leur état, bien connus, donnent les lumières les plus précieuses sur l'organe voisin, la matrice et le vagin (Michelet, Journal, 1858, p. 393).Cette porte s'ouvre sur la chambre voisine (...) et la chambre voisine donne dans le corridor (Colette, Cl. école, 1900, p. 186). − Voisin de qqn/qqc.Arbre voisin de la fenêtre; hôtel voisin de la gare; île voisine du continent; planète voisine du soleil; région voisine de l'équateur. L'hiver venu, elle [la mer] restitue ces chaleurs, ce qui assure aux régions voisines des océans une température moyenne (Verne, Île myst., 1874, p. 181).À la terrasse d'un café proche, une femme était seule à une table. Quelconque, mais jeune. Il s'installa à la table voisine de la sienne (Montherl., Célibataires, 1934, p. 837). B. − P. anal., vieilli. [Dans le temps] Dont on est séparé par un temps très court. Synon. proche, prochain.Époque voisine. [Les arbres] paraissaient sous l'attouchement de cet air tiède prêts à entr'ouvrir leurs bourgeons et à confier leurs pousses au printemps voisin (Taine, Voy. Ital., t. 1, 1866, p. 35). − Voisin de qqn/qqc.Âge voisin de la quarantaine; années voisines de 1900; époque très voisine de nous. Les heures voisines du matin se mirent à sonner (Fromentin, Dominique, 1863, p. 122).Siècles voisins du commencement de notre ère (Renouvier, Essais crit. gén., 3eessai, 1864, p. 159). − Littér. [En parlant d'une pers.] Voisin de qqc.Qui est près d'un moment ou d'un état déterminé. Voisin de la mort, de sa perte. À vingt-deux ans, les jeunes gens sont encore assez voisins de l'enfance pour se laisser aller à des enfantillages (Balzac, E. Grandet, 1834, p. 51).Si voisin d'un succès complet, je touchais à un autre dénouement (Chateaubr., Mém., t. 3, 1848, p. 233). C. − [Dans une relation de mesure; en parlant d'un phénomène physique, d'une grandeur mesurable] Voisin de qqc.Légèrement inférieur ou supérieur à. Synon. approchant.Débit voisin de 10 tonnes; altitude voisine de 3 000 m; longueur voisine de 1,50 m; pression voisine de 10 kilogrammes; température voisine de 100 degrés; être voisin du zéro. Certains minéralogistes admettent que cette substance peut cristalliser en prisme rhomboïdal droit dont l'angle serait voisin de 120 degrés (Pasteurds Ann. chim. et phys., t. 23, 1848, p. 276). − MUS. Ton voisin. Ton qui ne diffère du suivant que par une altération. Chaque ton majeur ou mineur a cinq tons voisins (BrenetMus.1926). D. − Au fig. Synon. de proche. 1. [En parlant d'une pers.] Avec qui on a des affinités intellectuelles ou affectives. La graphologie est une science subordonnée, tributaire pour son langage du psychologue voisin (Mounier, Traité caract., 1946, p. 205). − Voisin de qqn.À les voir aller sans soutane [les prêtres catholiques] (...) on devine un clergé voisin du peuple, vivant réellement avec lui (Bourget, Ét. angl., 1888, p. 46).Voilà ce qui est bien, et ce qui me touche, et me fait tout voisin de toi (R. Bazin, Blé, 1907, p. 265). 2. a) Au plur. Qui présentent des traits d'analogie ou de ressemblance, dont les caractères sont sensiblement les mêmes. Arts, dialectes, domaines, styles, systèmes voisins; espèces, expériences, formules, idées, influences, sciences voisines. Des oiseaux voisins, les pluviers et les vanneaux, font un usage à peu près pareil, mais dans la terre seulement, d'un bec droit, court, ferme et renflé par le bout (Cuvier, Anat. comp., t. 3, 1805, p. 196).En français les deux formes ont des sens tellement voisins qu'on les confond dès que l'on sort des locutions usuelles. On a voulu réserver écaille pour les