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TU, pron. pers. et subst. masc.
I. − Pronom personnel non prédicatif (conjoint) de la 2epersonne du singulier.
A. − [Dans un dialogue, toujours en fonction de suj.] Non, non, j'ai une visite à faire et il faut que tu viennes avec moi. Ce ne sera pas long et après nous rentrerons (Drieu La Roch., Rêv. bourg., 1937, p. 113).Bah, dit Pujolhac qui nous écoutait en continuant d'affiler tranquillement sa serpe, un jour tu verras qu'on ne peut pas complètement tuer le tartufe dans un homme si on n'y tue pas aussi le polémiste (Abellio, Pacifiques, 1946, p. 200).
1. [Plus fam. que vous, s'emploie en parlant à des enfants ou entre pers. d'une même famille ou entre camarades] Tu feras route avec moi. Je tutoyais bien ton père, fit-il devant l'étonnement réprimé de l'interlocuteur (Malègue, Augustin, t. 2, 1933, p. 101):
1. Bonjour Lucien. Tu trahis Paris pour la première fois! Une poignée de main trop vigoureuse, ce tutoiement de camarade de collège et de faculté, impressionnèrent défavorablement le jeune homme... les familiarités obligatoires l'énervaient: on les refuse aux amis d'élection, pour les subir après dix ans de compagnons oubliés. Bordeaux, Pays natal, 1900, p. 18 ds Sandf. t. 1 1965, § 23, p. 36.
2. [Le passage de vous à tu dénote une intimité plus grande, une connaissance réciproque plus approfondie] J'ai mon idée... Je vais aller revoir notre petit square de la rue La Fayette. Vous... tu m'y trouveras, si tu veux, en sortant de la gare du Nord. Ou plus tard (Martin du G., Thib., Été 14, 1936, p. 631).
Rem. Certains aut. utilisent ce passage à des fins styl.; ainsi dans l'ex. suiv., où le vous marque la déférence due à un supérieur et où le tu replace l'homme dans les limites de son pouvoir effectif: Vous pouvez, ô mon capitaine, Barrer la Tamise hautaine... Mais tu ne prendras pas demain à l'Éternel! (Hugo, Nap. II, 1832 ds Dauzat Gramm. 1958, p. 268).
3. [Dans la nouv. liturg. cath. romaine et dans le culte réformé, pour s'adresser à Dieu] Seigneur, tu vois où j'en suis. Toi, du moins, tu le vois. Et tu m'aimes. Je le crois (A. Scève, 41 Prières toutes simples, 1984, p. 77).
4. [Pour se parler à soi-même dans une sorte de dédoublement de la personnalité] Il faut que j'écrive à ma mère. J'ai promis. Seul dans sa chambre, il pensa: « Puisque tu as dit que tu allais écrire, tu écriras. » Et sans attendre il s'assit à sa table, réfléchit un instant, puis commença une lettre (Green, Moïra, 1950, p. 13).
5. Dire « tu » à qqn. Le tutoyer, s'adresser à lui en utilisant tu (et non pas vous). − (...) Toi, maintenant, tu as gagné tes galons. Tu as assez pétri le fer; ta part, c'est le verger et l'ombre, et la maison de ton fils...Tu me dis « tu » maintenant, comme avant.Oui (Giono, Regain, 1930, p. 161):
2. C'est dans ce même sentiment qu'elle n'avait pu se résoudre à lui dire tu [it. ds le texte]: elle ne voulait pas dire tu [it. ds le texte] à un homme qui, l'abandonnant peut-être un jour prochain, deviendrait pour elle un étranger; elle lui dirait tu [it. ds le texte] lorsqu'il lui aurait passé la bague de fiançailles. Montherl., Démon bien, 1937, p. 1245.
