| VISER1, verbe trans. A. − Empl. trans. 1. a) [Le compl. d'obj. désigne un but, une cible] Diriger son regard avec attention sur quelqu'un, quelque chose pour chercher à l'atteindre, notamment en lançant un projectile, en assénant un coup ou pour l'ajuster en pointant une arme ou un appareil optique. Viser un but, une cible, une direction, une mire, un objectif; viser son adversaire; viser le front, la tête de qqn; viser avec un fusil, une épée; viser une étoile avec l'oculaire, la lunette. Il faut les voir (...) lever la boule à la hauteur des yeux, comme pour viser les quilles, puis la lancer brusquement (Moselly, Terres lorr., 1907, p. 82).V. alidade ex. 6. − Viser à (tel endroit).Viser une personne, un animal à la tête, au cœur, aux jambes. L'homme, une espèce de maure, Saisit un pistolet qu'il étreignait encore, Et vise au front mon père en criant: « Caramba! » (Hugo, Légende, t. 2, 1859, p. 726). ♦ [Avec ell. du compl. d'obj.] Quand un lièvre vous part dans la culotte, il faut attendre pour le tirer et viser aux oreilles (H. Bazin, Vipère, 1948, p. 66). − ARM. Viser un point marqué. Diriger la ligne de mire d'une arme sur l'objectif ou sur un point de pointage auxiliaire. (Dict. xxes.). − Proverbe, vx. Ce n'est pas mal visé pour un borgne. Il a mieux réussi qu'on ne le croyait dans son entreprise (d'apr. Ac. 1798-1878). P. iron. Voilà bien visé pour un borgne. Il a échoué (d'apr. Ac. 1798-1878). − P. ell., au part. passé. Bien/mal visé! La cible est/n'est pas atteinte. Un obus passait, d'un sifflement pressé. Un morceau de champ sauta. − Mal visé, dit Gaspard, trop à gauche! (Benjamin, Gaspard, 1915, p. 61). − Part. passé en empl. adj. Point visé; cible visée. La proie visée, manquée du premier bond, disparue à jamais (Bernanos, Soleil Satan, 1926, p. 95).L'aviateur visé, pour échapper aux projectiles, modifie sa ligne de vol (Ruyer, Cybern., 1954, p. 76). − Empl. pronom. réciproque. Ils se sont regardés dans une autre intention que celle de se viser l'un l'autre pour se tuer plus sûrement (A. de Broglie, Diplom. et dr. nouv., 1868, p. 62). − Empl. trans. indir. Viser sur qqc.V. alidade ex. 4. b) [Sans compl.] Diriger et fixer son regard, un objet, une arme vers l'objectif à atteindre. Synon. pointer3.Viser bien, (trop, plus) haut, juste, loin, longtemps; viser avant de tirer. Il déchargea sa carabine devant lui, sans viser, puis il rechargea, tira de nouveau (Zola, Fortune Rougon, 1871, p. 216).Il mettait en joue, et visait longuement, l'œil à demi fermé, et paf! l'ennemi atteint par la balle, tombait (Ramuz, A. Pache, 1911, p. 24). c) En partic. Regarder, fixer intensément, examiner quelqu'un, quelque chose. − Il ne vous reconnaît pas, souffle sa fille. Le regard très net de Janet vise Marguerite: − Elle est folle, celle-là (Giono, Colline, 1929, p. 82).Il regarde encore mon pognon... Et une fois par transparence... Il vise les biffetons un par un (Céline, Mort à crédit, 1936, p. 513). − Pop., fam., gén. à l'impér. Voir, remarquer quelqu'un, quelque chose d'intéressant, de curieux. Vise-moi cette bagnole! Vise la bonne femme ! Vise-moi s'il est bien loqué! (Sartre, Mains sales, 1948, 3etabl., 2, p. 80).V. bath ex. 3. 2. Au fig. a) [Le suj. désigne un animé]
α) Avoir en vue, faire allusion à. Quand je dis: capitalisme, je vise très exactement ceci: une certaine répartition des richesses du globe, et un certain mode de leur mise en valeur (Martin du G., Thib., Été 14, 1936, p. 154).
