| TRADUCTION, subst. fém. Action de traduire; résultat de cette action. A. − [Corresp. à traduire A 2] Rare. Fait de citer, d'appeler à comparaître. Le ministre, cinq jours avant la fin de l'instruction qui devait conclure à la traduction de Dreyfus devant un conseil de guerre, y affirme la culpabilité de l'accusé (Martin du G., J. Barois, 1913, p. 419). B. − [Corresp. à traduire B] 1. a)
α) Fait de transposer un texte d'une langue dans une autre. La traduction est, à notre époque, une branche importante de l'activité intellectuelle (Arts et litt., 1936, p. 56-12). − [Avec déterm. désignant ou indiquant] ♦ [la lang. source] Je donne deux cents francs pour une traduction de l'anglais (Balzac, Illus. perdues, 1839, p. 223). ♦ [l'aut. dont le texte est traduit] Après le breakfast, il écrivait ou travaillait à une traduction de Buffon qu'il avait entreprise (Maurois, Ariel, 1923, p. 79). ♦ [le type de trad.] La traduction littérale, ou mot à mot, est la solution idéale, celle où les structures des deux énoncés sont parallèles (Mouninds Lar. Lang. fr., p. 6169, col. 1). ♦ [la nature du canal] Traduction de vive voix. Mrs X... a demandé à notre ami V... de lui faire une traduction écrite de cette lettre (Green, Journal, 1941, p. 180). − [En position de déterm.] Bureau de traduction. Quant à mon prix tu le connais, c'est 250 000 francs comptant (...). Je me réserve le droit de traduction (Hugo, Corresp., 1861, p. 359).Il parlait l'allemand, le français, le russe, et l'anglais qu'il avait appris au collège. Il (...) dirigea (...) le service des traductions d'une société (Malraux, Conquér., 1928, p. 47).
β) En partic. ♦ Traduction automatique (T.A.), traduction assistée par ordinateur (T.A.O.). ,,Opération visant à assurer la traduction de textes par des moyens informatiques`` (GDEL). Un premier congrès international sur la traduction automatique eut lieu dès 1952 (Hist. gén. sc., t. 3, vol. 2, 1964, p. 116). ♦ Traduction instantanée ou simultanée. [Dans une conférence internationale] Traduction immédiate (et orale) du discours ou de la communication prononcé(e) par l'orateur (d'apr. Baudhuin 1968). La traduction simultanée des conférences est assurée ainsi que l'intervention de traducteurs dans les petits groupes (Lettres des départements sc. du CNRS, Sc. de l'homme et de la société, oct.-nov. 1989, no20, p. 33, col. 2). b) Texte, œuvre traduit(e). Synon. arg. étudiant tradal (Esn. 1966), traduc (ibid.).Traduction ancienne, exacte, élégante, fantaisiste, fidèle, intégrale, littérale, poétique; traduction interlinéaire, juxtalinéaire; traduction avec texte en regard; traduction en prose, en vers; traduction qui rend bien/mal l'original; corriger, revoir, publier une traduction; consulter une traduction; lire un ouvrage dans la/en traduction. On ne connut d'abord Aristote que par une traduction faite d'après l'arabe (Condorcet, Esq. tabl. hist., 1794, p. 110).Je n'ai point gardé copie de la traduction de ce document que j'ai envoyé aux Affaires étrangères (Chateaubr., Mém., t. 3, 1848, p. 519).V. prose A 1 ex. de Renard, Journal, 1906, p. 1091. − [Avec déterm. désignant] ♦ [la lang. source] Les quelques livres qui ont été imprimés en grec moderne sont des traductions du français: c'est Télémaque, Paul et Virginie, Atala, Picciola, etc. (About, Grèce, 1854, p. 251). ♦ [la lang. cible] Bossuet était favorable en général aux traductions en langue vulgaire (Sainte-Beuve, Port-Royal, t. 2, 1842, p. 358).M. Niel, ayant lu le Neveu de Rameau, dans la traduction française faite d'après celle que Goethe avait faite en allemand, le préférait à l'original (Delacroix, Journal, 1847, p. 182).Ce qui m'a incité à reprendre l'étude de l'hébreu, c'est la divergence des traductions anglaise, française, et allemande, pour ne rien dire de la Vulgate qui offre un problème particulier (Green, Journal, 1936, p. 63). ♦ [l'aut. de la trad.] Suivent quelques titres de Kant notés par Vigny, traduction Tissot (Vigny, Journal poète, 1847, p. 1252).Relu Under Western eyes, dans l'excellente traduction de Neel (Gide, Journal, 1930, p. 970). − P. métaph. Il semblait que sa personne même fût une traduction angélique de ce sombre poème vivant qui s'appelait Marchenoir (Bloy, Désesp., 1886, p. 96).Deux êtres qui semblaient la traduction l'un de l'autre, bien que chacun d'eux fût un original (Proust, Chron., 1922, p. 71). 