B. − [Peut prendre une valeur indéterm. ou indéf.]
1. [Avec une valeur indéterm., il désigne le lecteur d'un livre: l'aut. voulant se sentir plus proche de son lecteur, emploie le tu plus fam. que le vous et s'adresse à lui comme à un ami] C'est l'Ennui!l'œil chargé d'un pleur involontaire, Il rêve d'échafauds en fumant son houka. Tu le connais, lecteur, ce monstre délicat,Hypocrite lecteur,mon semblable,mon frère! (Baudel., Fl. du Mal, 1857, p. 7).Au surplus, ami lecteur, tu connais de longue main déjà le persécuteur de l'infortuné Benjamin (Milosz, Amour. init., 1910, p. 9).
2. Fam. ou pop. (le plus souvent sous la forme élidée t'). [Peut prendre (comme vous) une valeur indéf.] Tout ça, dit Lamuse, ça n'a pas d'consistance, ça n'tient pas au bide. Tu crois qu't'es rempli, mais au fond d'ta caisse, t'es vide. Aussi, p'tit à p'tit, tu tournes de l'œil, empoisonné par le manque de nourriture (Barbusse, Feu, 1916, p. 27).J'en veux pas, déclare Conan. Une jument, mon vieux!... J'ai eu comme ça une Macédonienne: dès que t'approchais, elle était si contente qu'elle se tapait de grands coups de tête dans le mur! (Vercel, Cap. Conan, 1934, p. 25).
Un(e) m'as-tu vu*.
Loc. En veux-tu en voilà. V. vouloir1.À bouche* que veux(-)tu.
C. − Syntaxe
1. Renforcement du suj. [Renforcé par toi si l'on veut insister sur le fait que c'est l'interlocuteur qui est le suj. du procès à l'exclusion d'autres suj. possibles] Mâche ton mors, Péri; l'ambre sera ta nourriture. Toi, tu veux un bon cavalier, une bonne selle et une bonne pâture (Montherl., Encore inst. bonh., 1934, p. 684).Mais je n'ai jamais envie de retourner dans ces patelins où mon père s'est manifesté. C'est une superstition. Et toi, Justin, tu peux me comprendre mieux que personne (Duhamel, Désert Bièvres, 1937, p. 9).
2. Omission du suj. [Dans une suite de verbes coordonnés ou juxtaposés empl. au même temps et au même mode, tu peut être omis dans la conversation fam. ou dans un style volontaire bref] Peyrony, le stade est fermé. Tu erres comme une âme en peine et certainement vas faire des bêtises. Romps avec tes principes et allons aux championnats d'athlétisme féminin (Montherl., Olymp., 1924, p. 240).Avec les enfants, même les plus petits, tu jacasses et bêtifies des journées entières (Mauriac, Nœud vip., 1932, p. 17).
Rem. Dans certains tours arch., tu peut être omis en dehors de la coordination: Tes père et mère honoreras.
3. Place du suj. [Tu, pron. conjoint, se place immédiatement avant le verbe (seuls un pron. pers. régime ou bien en ou y, ou encore la nég. ne peuvent s'intercaler entre tu et le verbe)] Il n'est pas vrai que tu aies perdu Dieu. Et d'ailleurs tu n'en sentirais pas plus la perte que tu n'en as senti le besoin. Tu es aujourd'hui ce que tu étais hier. Si ta chair tremble, c'est de froid (Bernanos, Imposture, 1927, p. 335).Mon ami, j'ai parfois eu des sentiments et des pensées qui purent te peiner; et encore tu ne les connais pas tous. Je voudrais que tu me les pardonnes (Gide, Robert, 1930, p. 1338).
4. Invers. du suj. [L'invers. se fait, dans la lang. châtiée ou littér., dans les phrases interr., dans les phrases exclam. à forme interr., dans les incises ou bien après des adv. comme aussi, à peine, peut-être] Et le cri de la fille ne leva rien d'autre en lui que ce sursaut: « Victoire, sœur des Victoires, n'as-tu pas honte d'avoir besoin de moi! » (Montherl., Songe, 1922, p. 21).
