| VAPOREUX, -EUSE, adj. A. − [Corresp. à vapeur1A 1] 1. Qui est formé de vapeur; d'où s'élève de la vapeur. Brume, buée vaporeuse. Bientôt la pluie abondante, qui battait la surface de la terre, n'arriva plus à lui qu'en rosée fine et vaporeuse (Hugo, Han d'Isl., 1823, p. 365).Cette délicieuse matinée de septembre qu'enchantait la douceur d'un rayon de soleil venu dissiper le manteau vaporeux et comme irréel d'une fine brume (Aymé, Bœuf cland., 1939, p. 215). 2. Qui est couvert ou voilé de vapeur, de brume. Synon. brumeux, nébuleux.Ciel, horizon, lointain vaporeux; atmosphère, aurore vaporeuse. Tout un monde flottant, fantomatique, vu au travers des vitres vaporeuses par un temps de pluie (Renard, Journal, 1887, p. 11).La nuit est maintenant sans nuages, profonde, à peine vaporeuse (Gide, Nourr. terr., 1897, p. 233). − PEINT. Dont les contours ou l'éclat sont vagues et comme voilés de vapeurs. Lumière vaporeuse; paysage vaporeux. On a reproché à Corot cet estompage des formes qui, à force d'être vaporeuses, deviennent parfois cotonneuses (Réau, Art romant., 1930, p. 115). 3. a) [En parlant d'un vêtement, d'un trait physique] Léger, fin et transparent, aux contours flous. Synon. aérien, immatériel.Chevelure vaporeuse; tissu vaporeux. Ce sont des beautés pâles (...): elles passent vite, et leurs pieds s'évanouissent enveloppés dans les plis vaporeux de leurs robes blanches (Vigny, Serv. et grand. milit., 1835, p. 83).Ses moustaches blondes, de dimensions inaccoutumées, semblaient faites de soie floche (...): elles ondulaient au vent avec la légèreté d'une écharpe, avec la souplesse de ces barbes vaporeuses qu'on voit à certains poissons d'Extrême-Orient (Martin du G., Thib., Été 14, 1936, p. 48). b) [En parlant d'une pers. (partic. d'une femme) ou de son attitude] Qui semble immatériel, enveloppé d'une aura. Synon. diaphane, ethéré.La plus jolie, la plus vaporeuse et délicate jeune fille qu'il soit possible d'imaginer (L. Daudet, Temps Judas, 1920, p. 225).Déjà les deux mains tendues, elle m'accueillait (...) Avec quelle grâce vaporeuse elle jetait ce pont par-dessus l'absence, les malentendus, les années! (Morand, Champions du monde, 1930, p. 208). c) Domaine de la mus.Plein de légèreté, de nuances. Les Dryades s'avancent (...) et l'on n'entend qu'un murmure dans les instruments à corde (...) peu à peu ces sons, à peine distincts, deviennent des mots mais (...) le chant est si vaporeux, son accompagnement si diaphane, qu'ils semblent arriver à travers l'écorce des arbres (Nerval, Lorely, 1852, p. 87).La possibilité [grâce à la pédale droite du piano] de lier et de prolonger des accords à grande distance, de créer des enveloppements sonores, vaporeux ou brillants (Arts et litt., 1935, p. 38-4). d) Subst. masc. sing. à valeur de neutre. Le ténébreux, l'embrouillé, le vaporeux, le pénible me sont abominables (Chateaubr., Mém., t. 1, 1848, p. 476).V. diaphane c rem. ex. de Morand. B. − Vx. [Corresp. à vapeur1C 2 b] 1. Sujet à des vapeurs; qui souffre de vapeurs. Ce pauvre poète si nerveusement constitué, souvent vaporeux autant qu'une femme, dominé par une mélancolie chronique (Balzac, L. Lambert, 1832, p. 59). 2. Qui est de la nature des vapeurs. Le docteur fit une brochure dans laquelle il rappela l'antiquité de ces eaux (...) et prouva qu'elles étaient le remède infaillible de ces affections nervales, de ces migraines vaporeuses dont les femmes comme il faut se trouvaient affectées depuis quelque tems d'un bout de l'Europe à l'autre (Jouy, Hermite, t. 4, 1813, p. 106). Prononc. et Orth.: [vapɔ
ʀø], fém. [-ø:z]. Att. ds Ac. dep. 1694. Étymol. et Hist. 1. a) Fin xives. vapoureus « qui a l'apparence légère de la vapeur » (Gl. gall.-lat., B. N. l. 7684 ds Gdf. Compl.); xves. [ms.] matiere vapoureuse (Evrart de Conty, Prob. d'Arist., B. N. 210, fo47 vo, ibid.); b) 1575 (Paré,
Œuvres, XXV, 8, éd. J.-Fr. Malgaigne, t. 3, p. 623: le vin est de substance vaporeuse et aërée); c) 1579 air vaporeux (Garnier, La Troade, 1308 ds
Œuvres, éd. W. Foerster, t. 2, p. 126); 2. a) 1689 subst. « personne sujette aux vapeurs » (Mmede Sévigné, Corresp., éd. R. Duchêne, t. 3, p. 570); b) 1696 adj. (Dancourt, Foire de St-Germain, sc. 20 ds Littré); 3. 1765 arts (Encyclop. t. 16, s.v. vapeur1); 4. a) 1801 (Mercier Néol. (citant une adresse de l'Assemblée Constituante): arts futiles, sciences vaporeuses [par opposition à l'Agriculture]); b) 1848 subst. (Chateaubr., loc. cit.); c) 1883 (Bourget, Essais psychol., p. 173: les vagues et vaporeuses formules se solidifient sous sa main [de Taine] de Français perspicace); 5. a) 1831 boucles vaporeuses (Balzac, Sarrasine, p. 404); b) 1874 toilette de bal vaporeuse (Mallarmé, Dern. mode, p. 795). Empr. au lat.vaporosus « plein de vapeurs ». Fréq. abs. littér.: 299. Fréq. rel. littér.: xixes.: a) 513, b) 333; xxes.: a) 480, b) 365. DÉR. Vaporeusement, adv.,littér. D'une manière vaporeuse; avec quelque chose de vaporeux. a) [Corresp. à supra A] Un frais paysage (...) vaporeusement illuminé par les lueurs de l'aurore (Balzac, Peau chagr., 1831, p. 191).b) [Corresp. à supra B] À vous voir ainsi, ma belle délicate, les pieds dans la fange et les yeux tournés vaporeusement vers le ciel, comme pour lui demander un roi, on dirait vraisemblablement une jeune grenouille qui invoquerait l'idéal (Baudel., Poèmes prose, 1867, p. 55).− [vapɔ
ʀøzmɑ
̃]. − 1reattest. 1831 (Balzac, loc. cit.); de vaporeux, suff. -ment2*. BBG. − Gohin 1903, p. 348. − Quem. DDL t. 9, 13, 28 (s.v. vaporeusement). |