poissons et écale pour les végétaux (Gourmont, Esthét. lang. fr., 1899, p. 154). b) Voisin de qqc.Qui ressemble à, se rapproche de, est peu différent de. Chagrin voisin de la colère; état voisin de la maladie; amitié voisine de l'amour; pauvreté voisine de la misère. En statistique la probabilité est de plus en plus voisine de la certitude, à mesure que la base de l'observation est plus étendue (E. Boutroux, Contingence, 1874, p. 39).Ses beaux cheveux, affranchis, lui coulaient sur les épaules et la jeune femme, à cette caresse fluide, éprouvait un plaisir étrange, voisin de la volupté (Duhamel, Suzanne, 1941, p. 292). II. − Subst. [Souvent avec le poss.] A. − Personne ou chose qui se trouve à proximité. 1. Personne qui habite le plus près de quelqu'un. − (...) Que vont dire les voisins en te voyant partir comme si tu avais commis un crime? − Les voisins diront ce qui leur plaira, répliqua nettement Hélène, je n'ai pas l'habitude de me soucier de leur opinion (Theuriet, Mariage Gérard, 1875, p. 164). « Tu fais trop de bruit, les voisins vont se plaindre », disait ma mère (Sartre, Mots, 1964, p. 104).V. cheveu ex. 5. ♦ Voisin de + subst. sans art.Voisin d'immeuble, de palier, de rue. M. André, le banquier, voisin de campagne de mon oncle, avait calculé qu'une rose de chez lui lui revenait à six francs (Goncourt, Journal, 1864, p. 62). SYNT. Voisin immédiat; voisin bienveillant, complaisant, jaloux, malfaisant, malveillant; voisin du dessous, du dessus, d'à côté; aimable, proche, généreux voisin; nouveau, vieux voisin; commérages, potins des voisins; maison, terre du voisin; femme, enfants du voisin; fréquenter, ignorer ses voisins; ne pas avoir de voisin; avoir qqn pour voisin; avoir de bons voisins; être bien, mal, s'entendre avec ses voisins; s'aider entre voisins ; voisins qui accourent, frappent au mur, qui n'ont rien vu, rien entendu, peuvent entendre. − En appellation. Bonjour, voisin. Mets-toi là, voisine, dit-elle en montrant une table, près de celle où Maheu buvait avec Étienne et Pierron (Zola, Germinal, 1885, p. 1269). − Loc. adv. En voisin(s). Familièrement, sans cérémonie. Il s'agissait d'un dîner de famille offert en voisins, et qu'on serait heureux de nous voir accepter de même (Fromentin, Dominique, 1863, p. 14).Elle devait être venue en voisine, sans prendre la peine de s'habiller (Beauvoir, Mandarins, 1954, p. 324).En bon(s) voisin(s). En ayant des rapports cordiaux. Il faudrait (...) qu'on vive ensemble comme on avait toujours vécu: en bons voisins, en bons amis, sans se faire de mal (Giono, Colline, 1929, p. 171). − Proverbe, vieilli. Qui a bon voisin a bon matin. ,,Qui a un bon voisin, vit en repos et sans inquiétude`` (Ac.). 2. Personne qui occupe la place située à côté ou non loin de quelqu'un. Voisin de droite, de gauche; gêner son voisin; parler à l'oreille de son voisin; se passer quelque chose de voisin à voisin. Je m'installe entre Luce et Anaïs, voisine elle-même de Marie Belhomme, car nous nous tenons, par habitude, en un petit groupe (Colette, Cl. école, 1900, p. 249).Juliette choisit sa place bien au milieu, à la bonne distance de l'écran. Le fauteuil de velours était confortable, il n'y avait pas de voisins (Triolet, Prem. accroc, 1945, p. 69). − Voisin de + subst. sans art.Voisin de banc, de bureau, de chambre, de chambrée, de classe, d'hôpital, de lit. Le milieu était trop raffiné pour lui: il entendait avec étonnement ses voisins de table parler de philosophie ou de littérature (Larbaud, F. Marquez, 1911, p. 31). 