| VASSAL, -ALE, -AUX, subst. et adj. A. − Subst., HIST. 1. HAUT MOY. ÂGE. Dans la société franque, homme libre ayant un lien personnel avec un autre par la recommandation, et à l'égard duquel il a contracté des devoirs particuliers en échange de sa protection. Parmi ces vassaux ou leudes les plus dévoués, les plus utiles, comme on s'exprimait alors, étaient ceux qui, habitant près du roi, et formant autour de sa personne une garde permanente, avaient pour salaire la vie commune à sa table ou sur les fruits de son domaine (Thierry, Récits mérov., t. 1, 1840, p. 44).Les faibles, les petits avaient cherché aide et protection auprès des plus forts et des plus riches qui, en échange, avaient demandé un serment de fidélité. « Je te nourrirai, je te défendrai, mais tu me serviras et tu m'obéiras. » Ce contrat de seigneur à vassal était sorti de la nature des choses, de la détresse d'un pays privé d'autorité et d'administration (Bainville, Hist. Fr., t. 1, 1924, p. 38). 2. FÉODALITÉ a) Celui, celle qui relève d'un seigneur, à cause d'un fief qu'il lui a concédé en échange de foi et hommage. Dans le moyen âge et tant que la féodalité conserva son empire, tous ceux qui tenaient des terres du seigneur (ceux que la langue féodale nommait proprement des vassaux) (...) étaient constamment associés à celui-ci pour le gouvernement de la seigneurie (Tocqueville, Anc. Rég. et Révol., 1856, p. 162). ♦ Grand vassal ou vassal de la Couronne. Vassal dont le suzerain, le seigneur était le roi de France. Le cardinal de Richelieu voulut détruire l'indépendance des grands vassaux de la couronne, et, dans ce but, il attira les nobles à Paris, afin de changer en courtisans les seigneurs des provinces (Staël, Consid. Révol. fr., t. 1, 1817, p. 27).La situation du roi de France à l'égard du duc de Bourgogne, son grand vassal (A. France, J. d'Arc, t. 2, 1908, p. 8). ♦ [P. oppos. à arrière-vassal, vavasseur] Vassal direct. Vassal tenant son fief directement du seigneur. Le roi avait pour vassaux directs les comtes de Blois, d'Anjou et du Maine et les comtes bretons du Mans et de Rennes pour arrière-vassaux (A. France, J. d'Arc, t. 2, 1908, p. 54). − Proverbe. Tandis que le vassal dort, le seigneur veille. V. seigneur A 3. b) Empl. adj. Qui relève d'un seigneur. Terre vassale (Raymond 1832). La noblesse vassale (Nouv. Lar. ill., Lar. 20e). 3. P. ext. Celui qui tient une terre d'un seigneur ou qui habite sur ses terres. Recomposez un peu l'ancien fief (...) et que chaque portion retourne du propriétaire laboureur à ce bon seigneur adoré de ses vassaux dans son château, pour être substitué à lui et à des noirs, de mâle en mâle, à perpétuité (Courier, Pamphlets pol., Au réd. « Censeur », 1819, p. 21). B. − Subst. et adj. 1. (État) qui ne jouit pas de la souveraineté externe, qui est en état de dépendance. États, pays vassaux. Le bolchevisme allait, selon toute vraisemblance, tenter de soumettre à sa loi la Vistule, le Danube et les Balkans. Mais, dès lors que l'Allemagne aurait cessé d'être une menace, cette subordination, dépourvue de raison d'être, paraîtrait tôt ou tard intolérable aux vassaux (De Gaulle, Mém. guerre, 1959, p. 47). 2. (Personne, groupe ou entreprise) qui est sous la dépendance (de). Tandis que le chômage augmente, (...) tandis que les classes moyennes sont menacées d'écrasement, (...) nous constatons avec amertume que l'État remet le commandement économique à une banque d'affaires et à ses grands vassaux industriels (L'Œuvre, 8 sept. 1941). 