2. P. anal. a) Transposition d'un système dans un autre. On appelle cette opération traduction de la carte, puisqu'elle traduit les perforations en signes imprimés (Berkeley, Cerveaux géants, 1957, p. 55).Les noms des termes peuvent être des mots de la langue courante ou des chiffres − qui n'ont un sens que pour qui connaît le code, les règles de traduction des mots codés en langage ordinaire (Jolley, Trait. inform., 1968, p. 88). b) Transposition d'un art dans un autre. Traduction cinématographique/traduction en film d'une œuvre littéraire. La gravure est une véritable traduction, c'est-à-dire l'art de transporter une idée d'un art dans un autre, comme le traducteur le fait à l'égard d'un livre écrit dans une langue et qu'il transporte dans la sienne (Delacroix, Journal, 1857, p. 30).V. poésie I B 2 ex. de Bourgat. c)
α) Transposition, représentation de la réalité ♦ Transposition, représentation de la réalité par les arts plastiques. [Manet] devait nous donner dans chacune de ses toiles une traduction de la nature en cette langue originale qu'il venait de découvrir au fond de lui (Zola, Mes haines, 1866, p. 253): Sous leur pinceau, qui se veut « intellectuellement » neutre, un paysage ou un visage acquièrent pourtant une intensité (...). Or cette intensité vient d'eux; elle est la force qu'ils infusent dans les choses et dans la traduction picturale qu'ils en proposent.
Huyghe, Dialog. avec visible, 1955, p. 87. ♦ Transposition, représentation de la réalité sur la scène. Porel, en cet Odéon, est vraiment admirable, pour la traduction des intentions de l'auteur, par des intonations, des mouvements (...) qu'il imagine (Goncourt, Journal, 1885, p. 421).
β) Représentation graphique. La traduction des chiffres relevés en figures de courbe (...) permet d'apprécier d'un coup d'œil la marche d'une transformation (Valéry, Variété V, 1944, p. 224). d) Transposition d'un domaine dans un autre. Nous avons pu (...) exposer nettement le mécanisme de la formation successive de toutes nos idées, et celui de leur traduction dans le langage (Destutt de Tr., Idéol. 3, 1805, p. 138).Toute impossibilité de traduction en formules doit être interprétée comme une présomption défavorable à l'égard de telle ou telle idée (Gds cour. pensée math., 1948, p. 252). − Traduction + adj. faisant référence au domaine cible + de + nom désignant un échantillon du domaine source.Traduction algébrique d'une méthode; traduction industrielle des résultats d'une recherche; traduction mélodique d'un poème; traduction scénique d'un texte; traduction spatiale d'une intensité; traduction optique, physiologique, statistique d'un phénomène. Ce qui est senti par nous de la vie, ne l'étant pas sous forme d'idées, sa traduction littéraire, c'est-à-dire intellectuelle, en rend compte, l'explique, l'analyse, mais ne le recompose pas comme la musique (Proust, Prisonn., 1922, p. 374).Les données [de la critique historique] (...) demeurent le plus souvent rebelles à toute traduction mathématique (M. Bloch, Apol. pour hist., 1944, p. 62).V. image ex. 18. − Traduction en acte. Transposition dans la réalité, concrétisation. Les mesures pratiques proposées seront la traduction en actes des doctrines (Biot, Pol. santé publ., 1933, p. 40). 3. P. ext. a) Expression, manifestation d'un phénomène. Traduction clinique d'une maladie. Dans le zona, l'éruption n'est que la traduction cutanée du trouble nerveux dont elle dépend (Ravaut dsNouv. Traité Méd.fasc. 21928, p. 398). b) Conséquence. Tous les détails de l'action municipale ont (...) une traduction financière dans le budget de la commune (Fonteneau, Cons. munic., 1965, p. 129). 