| TRÔNE, subst. masc. I. A. − 1. Siège d'apparat, généralement surélevé et parfois surmonté d'un dais, sur lequel un souverain prend place dans des circonstances particulièrement solennelles. Trône impérial, royal; trône élevé, majestueux, somptueux; marches du trône; salle du trône. Tavernier décrit le trône d'un prince hindou, incrusté de rubis que l'illustre voyageur évaluait à 100-200 carats par pièce (Metta, Pierres préc., 1960, p. 74): L'ouverture des états généraux eut lieu le lendemain: on avait construit à la hâte une grande salle dans l'avenue de Versailles pour y recevoir les députés (...). Une estrade était élevée pour y placer le trône du roi, le fauteuil de la reine, et des chaises pour le reste de la famille royale.
Staël, Consid. Révol. fr., t. 1, 1817, p. 151. − HIST. Place du Trône. Place parisienne, devenue en 1880 place de la Nation, sur laquelle un trône avait été élevé en 1660 à l'occasion du mariage de Louis XIV et de Marie-Thérèse d'Autriche. La place de la Nation évoque bien des souvenirs. Les vieux Parisiens continuent de l'appeler place du Trône (A. Dauzat, F. Bournon, Paris et ses environs, 1925, p. 116).Foire du Trône. Foire qui a lieu chaque année à Paris et qui s'est tenue jusqu'en 1963 à proximité de cette place. Cette brasserie [Lipp] (...) est aujourd'hui aussi indispensable au décor parisien et au bon fonctionnement du pittoresque social que (...) la Foire du Trône ou la traversée de Paris à la nage (Fargue, Piéton Paris, 1939, p. 163). − P. métaph. Trône de Dieu. Séjour de Dieu, ciel. Plongeant dans l'espace, descendant du trône de Dieu aux portes de l'abîme, les mondes étaient livrés à la puissance de mes amours (Chateaubr., Mém., t. 1, 1848, p. 131). − Loc. verb., au fig., littér. ou vieilli ♦ Asseoir (élever, mettre, placer, etc.) qqn sur le trône; porter qqn au trône. Investir quelqu'un du pouvoir suprême. Les fameuses journées de Juillet qui, remplaçant la monarchie traditionnelle et légitime par la monarchie bourgeoise, mirent sur le trône la branche cadette des Bourbons (Coston, A.B.C. journ., 1952, p. 16).Monter au/sur le trône; s'asseoir/se mettre sur le trône. S'emparer du pouvoir suprême; commencer à régner. En montant sur le trône, à vingt-un ans, François 1ers'occupa d'attirer le beau sexe à sa cour (Jouy, Hermite, t. 3, 1813, p. 9).Buonaparte profita de l'épouvante que l'assassinat de Vincennes jeta parmi nous pour franchir le dernier pas et s'asseoir sur le trône (Chateaubr., Mél. pol., t. 1, 1828, p. 10).Chasser qqn du trône, tomber du trône. Déposséder quelqu'un, être dépossédé du pouvoir suprême. Au moment où les Bourbons tombent du trône pour la troisième fois (Chateaubr., Mém., t. 2, 1848, p. 294).Descendre du trône. V. descendre I A 1 ex. de Dumas père. ♦ Élever un trône à qqn; placer qqn sur un trône. Glorifier quelqu'un, le porter au pinacle. Synon. élever, hisser, mettre sur le pavois*.Paris élève un trône à son enfant, Molière (Barbier, Satires, 1865, p. 35). ♦ Être sur le/un trône. [Le suj. désigne un inanimé abstr.] Occuper une place d'honneur, régner. L'idéalisme est sur le trône en Allemagne mais il ne faut pas croire qu'il y ait entièrement effacé les autres systèmes, ni même le sensualisme (Cousin, Hist. philos. mod., t. 3, 1847, p. 11). 2. P. ext. Siège d'apparat sur lequel prend place une autorité supérieure lors de cérémonies solennelles. a) FR.