3. Au fig., péj. (Ce) qui est soumis, subordonné (à quelque chose). Un fait domine le monde musical moderne, l'émancipation de la musique instrumentale, jusque-là vassale de la musique vocale et tout à coup prenant son essor (Saint-Saëns, Portr. et souv., 1909, p. 305).Si l'on a dit qu'il [Ruskin] réduisait l'art à n'être que le vassal de la science (...) on a dit aussi qu'il humiliait la science devant l'art (Proust, Past. et mél., 1919, p. 152). − Sans nuance péj. Harmonies vassales (Gevaert, Harm., 1885, p. 286).Tonalités vassales (R. Lenormand, Harm. mod., 1913, p. 96).Même éclectique, l'Académie se veut vassale d'un art disparu, chargé de leçons et d'ailleurs volontiers mythique: on n'a jamais autant exalté Phidias que lorsqu'on ne connaissait pas une seule statue de lui (Malraux, Voix sil., 1951, p. 365). REM. 1. Vassalique, adj.,hist. du Moy. -Âge. Relatif à la vassalité; propre au vassal. Régime vassalique; liens, rapports vassaliques. Hommage vassalique (Fr. Olivier-Martin, Hist. du dr. fr., 1984 [1950], p. 300). 2. Vasseur, subst. masc.,hist. féod., synon. (supra A).[Dans qq. coutumes, notamment celle de Blois] (Dict. xixeet xxes.). Prononc. et Orth.: [vasal], plur. masc. [-o]. Att. ds Ac. dep. 1694. Étymol. et Hist. 1. a) Ca 1100 « celui qui possède les vertus essentielles: vaillance et bravoure » (Roland, éd. J. Bédier, 231); d'où id. empl. adj. « vaillant, courageux » (ibid., 3839) − fin xive− déb. xves. (E. Deschamps,
Œuvres, éd. De Queux de St Hilaire, t. 1, p. 73 [adj.]; p. 211 [subst.]); b) 1174-76 « homme noble qui suit un seigneur à la guerre » (Guernes de Pont-Ste-Maxence, St Thomas, éd. E. Walberg, 2831) − xiiies. ds Gdf.; 2. 1283 « homme dépendant d'un seigneur dont il tenait un fief » (Rentes de la prevoté de Clerm., Rich. 4663, fo100 vods Gdf., s.v. fealté: Aprez ichez chosez li vassal et feal dez devant diz contez de Arras et contesse de le devant dite terre assize remanront en le fealité des dis contes et contesse); 1601 vassaux liges (P. Charron, De la sagesse, Trois livres, p. 188); 1602 grands vassaux (Cl. Fauchet, Déclin de la maison de Charlemagne, p. 197); 1636 un seigneur de beurre, mange bien un vassal de feurre, combat bien un vassal d'acier, se dit d'un seigneur qui jouit du fief du vassal pendant la contestation entre le seigneur et le vassal (Monet) − 1771, Trév.; 3. fig. 1556 (Ronsard, Nouvelle Continuation des Amours, éd. P. Laumonier, t. 7, p. 320: les femmes, passion de l'homme misérable, Misérable et chétif, d'autant qu'il est vassal vingt ou trente ans qu'il vit, d'un si fier animal); 4. p. ext. 1831 « groupe dépendant d'un autre » (Hugo, Feuilles automne, p. 776: Le Vatican n'est plus que le vassal du Louvre); 1848 empl. adj. (Chateaubr., Mém., t. 1, p. 390). Du lat. médiév. vassalus (757, Décret de Pépin, cité par Hollyman 1957, p. 102), dér. sans distinction sém. de vassus (735-737, Charte originaire d'Alsace, ibid., p. 116), d'orig. celt., cf. irl. fos, gall. guas « serviteur » (Dottin Manuel 1915, p. 117). Si au déb., vassus désigne le simple serviteur gallo-romain, il dénomme très vite dans les chartes lat. l'homme qui porte des armes et se trouve sous la dépendance d'un seigneur. Dans les textes littér. en lang. vulg. on trouve hom pour désigner le subordonné. V. homme (Hollyman, p. 120). Fréq. abs. littér.: 395. Fréq. rel. littér.: xixes.: a) 1 200, b) 412; xxes.: a) 226, b) 297. Bbg. Duplat (A.). Ét. styl. des apostrophes chevalier et vassal ds les rom. de Chrétien de Troyes. B. jeunes Rom. 1974, no20, pp. 83-96. − Goug. Mots t. 1 1962, pp. 115-116. − Hollyman 1957, p. 89, 114, 120, 134, 150. − Mat. Soc. médiév. 1985, pp. 142-143. − Nicholson (G. G.). Ét. étymol. R. Ling. rom. 1929, t. 5, pp. 50-58. |