4. BIOL., GÉNÉT. Traduction génétique. ,,Processus par lequel le message génétique porté par l'acide ribonucléique messager est traduit en une séquence spécifique d'acides aminés lors de la synthèse d'une protéine déterminée`` (Méd. Biol. Suppl. 1982). REM. 1. Contre-traduction, subst. fém.La citation en langue étrangère n'est-elle pas le contraire d'une traduction? Elle pourrait ainsi recevoir le nom de contre-traduction (Dupr.1980). 2. Traductionnel, -elle, adj.Qui concerne la traduction. Je suis payé pour ne plus rien donner au hasard, et mon commencement sera de jeter cette ancre de salut: un emploi; les aventures traductionnelles et littéraires prendront rang après (Verlaine, Corresp., t. 1, 1874, p. 137). 3. Traductionyme, subst. masc.,,Traduction du nom véritable d'un auteur dans une langue étrangère`` (Lar. 19e-20e). « Mélanchthon », traduction grecque de l'allemand « Schwarzerd », qui signifie terre noire, est un traductionyme (Lar. 20e). Prononc. et Orth.: [tʀadyksjɔ
̃]. Att. ds Ac. dep. 1694. Étymol. et Hist. A. xiiies. « blâme, reproche; peine, châtiment » (Bible, BN 901, fo17 d [Sag. 11, 8: in traductione infantium occisorum] ds Gdf.: en la traduction d'enfans ocis); 1530 (Lefevre d'Étaples, Bible, éd. 1530, Sapience, 18 [Sag. 18, 5: in traductionem illorum] ds Delb. Notes mss: en leur traduction), rare dans ce sens. B. 1. a) 1540 « action de traduire d'une langue dans une autre » (Amadis, éd. H. Vaganay-Y. Giraud, p. XII, 5: les Espagnolz ont fait leur traduction); b) 1956 traduction automatique (Korolev, Rasoumovski et Zélenkévitch, Les expériments de la traduction automatique de l'anglais en russe à l'aide de la calculatrice B.E.S.M. Ac. des Sc. de l'URSS (en fr.), Moscou, ds E. Delavenay, La Machine à traduire, Paris, P.U.F., 1959, p. 64); 1956 traduction mécanique (E. Cary, Mécanismes et traduction ds Babel, vol. II, no3, oct. 1956, p. 104); 1977 traduction assistée par ordinateur (C. Carestia Greenfield, La Traduction assistée par ordinateur, Paris, Afterm et Iria, 1977); c) 1967 traduction simultanée (Rob., s.v. simultané). 2. 1540 « texte ou ouvrage traduit » (Amadis, op. cit., p. XII, 27: ceste traduction d'Amadis); 3. 1716 fig. « expression, transposition » (La Motte, Réflexions sur la critique, p. 186: [les mots sont] la traduction immédiate des choses et des sentimens); 1751 (D'Alembert, Discours préliminaire ds Encyclop. t. 1, p. IX: la traduction mathématique d'une proposition); 4. 1970 génét. (Husson). À empr. au lat. class. et chrét. traductio « action d'exposer au mépris, censure, blâme, médisance, critique; peine, châtiment », dér. du verbe traducere (traduire) dans quelques-uns de ses sens: « exposer au mépris; confondre, châtier, punir ». B dér. sav. de traduire* d'apr. le lat. class. traductio « traversée, action de faire passer d'un point à un autre; rhét.: métonymie, répétition d'un mot; exhibition publique, action d'exposer au mépris », dér. de traducere (traduire*). En ital. traduzione est att. av. 1420 (Domenico Da Prato ds Z. rom. Philol. t. 87 1971, p. 100). Au sens 1 b, cf. l'angl. mechanical translation (1954 ds E. et K. Delavenay Bbg. de la Trad. Autom., 'S-Gravenhage, 1960, p. 20) et machine translation (1955 Id., ibid.), automatic translation (1956, Id., ibid., p. 57); computer-aided language translation (1963 H. H. Josselson, Computer-aided language translation in KVAL Seminar 1963, 11-14 mai, Stockholm). Fréq. abs. littér.: 1 701. Fréq. rel. littér. : xixes.: a) 2 536, b) 2 214; xxes.: a) 1 668, b) 2 880. Bbg. Clas (A.). Terminol. et théorie de la traduction. Colloque Internat. de Terminol. 6. 1977. Pointe-au-Pic. Québec, 1979, pp. 281-304. − Darbelnet (J.). Théorie et pratique de la traduction prof. Meta 1980 t. 25, pp. 393-400. − Ladmiral (J.-R.). La Traduction. Lang. fr. 1981, no51, 107 p. − Lilova (A.). Introd. à la théorie gén. de la traduction. Sofia, 1981, 343 p. − Maillot (J.). La Traduction sc. et techn. Paris, 1981, 264 p. − Mounin (G.). Les Probl. théor. de la traduction. Paris, 1976, 296 p. Pergnier (M.). Théorie ling. et théorie de la traduction. Meta. 1981, t. 26, pp. 255-262. |