3. Chose située à proximité d'une autre. À demi caché par un massif de chênes le petit castel de Vaubert semble observer d'un air humble et souffrant la superbe attitude de son opulent voisin [le château de La Seiglière] (Sandeau, Mllede La Seiglière, 1848, p. 3).Un autre [arbre], les branches emmêlées à celles de son voisin, refusa de tomber seul (Pesquidoux, Livre raison, 1928, p. 48). B. − 1. Au plur. Habitants d'un pays limitrophe ou peu éloigné avec lequel on entretient des rapports. Nos voisins d'Angleterre; invasion des voisins; être en guerre avec ses voisins; empiéter sur ses voisins. En comparant sous ce point de vue le peuple anglais avec leurs voisins du continent, il est difficile de ne pas croire qu'ils possèdent quelque chose de mieux (Sieyès, Tiers état, 1789, p. 62).La Belgique était en paix avec ses voisins depuis sa naissance, et dans cet heureux et riche pays, presque personne ne croyait à la guerre avant le mois d'août 1914 (Joffre, Mém., t. 1, 1931, p. 466). 2. Au sing. à valeur coll. Le pays contigu, la puissance étrangère voisine. Dangereux, puissant voisin. Si quelque peuple doute de son voisin jusqu'à le mépriser en parole et en action, il doit se prêter à l'épreuve (Alain, Propos, 1921, p. 192). C. − Au masc. sing. Synon. de autrui, prochain.Défauts du voisin; envier, jalouser le voisin; s'approprier ce que possède le voisin. Toute vraie passion ne songe qu'à elle. C'est pourquoi, ce me semble, les passions sont si ridicules à Paris, où le voisin prétend toujours qu'on pense beaucoup à lui (Stendhal, Rouge et Noir, 1830, p. 232). Prononc. et Orth.: [vwazε
̃], fém. [-in]. Att. ds Ac. dep. 1694. Étymol. et Hist. 1. a) Ca 1140 veisin « celui qui demeure près d'un autre » (Geoffroi Gaimar, Hist. des Anglais, éd. A. Bell, 5964); 1180-90 felon voisin (Alexandre de Paris, Alexandre, branche III, vers 6069 ds Elliott Monographs, no37, p. 280); 1585 bons voisins (N. Du Fail, Contes d'Eutrapel, VI ds
Œuvres facétieuses, éd. J. Assézat, t. 1, p. 290); 1824 en voisin « sans façon et à charge de revanche, comme il est normal entre des personnes qui vivent l'une près de l'autre » (Courier, Pamphlets pol., Pamphlet des Pamphlets, p. 208: il venait en voisin, et cette bonhomie nous étonna); b) 1306 « habitant d'un pays contigu » (Joinville, Vie St Louis, éd. N. L. Corbett,736); d'où « pays voisin » un puissant voisin (Racine, Athalie, II, 5, 481); c) 1585 « personne qui se trouve placée à côté d'une autre, dans une situation donnée » (N. Du Fail, op. cit., t. 2, p. 51); d'où 1678 « le prochain, autrui » (Esprit, Fausseté des vertus humaines, p. 47); 2. a) 1160-74 « situé à peu de distance, proche » des veisins chartels (Wace, Rou, éd. A. J. Holden, III, 9769); 1291 voisin de « proche de » viles visines de la dite vile (Ch. de Ph. de Beaumanoir, Chaumont, A. Ardennes, H 81, Collinet, Nouv. Rev. hist. de droit franç. et étrang., XVIII, 697 ds Gdf. Compl.); b) 1580 « qui présente un trait de ressemblance, un caractère d'analogie » (Montaigne, Essais, II, 33, éd. P. Villey et V.-L. Saulnier, p. 731); en partic. 1910 mus. trois tons voisins (Alain, Propos, p. 75); c) 1588 « proche dans le temps » l'aage voisin de l'enfance (Montaigne, op. cit., III, 5, p. 895). Du lat. pop. *vecīnus forme dial. (osco-ombrien) ou plutôt dissimilée (A. Thomas ds Romania t. 38, p. 149 et FEW t. 14, p. 414b) du lat. class. vīcīnus « qui est à proximité, voisin (adj. et subst.) » empr. au lat. class. vīcus (gr. ο
ι
̃
κ
ο
ς) « quartier d'une ville; bourg, village ». Fréq. abs. littér.: 9 459. Fréq. rel. littér.: xixes.: a) 13 704, b) 13 725; xxes.: a) 14 743, b) 12 307. |