| VINAIGRE, subst. masc. A. − Liquide qui résulte de la fermentation acétique du vin ou d'une dilution alcoolique, et qui est employé essentiellement dans l'alimentation, la chimie et la parfumerie. Outre son emploi comme vinaigre dans les usages domestiques, l'acide acétique reçoit de nombreuses applications dans les arts; (...) il forme les sels, nommés acétates, dont on emploie d'énormes quantités pour la teinture des étoffes (Brard1838).Procédé rapide, dit procédé allemand, employé surtout pour la fabrication des vinaigres d'alcool (Brunerie, Industr. alim., 1949, p. 107).V. acétique ex. 5. 1. [Ce liquide utilisé parfois comme breuvage (allongé d'eau et quelquefois parfumé de différents aromates)] Le vinaigre militaire coulait sur les barbes non rasées, (...) l'on se régalait de glands, de ciboules et d'oignons crus (Flaub., Tentation, 1849, p. 482).Apollonie n'en buvait pas [de vin], elle en rougissait son eau (...). Quoique en été elle préférât quelques gouttes de vinaigre dans l'eau pour donner ce petit goût acide qui semblait apaiser la soif (M. Rouanet, H. Jurquet, Apollonie, 1984, p. 88). − [P. allus. au passage de l'Évangile dans lequel un soldat romain présente une éponge imbibée de ce breuvage au Christ en croix] Ici-bas chacun souffre sa passion, le poëte plus que tout autre, car son front saigne incessamment sous une couronne d'épines, car chaque jour, on enfonce une lance dans son flanc, à chaque minute l'éponge du vinaigre est pressée sur ses lèvres (Du Camp, Mém. suic., 1853, p. 214). 2. [Ce liquide utilisé comme assaisonnement, condiment ou conservateur alimentaire] Vinaigre blanc, rouge, coloré; vinaigre d'alcool, de bière, de cassis, de cidre, de citron, de framboise, d'hydromel, de vin, de xérès; vinaigre aromatisé à l'échalote, à l'estragon, au miel; câpres, cornichons, oignons confits, pasteurisés au vinaigre. Une cantatrice du théâtre Montparnasse (...) était venue prendre son repas pendant un entr'acte (...), un dîner composé exclusivement d'un artichaut à l'huile et au vinaigre (Murger, Scènes vie boh., 1851, p. 31).Ça sentait comme quand on prépare les grosses salades d'été et qu'on écrase au fond du saladier le vinaigre et l'ail et la poudre de moutarde (Giono, Gd troupeau, 1931, p. 49). ♦ Vinaigre de bois (vieilli). Acide acétique issu de la distillation du bois. V. infra A 3 ex. de Deschamps d'Avallon. ♦ Mère du vinaigre. V. mère1I D 3.Mouche du vinaigre. Synon. de drosophile.V. ce mot ex. de Cuénot, J. Rostand. − P. anal. (de goût), péj. Vin aigri; vin de basse qualité. Synon. piquette1.Cette Allemande aimait les différents vinaigres que les Allemands appellent communément: vins du Rhin (Balzac, Cous. Pons, 1847, p. 60). 3. [Ce liquide utilisé comme désinfectant ou stimulant (parfois additionné de substances parfumées ou médicamenteuses)] Vinaigre aromatique, médicinal; flacon de vinaigre; mouchoir imbibé de vinaigre. J'ai acheté du vinaigre en route pour, si je couchais, me laver (Goncourt, Journal, 1855, p. 175).La mère Catherine accourut, affolée, la coiffe de travers. Un souffle frêle sortait des lèvres de la jeune fille. Elle lui frappa dans la paume des mains, la releva sur l'oreiller, lui fit respirer du vinaigre. Marthe revint à elle (Moselly, Terres lorr., 1907, p. 146). − PHARM., PARFUMERIE. Sel(s) de vinaigre. V. sel B 1 a. ♦ Vinaigre des quatre voleurs (vieilli). Vinaigre composé employé comme antiseptique. Je m'inondai du vinaigre des quatre voleurs en traversant les marais Pontins (Stendhal, Journal, t. 4, 1811, p. 139). ♦ Vinaigre radical (vieilli). Acide acétique concentré. Le vinaigre radical est souvent remplacé par du vinaigre de bois (Deschamps d'Avallon, Compendium pharm. prat., 1868, p. 701). ♦ Vinaigre de roses, vinaigre rosat. Dissolution acétique dans laquelle on fait macérer des pétales de roses rouges (Dict. xixeet xxes.). ♦ Vinaigre de plomb ou de Saturne (vieilli). ,,Solution concentrée d'acétate de plomb`` (Méd. Biol. t. 3 1972). B. − Au fig. ou p. métaph. Caractère mordant, désagréable (d'une personne, d'un comportement, d'un propos, etc.). Synon. acidité, aigreur, amertume, âpreté, fiel.Amabilité, regard au vinaigre; tremper sa plume dans le vinaigre. Ce filet de vinaigre qu'elle avait l'art d'introduire dans ses amabilités et qui faisait ressembler ses compliments à la sauce italienne appelée acre dolce (Goncourt, Journal, 1885, p. 470).Sa douceur inexorable avait la vertu des bonnes huiles: elle faisait passer le vinaigre de son autorité (H. Bazin, Tête contre murs, 1949, p. 352). ♦ Habit de vinaigre (vieilli). Vêtement léger, peu adapté au froid. Un fantassin (...) qui grelotte avec son méchant habit de vinaigre (Balzac, Adieu, 1830, p. 25). − Loc., fam. ♦ JEUX Donner, fournir du vinaigre; sauter (à l'huile et) au vinaigre. [Dans les jeux de corde à sauter] Accélérer le mouvement de la corde; sauter (lentement puis) de plus en plus rapidement. Ensuite, il faut sauter à la corde, exécuter des doubles, fournir du vinaigre. Enfin Marguerite se rend. Elle se couche sur le ventre, dans l'herbe (Renard, Écorn., 1892, p. 233).(Grand) vinaigre! [Exclam. des enfants qui sautent à la corde pour faire accélérer le mouvement de ceux qui tournent la corde] Ce pauvre petit chat valsait, fallait voir! les talons en l'air comme les gamines qui jouent à la corde et qui crient: Vinaigre! (Zola, Assommoir, 1877, p. 693). ♦ Faire vinaigre. Se hâter. Le train, le premier train, la voie est réparée, faut reconnaître qu'ils ont fait vinaigre, l'Allemand a toujours été bon ouvrier (Sartre, Mort ds âme, 1949, p. 248). ♦ Tourner au vinaigre. [À propos d'une discussion, d'une situation] Se détériorer, se gâter. J'en ai profité (...) pour essayer (...) qu'on s'esquive en douceur avant que tout tourne au vinaigre et qu'on se fâche à mort (Céline, Voyage, 1932, p. 600). ♦ On ne prend pas les mouches avec du vinaigre; on prend plus de mouches avec du miel (ou du sucre) qu'avec du vinaigre. V. mouche I C 3. Prononc. et Orth.: [vinε:gʀ
̥]. Att. ds Ac. dep. 1694. Étymol. et Hist. 1. a) Ca 1200 « produit résultant de la fermentation acétique du vin » (Jean Bodel, Fabliaux, VI, 17, éd. P. Nardin, p. 51); ca 1350 vinaigre blanc (Textes médicaux français, ms. B, 98 ro, éd. R. Arveiller ds Romania t. 94, p. 16); b) 1600 vinaigre rosat (Ol. de Serres, Théâtre d'Agriculture, l. 3, chap. 12, p. 238); 1763-64 vinaigre de Saturne (Pharmacopée de Lemery, p. 45); 1824 vinaigre de bois (Nysten); 1835 sels de vinaigre (Ac.); 1839 vinaigre de toilette (Comm. t. 2); c) 1872 Au bon vinaigre! « cri que l'on prononçait en prenant, par jeu, un enfant sur son dos; souvenir du cri des marchands qui portaient sur le dos un tonnelet de vinaigre » (Littré); 2. 1536 habis... doublez de vinaigre (R. de Collerye,
Œuvres, éd. Ch. d'Héricault, p. 163); 3. après 1661 « propos ou comportement qui blesse » (Retz, Mém., éd. A. Feuillet, J. Gourdault et R. Chantelauze, III, p. 477); 4. a) 1808 « au saut à la corde, redoublement de vitesse » (Hautel); 1867 Du vinaigre ! « cri de l'enfant sautant à la corde pour obtenir une accélération du mouvement » (Delvau, p. 500); 1877 vinaigre! « id. » (Zola, loc. cit.); b) 1916 faire vinaigre « se dépêcher » (Barbusse, Feu, p. 222); 5. 1866 filet de vinaigre « voix aigre et fausse » (Delvau, p. 160); 6. 1894 ça tourne au vinaigre « ça prend une fâcheuse tournure » (Virmaitre, Dict. arg. fin-de-s., p. 132); 7. 1895 « mauvais temps pour les marins » (A. Daudet, Pte paroisse, p. 103). Formé de vin* et aigre*. Fréq. abs. littér.: 340. Fréq. rel. littér.: xixes.: a) 453, b) 690; xxes.: a) 480, b) 399. Bbg. Chautard Vie étrange Argot 1931, p. 275. − Guill. Orig. gourmande 1986, p. 268. |