[Dans certaines tournures figées où le verbe est au subj., l'inversion est obligatoire] Bresson ne veut pas de miracle. Il voudrait que dans la scène de l'apparition de la Sainte Vierge à saint Ignace, on ne vît pas la Sainte Vierge (ô Hollywood, que ne puisses-tu entendre ces sages paroles d'un grand metteur en scène!) (Green, Journal, 1947, p. 99).
5. Élision du suj. [Devant une voy. ou un h dit « non aspiré », tu s'élide en t' dans la lang. pop. ou fam.] T'avais pas le droit, criait Lengaigne, t'avais beau être maire, fallait suivre le rang; et c'est donc pour m'embêter que t'es venu te coller près de papa?... Mais nom de Dieu, tu n'y es pas encore! (Zola, Terre, 1887, p. 511).T'en reviendras de ton Amérique et dans un état pire que nous! C'est tes goûts qui te perdront! Tu veux apprendre? T'en sais déjà trop pour ta condition! (Céline, Voyage, 1932, p. 234).
II. − Subst. masc. [Avec ou sans déterm.]
A. − La personne à qui l'on s'adresse, l'interlocuteur. Pour que la familiarité du Je au Tu s'exprime et s'objective dans le rapport dialectique du tiers à son œuvre, il faut donc que le nous-sujet soit devenu un « groupe » objectif, il faut que la « personne collective » ait été reconnue, et elle ne peut l'être réellement que dans son œuvre commune: l'institution (J. Vuillemin, Être et trav., 1949, p. 66).
B. − Fait de dire « tu » à quelqu'un. Le « Tu », symbole des camaraderies superficielles et sans lendemain, place les amis sur le même plan: ils se supposent mutuellement simples, quoiqu'ils se sentent l'un à l'autre étrangers (Foulq.-St-Jean1962).
Passer du « tu » au « vous », du « vous » au « tu ». Alors, toujours dans le même ton merveilleusement simple, il continuait, passant du vous au tu plus tendre (Guéhenno, Jean-Jacques, 1952, p. 268).
C. − Loc. Être à tu et à toi. [Pour marquer la relation étroite que l'on a avec qqn] Expliquez cela comme vous voudrez: au bout de quinze jours de connaissance, Oscar en était déjà au tu et au toi, comme un ami de vingt ans (Reybaud, J. Paturot, 1842, p. 161).La comparaison est assez juste. On est tout à coup à tu et à toi, et l'on ne se connaîtra plus du tout dans trois mois (Goncourt, Journal, 1885, p. 425).
Prononc. et Orth.: [ty]. Homon., formes de tuer. Lang. parlée, fam., s'élide devant voy. ou h muet: t'habites où? t'es belle! Étymol. et Hist. Pron. pers. de la 2epers. du sing., cas suj. 1. de valeur tonique, marque l'insistance, la mise en relief, l'oppos.; fréq. en déb. de prop. 937-952 (Jonas, éd. G. de Poerck, 178: tu doles super edera in qua non laborasti... et ego non parcam Ninive civitati... tu douls mult... e jo ne dolreie de tanta milia hominum si perdut erent); fin xes. (Passion, éd. D'Arco Silvio Avalle, 181: ,,Tu eps l'as deit`` respon Jesus; 307: Tu nos perdone celz pecaz [devant impér., v. Ménard Synt.,57 2e]); ca 1050 en prop. ell. (St Alexis, éd. Chr. Storey, 155: Plainums ansemble le doel de nostre ami: Tu tun seinur, jol f[e]rai pur mun filz); ca 1100 (Roland, éd. J. Bédier, 318; 2030); ca 1150 tu meïsmes (Thèbes, éd. G. Raynaud de Lage, 334); 1remoit. xiies. en fonction d'apostrophe (Psautier de