| VICIER, verbe trans. A. − DR. Entacher d'un défaut, d'un vice. C'est une règle de droit que ce qui abonde ne vicie pas (Ac.).La lésion ne vicie les conventions que dans certains contrats ou à l'égard de certaines personnes (Code civil, 1804, art. 1118, p. 203). B. − 1. Fréq. au passif. [Le compl. désigne une pers., une collectivité] Affecter d'un vice, corrompre moralement. La porte nous avait été ouverte par une servante comme il y en a chez les vieux célibataires: une rosse, une ribaude. De celles dont il n'y a rien à faire, qui sont viciées à treize ans (Barrès, Cahiers, t. 4, 1906, p. 220).Grâce à Bertrand, obsédé par la haine de l'alcoolisme (...), notre escouade est une de celles qui sont le moins viciées par le vin et la gniole (Barbusse, Feu, 1916, p. 200). 2. [Le compl. désigne une chose] a) Altérer la pureté, la nature de quelque chose. Synon. corrompre, dénaturer, gâter.En conviant aujourd'hui tous ses enfants à un même festin, la Société réveille leurs ambitions dès le matin de la vie. Elle destitue la jeunesse de ses grâces et vicie la plupart de ses sentiments généreux en y mêlant des calculs (Balzac, Illus. perdues, 1837, p. 67).La guerre d'Espagne ne fut pas viciée par les ambiguïtés et les compromissions de celle-ci; ce ne fut pas comme en 40: chacun sut immédiatement de quel côté se ranger; ce fut la plus « pure » des guerres actuelles (Vailland, Drôle de jeu, 1945, p. 99). ♦ Empl. pronom. [Les images des manuscrits] expriment quelque chose qui peut se transformer, se vicier, s'abâtardir mais qui ne peut disparaître (Faure, Hist. art, 1912, p. 249). ♦ Au part. passé. J'ai, pour la dialectique, un faible; mais je vous l'avoue secrètement, je suis presque toujours choqué par les théories et les discussions des artistes. Je les sens toujours viciés par l'arrière-pensée de la pratique immédiate et d'une pratique individuelle (Valéry, Lettres à qq.-uns, 1945, p. 141). − En partic. Salir, altérer en rendant malsain. Synon. polluer.Vicier l'atmosphère. Malgré le nombre des fenêtres et la hauteur de la porte, l'air [d'un local] y était incessamment vicié par les émanations du lavoir, par la peignerie, par la baraque, par les mille industries de chaque écolier, sans compter nos quatre-vingts corps entassés (Balzac, L. Lambert, 1832, p. 52). ♦ Empl. pronom. L'air d'une salle de spectacle se vicie rapidement si elle n'est pas aérée (Rob.1985). b) Entacher d'erreur. La moindre erreur, qu'elle soit commise au début, au milieu ou à la fin du travail, peut vicier toutes les conclusions (Langlois, Seignobos, Introd. ét. hist., 1898, p. 45). REM. Viciable, adj.,rare. Qui peut être vicié. (Dict. xixeet xxes.). Prononc. et Orth.: [visje], (il) vicie [visi]. Att. ds Ac. dep. 1694. Étymol. et Hist. 1. a) Ca 1265 part. passé « altéré, corrompu, impur » (Brunet Latin, Trésor, éd. F. J. Carmody, I, 125, 4, p. 122: se savours et son odours [de l'eau] ne soient viciiet; I, 126, 3, p. 124: merien [bois de charpente] [...] vicié plus legierement); fin xives. vicier (Roques t. 2, no13338: vicio. cias [...] vicier. corronpre); 1396 (Assignat. de douaire ds Lobineau, Hist. de Bretagne, II, 663 ds Gdf. Compl.: que par l'inutile l'utile ne soit pas vicié); 1564 (Thierry: vicier et corrompre, vitiare); b) 1718 méd. vicié « gâté, corrompu » (Ac.: partie viciée [...] sucs viciez); 1750 sang vicié (J. L. Fougeret de Monbron, Margot la Ravaudeuse, éd. 1965, p. 40); c) 1770 [éd. 1776] air vicié (Raynal, Hist. philos., t. 6, p. 197); 2. 1341 dr. « rendre nul, défectueux » (Cartul. de l'abbaye de Flines, éd. E. Hautcœur ds Ewald, p. 370: lettres [...] non [...] viciees); 1690 (Fur.: un defaut de formalité vicie un acte); 1845-46 acte vicié (Besch.); 3. fin xviies. fig. « gâter, corrompre, porter au mal » (Bossuet, Pensées chrétiennes et morales, éd. V. Giraud, Paris, 1907,39, p. 64: Que n'a pas gâté la concupiscence? Elle a vicié même l'amour paternel). Empr. au lat.vitiare « rendre défectueux, gâter, corrompre, altérer; déshonorer; frapper de nullité; falsifier »; dér. de vitium (vice*). Fréq. abs. littér.: 53. DÉR. 1. Viciateur, -trice, adj.,rare. Qui corrompt, qui vicie. Les agents viciateurs de l'air (Littré). − [visjatœ:ʀ], fém. [-tʀis]. − 1reattest. 1872 id.; de vicier, suff. -(at)eur2*. 2. Viciation, subst. fém.Action de vicier, de se vicier, de se corrompre; résultat de cette action. Synon. altération1, dénaturation, pollution.Viciation du goût, du métabolisme; viciation fonctionnelle, humorale. Bianchon (...) soutenait que cette maladie était causée par une viciation du sang que corrompait un principe morbifique inconnu (Balzac, Cous. Bette, 1846, p. 397).Le chauffage excessif des fioles à infusions déterminait une viciation de l'air (J. Rostand, Genèse vie, 1943, p. 75).P. métaph. La dégradation du bon sens primordial, et l'oubli du catéchisme des principes naturels, entraînent à leur suite l'affaiblissement, je dirai plus, la viciation du sens créatif, de l'imagination (Goncourt, Ch. Demailly, 1860, p. 26).− [visjasjɔ
̃]. − 1resattest. a) 1755 « action de vicier, résultat de cette action » (Mirabeau, Ami des hommes, t. 1, p. 367: l'abondance de l'or est très propre à établir ces deux sortes de viciations dans un état; t. 3, p. 307: viciation dans sa racine [de l'homme]), b) 1789 viciation de l'air (Journal de Paris, 20 janv., p. 88 ds Quem. DDL t. 18), 1789 (Ann. de chimie, t. 3, p. 275 ds Fonds Barbier: cette viciation [de l'air sortant des poumons des animaux]), 1846 viciation du sang (Balzac, loc. cit.); de vicier, suff. -tion* (cf. lat. vitiatio « action de corrompre, de séduire »). BBG. − Gohin 1903, p. 267 (s.v. viciation). |