| VIL, VILE, adj. A. − [En parlant d'un inanimé] 1. Qui a peu de valeur, méprisable. Tel, nu, sordide, affreux, nourri des plus vils mets, Esclave − vois, mon corps en a gardé les signes − Je suis né libre (Heredia, Trophées, 1893, p. 47).On vous instruit à ce qu'il y a de plus élégant, de plus profond et de plus ferme dans l'immense trésor de notre littérature. Faites-en votre nourriture préférée. N'y voyez pas une vile matière de programmes, une dose amère de médecine pour examens (Valéry, Variété IV, 1938, p. 154). 2. En partic. Dont la valeur monétaire est peu élevée. Eh! que me fait votre or! reprit l'hôtesse; précieux dans vos mains, il deviendra dans les miennes plus vil que l'étain (Hugo, Han d'Isl., 1823, p. 142). ♦ À vil prix. V. prix I A 3 b. ♦ Métaux vils. Métaux sans valeur. [La chimie] croyait à des élixirs de longue vie et à la transmutation des métaux vils en métaux précieux (Pasteurds Travaux, 1895, p. 415). B. − [En parlant d'une pers., d'un groupe de pers.] 1. Vx. Qui est de basse condition. Ayant examiné les habillements, la tournure et la figure de toutes ces femmes, il en remarqua très peu que l'on pût ranger parmi la classe de la vile populace (Le Moniteur, t. 2, 1789, p. 529).Le bruit se répand un jour que la femme d'un vil artisan a donné naissance à ce roi si long-temps promis (Chateaubr., Martyrs, t. 3, 1810, p. 13). − En partic. Qui n'est pas noble. Vil roturier. Le duc de Saint-Simon s'est plaint de ce règne de vile bourgeoisie. Sous Louis XV, d'Argenson dira avec le même dédain: « Satrapie de roture » (Bainville, Hist. Fr., t. 1, 1924, p. 234). ♦ [P. méton. du subst.] La noblesse était indignée de l'audace des gens de vile naissance, dont Sylla aimait à s'entourer (Michelet, Hist. romaine, t. 2, 1831, p. 206). 2. Qui est abject, méprisable; qui manifeste de la bassesse, de la vulgarité. Synon. indigne, infâme. a) [En parlant d'une pers.] Vil assassin, coquin, courtisan, criminel, ennemi, séducteur, scélérat; vile canaille, créature, espèce, multitude. Ceux-là sont des fuyards, des filous, des escarpes, Des maires dont la boue a souillé les écharpes, De vils banqueroutiers esquivés nuitamment, Que l'extradition réclame (Glatigny, Fer rouge, 1870, p. 55).Hier méchant et injuste, parce qu'humilié dans ma gloriole sexuelle. Vil demain en recommençant mes caresses, sachant qu'elle ne fait que les supporter (Montherl., Pitié femmes, 1936, p. 1103). − [P. méton. du subst.] Car ton soleil, Jésus, ne s'était point levé Sur la femme, chair vile, et sur l'homme énervé (Leconte de Lisle, Poèmes barb., 1878, p. 335). b) [En parlant d'un animal] Vil bétail. Les Égyptiens, qui regardaient comme des dieux les plus vils animaux, ont été punis (Théol. cath.t. 4, 11920, p. 1014). c) [En parlant d'un inanimé] Vil moyen, trafic. Quel pays, que celui où le travail fait déroger, où il est honorable de consommer et humiliant de produire, où les professions pénibles sont dites viles, comme s'il pouvait y avoir autre chose de vil que le vice, et comme si c'était dans les classes laborieuses qu'il y a le plus de cette vilité, la seule réelle? (Sieyès, Tiers état, 1789, pp. 57-58).Il regagna misérablement son lit, tête basse, avec une sorte d'humilité vile qui marquait bien la profondeur de sa chute, son caractère irréparable (Bernanos, Imposture, 1927, p. 335). REM. Vilement, adv.[Corresp. à supra B 2] De manière vile. Ce n'est pas bien fier, Hanotaux m'ayant lâché le plus vilement du monde, le jour même où il parut devenir quelqu'un (Bloy, Journal, 1895, p. 196). Prononc. et Orth.: [vil]. Att. ds Ac. dep. 1694. Étymol. et Hist. 1. Ca 1100 « qui inspire le mépris, méprisable » (Roland, éd. J. Bédier, 1240); 2. ca 1140 « qui, dans une hiérarchie, occupe le plus bas degré » (Geffrei Gaimar, Hist. des Anglais, éd. A. Bell, 4761); 3. ca 1200 « qui est de peu de valeur ou sans valeur » (Moralités sur Job, éd. W. Foerster, p. 307, 42: viz); ca 1288 vil (Joinv., Credo, XXXIII ds Gdf. Compl.); 1518 à vil prix (Édit ds Rec. gén. des anc. lois fr., t. 12, p. 162). Du lat. vilis « à bas prix » d'où « méprisable ». Fréq. abs. littér.: 1 543. Fréq. rel. littér.: xixes.: a) 3 533, b) 2 389; xxes.: a) 2 106, b) 999. Bbg. Robreau (Y.). L'Honneur et la honte. Genève, 1981, pp. 181-188. |