Cambridge, éd. Fr. Michel, LVIII, 5: E tu, Sire Deus... esveille tei); ca 1160 en fonction d'attribut du suj. (Eneas, éd. J. J. Salverda de Grave, 4945: Comant remandrai ge sanz toi Ne tu comant irras sanz moi? Dunc n'ies tu gié et ge sui tu?); 1174-87 antécédent de rel. (Chrétien de Troyes, Perceval, éd. F. Lecoy, 3818: Tu qui lez la pucele estas); 2. empl. en a. fr. sans intention d'insistance dans divers cas précis, notamment a) fin xes. apr. une conj. de sub. (Passion, 235: ,,Si tu laises viure Jesum, Non es amics l'emperador``; 296: Cu tu vendras, Crist, en ton ren); ca 1100 (Roland, 2981); b) ca 1050 apr. un rel. (St Alexis, 219: Empur tun filz dunt tu as tel dolur); c) ca 1135 apr. une conj. de coord. (Couronnement de Louis, éd. Y. G. Lepage, réd. AB, 141: Mes tu es morz); d'empl. facultatif en dehors de ces cas, il deviendra courant, normal en position conjointe pour marquer la pers. du suj., v. W. von Wartburg, Problèmes et méthodes ling., Paris, 1963, pp. 68-81; 3. a) ca 1165 forme enclitique tun [tu en] (Benoît de Ste-Maure, Troie, 1425; 21886); b) fin xiies. forme te [dial. du Nord] (Sermons de St Bernard, 110, 25 ds T.-L.), de là, la forme élidée devant voy. (Raoul de Cambrai, 5157, ibid.). - Tu est en règle gén. au Moy. Âge réservé aux inférieurs ou utilisé entre égaux dans les classes inférieures; il est souvent empl. pour manifester des sentiments violents ou dans les moments d'intimité; on dit souvent tu à Dieu (ca 1135 Couronnement de Louis, 59); ces usages ne sont cependant ni rigides, ni figés v. Ménard Synt.,59 2 ; Moignet Gramm., p. 262; v. aussi vous; 4. av. 1771 empl. subst. le tu (M. de Bussy ds Trév. 1771). Du lat. tu, pron. pers. de la 2epers., nomin., concurrencé à basse époque par vos selon les relations existant entre les pers., v. vous; pour l'ext., dans la lang. pop., de l'empl. du pron. suj. exprimé devant le verbe, v. il. Fréq. abs. littér.: 137 090. Fréq. rel. littér.: xixes.: a) 155 874, b) 210 156; xxes.: a) 195 819, b) 219 672. Bbg. Bryan (A.-M.). Le tu et le vous. Fr. R. 1972, t. 45, pp. 1007-1010. − Bustin-Lekeu (Fr.). Tutoiement et vouvoiement chez les lycéens fr. Fr. R. 1973, t. 46, pp. 773-782. − Calvet (L.-J.). À tu et à vous. Fr. Monde. 1976, no118, pp. 14-18. − Charaudeau (P.). Les Conditions ling. d'une analyse du disc. Thèse, Lille, 1978, p. 8, 9, 38, 39, 40, 117. − Jucquois (G.). Var. sociolectiques du syst. pronom. de la deuxième pers. en fr. contemp. Cah. Inst. Ling. Louvain. 1977, t. 4, pp. 115-118. − Kunstmann (P.). Un Ex. de hiérarchie des niveaux de lang.: le tu et le vous... Congrès Internat. de Ling. et Philol. Rom. 14. 1974. Naples. Atti, 1985, t. 5, pp. 41-51. - Lambert (W. E.), Tucker (G. R.). Tu, vous usted... Rouley, 1976, 228 p. − Maley (C. A.). Historically speaking, tu or vous? Fr. R. 1972, t. 45, pp. 999-1006; The Pronouns of address in Modern Standard French. Mississipi, 1974, 123 p. − Polge (H.). Le Tu et le vous. Grammatica. Suppl., 1976, t. 12, pp. 13-32. − Quem. DDL t. 19. - Schoch (M.). Probl. socioling. des pron. d'allocution: tu et vous: enq. à Lausanne. Linguistique. Paris. 1978, t. 14, pp. 55-73.