β) Chercher à atteindre, à obtenir par son action. Synon. ambitionner, briguer, convoiter, guigner (fam.), poursuivre, rechercher.Viser une place, un poste, la succession de qqn; viser un effet, l'intérêt public, les honneurs, un résultat. Un banquier vise deux cents millions, et, quand il y touche, il trouve que ce n'est pas beaucoup (Alain, Propos, 1931, p. 1034). − [P. méton. du suj.] Cette culture qui vise le développement physique, intellectuel et moral (Macaigne, Précis hyg., 1911, p. 296). − Part. passé en empl. adj. L'offensive (...) pour assurer les résultats visés: dégagement de la voie ferrée Paris-Avricourt et base de départ satisfaisante pour des opérations ultérieures (Foch, Mém., t. 2, 1929, p. 207). − [Sans compl.] Viser haut. Avoir des visées, de l'ambition. Vous me faites trop d'honneur: je n'oserai jamais viser aussi haut. Il faut pour cela plus de lumières et d'études que je n'en ai (Reybaud, J. Paturot, 1842, p. 300).Pour atteindre même ces buts si médiocres, il faut viser ailleurs, viser plus haut (Barrès, Cahiers, t. 13, 1920, p. 10). b) [Le suj. désigne un inanimé] S'appliquer à quelqu'un, quelque chose, concerner, intéresser. Être visé par un article, un décret, une loi. Dans les communes qui ne sont pas visées par l'arrêté préfectoral, les règlements locaux restent en vigueur (Baradat, Organ. préfect., 1907, p. 331).Le mot de labyrinthe quand je l'applique à Gide vise le fait qu'avec lui (...) le principe de contradiction n'a pas cours (Du Bos, Journal, 1927, p. 303). − Part. passé en empl. adj. Établissement, organisme visé; catégorie visée. Les jeunes gens visés au présent article sont admis, après concours, dans un peloton d'élèves officiers de réserve (J.O., Loi rel. recrut. arm., 1928, p. 3815).Les médicaments spécialisés, visés à l'article L.601 du code de la santé publique, ne peuvent (...) donner lieu à remboursement (Réforme Sécur. Soc., 1968, p. 45). c) En partic. Viser qqn.S'adresser à quelqu'un, concerner quelqu'un avec une intention hostile, une attaque, une critique. Ce mot qui visait l'assistance l'atteignit et la blessa (Péladan, Vice supr., 1884, p. 106).Vous trouvez que j'ai tort de fréquenter ces gens-là? − Non pas tous, peut-être; mais certains d'entre eux, assurément. Olivier prit pour singulier ce pluriel. Il crut qu'Édouard visait particulièrement Passavant (Gide, Faux-monn., 1925, p. 1172). − Au passif. Être, se croire, se sentir visé. Être, se croire, se sentir l'objet d'une mesure particulière, souvent hostile, d'une critique. Il a appris de la police que je suis visé; il me conseille de ne pas bouger d'ici, sauf pour filer avant deux jours (Malraux, Cond. hum., 1933, p. 323).Je voulais te prévenir que la mère Belhomme est visée, on l'a à l'œil et ça serait con que tu aies des emmerdements à cause de cette peau (Beauvoir, Mandarins, 1954, p. 288). B. − Empl. trans. indir., au fig. Viser à + subst. déterminé ou inf. 1. [Le suj. désigne une pers.] a) Avoir en vue de, chercher à atteindre, à obtenir. Synon. rechercher.Viser à l'effet, à la grandeur, à la réussite, à une situation; viser à atteindre, à donner, à établir (qqc.), à intéresser (qqn), à plaire, à se singulariser. Il visait au repos, à la paresse carrée, à la grasse sérénité du boutiquier retiré qui s'arrondit et se reproduit (Goncourt, Ch. Demailly, 1860, p. 8).Les dirigeants de Londres (...) visaient à atteindre des buts spécifiquement britanniques (De Gaulle, Mém. guerre, 1959, p. 54). b) Vieilli. Ressembler à, se rapprocher de. Les femmes sont potelées, plus jolies que belles, et visant un peu à l'obésité (Brillat-Sav., Physiol. goût, 1825, p. 151). 2. [Le suj. désigne un inanimé] Avoir pour effet, pour fin de. Synon. tendre à.Ton qui vise à l'insolence. − À quoi vise cet acte peu commun? À quoi rime l'acte second de le noter? (Valéry, Variété II, 1929, p. 99).À l'heure qu'il est, toute littérature qui vise à donner aux hommes autre chose que du pain, on l'exploite pour démontrer qu'ils peuvent très bien se passer de pain (Beauvoir, Mandarins, 1954, p. 408). REM. Visé (au), loc. adj. ou adv.[Corresp. à supra A 1] En ajustant son tir avec une arme à feu. Anton. au jugé.Tirer au visé. Si nous avons le duel au pistolet, à vingt pas et au visé, un des deux doit y rester (Goncourt, Journal, 1888, p. 841). Prononc. et Orth.: [vize], (il) vise [vi:z]. Att. ds Ac. dep. 1694. Étymol. et Hist. A. Verbe intrans. 1. 1160-74 « diriger son regard vers un but pour y lancer quelque chose » (Wace, Rou, éd. A. J. Holden, III, 2037); 2. a) 1690 voilà bien visé pour un borgne (Fur.); 1718 ce n'était pas mal visé pour un borgne (Ac.); b) 1851 viser haut (Sainte-Beuve, Caus. lundi, t. 4, p. 229). B. Verbe trans. indir. 1. 1360-70 viser à qqc. « tendre à » (Baudouin de Sebourc, éd. L. N. Boca, t. 1, p. 221, 651); 2. 1590 (avec pour suj. un nom de chose) viser à + subst. (Montaigne, Essais, I, 20, éd. P. Villey et V.-L. Saulnier, p. 81); 3. 1689 viser à « ressembler à, se rapprocher de » (Mmede Sévigné, Corresp., éd. R. Duchêne, t. 3, p. 602). C. Verbe trans. 1. xiiies. « remarquer, voir » (Chrétien de Troyes, Erec et Enide, éd. W. Foerster, 6722, var. ms. B, p. 240); 1901 « mater, distinguer » (Bruant, s.v. distinguer); 2. 1608 fig. « avoir en vue, rechercher » (J. Du Sin, Rhét. d'Arist., fo36 vods Gdf. Compl.); 3. 1607 « regarder l'endroit où l'on veut lancer quelque chose » (H. d'Urfé, Astrée, t. 1, p. 211); 4. 1837 « assigner un but, un objectif à son action » (Balzac, Employés, p. 249); 5. 1892 (avec pour suj. un nom de chose) « concerner, s'appliquer à » (France, Vie littér., p. 172); 6. 1908 être visé « être concerné par une attaque, une critique » (Id., Île ping., p. 234); 1954 se sentir visé (Butor, Passage Milan, p. 66). D'un lat. pop. *visare, lat. visere, intensif de videre « voir ». Fréq. abs. littér.: 1 419 (visé: 195). Fréq. rel. littér.: xixes.: a) 701, b) 1 103; xxes.: a) 1 349, b) 4032. Bbg. Chautard Vie étrange Argot 1931, p. 304. − Valognes (J.). Les Verbes du désir en fr.: essai de structuration, Thèse, Strasbourg, 1977, pp. 131-134. |