-MAÇONN. Trône de Salomon. ,,Siège réservé dans la loge au vénérable`` (Faucher 1981). b) RELIGION ♦ Trône (épiscopal, abbatial). Siège surélevé et généralement surmonté d'un dais, installé dans le chœur d'une cathédrale ou d'une abbaye, sur lequel l'évêque diocésain ou l'abbé prend place lors d'un office pontifical. Le chœur était habillé de tentures blanches à franges et, à gauche, érigé sur trois degrés, le trône abbatial, la cathedra de velours rouge, surmontée d'un baldaquin (Huysmans, Oblat, t. 1, 1903, p. 251). ♦ Trône papal, pontifical. Siège élevé sur lequel le pape prend place dans certaines cérémonies publiques. Le pape étant dans son trône (Ac.1798-1878).P. méton. Papauté. Ce ministère anglais, qui a rétabli le trône papal, voit les protestants menacés en France (Staël, Consid. Révol. fr., t. 2, 1817, p. 400). 3. P. méton. Synon. de couronne (v. ce mot A 3), de sceptre (v. ce mot A 2). a) Pouvoir, autorité suprême d'un souverain. Trône impérial, royal; trône électif, héréditaire; trône chancelant; héritier du trône; prétendant au trône; convoiter, détenir, obtenir, perdre, usurper le trône; aspirer/être destiné au trône; s'emparer du trône. Le trône fut déféré à Hugues Capet par quelques évêques et quelques nobles; le trône impérial fut donné à Napoléon par la volonté de tous les citoyens (Las Cases, Mémor. Ste-Hélène, t. 2, 1823, p. 64).Le comte de Paris s'efface devant le comte de Chambord étant entendu que celui-ci n'ayant pas d'enfants, le trône reviendra après sa mort à la branche cadette, seule survivante (Vedel, Dr. constit., 1949, p. 86). ♦ Le trône et l'autel. V. autel I B 2 a.Synon. le sceptre* et l'encensoir. b) Souverain, monarque. Conseillers du trône; honorer le trône. Après nous, on ne dira plus qu'il n'est pas de dévouement, de fidélité, d'amour près des trônes malheureux (Las Cases, Mémor. Ste-Hélène, t. 2, 1823, p. 479).Il y avait en Angleterre au moins un homme pour qui cette élévation de Disraëli et cette familiarité du trône avec un jongleur hébraïque était un scandale insupportable; c'était Gladstone (Maurois, Disraëli, 1927, p. 238). ♦ Discours du trône. Synon. de discours de la couronne (v. couronne A 3 b synt.).Gavard avait repris le journal, lisant, d'une voix qu'il cherchait à rendre comique, des lambeaux du discours du trône prononcé le matin, à l'ouverture des Chambres (Zola, Ventre Paris, 1873, p. 710). − Loc. adv. Autour du trône. Dans l'entourage du souverain. (Dict. xxes.). c) [Suivi d'un compl. ou d'un adj. désignant une nation] Régime monarchique; p. méton., état gouverné par un monarque. Synon. monarchie.Chute, splendeur d'un trône. Une révolution qui renverse le trône de Grèce (About, Grèce, 1854, p. 220).Louis-Philippe et Guizot n'ayant pas admis que le trône d'Espagne sortît de la maison de Bourbon (Bainville, Hist. Fr., t. 2, 1924, p. 180). B. − P. anal., pop., fam. et plais. Siège des cabinets d'aisance. Il était justement sur le trône, une caisse de bois très propre, qui ne répandait pas la moindre odeur (Zola, Assommoir, 1877, p. 697).Il restait des heures entières sur le trône (Sartre, Mur, 1939, p. 144). C. − ASTROL. Signe attribué à une planète. (Dict. xxes.). II. − THÉOL., RELIG. CHRÉT., le plus souvent au plur. [Avec une majuscule] Ange appartenant au troisième chœur de la première des neuf hiérarchies d'anges. V. chérubin ex. 2, domination B ex. de France, hiérarchie A 1 ex. de Chateaubriand et Gautier. Prononc. et Orth.: [tʀo:n]. Ac. 1694, 1718: throne, dep. 1740: trône. Étymol. et Hist. I. Subst. masc. sing. 1. 1remoit. xiies. throne « siège allégorique d'où Dieu est censé régner sur le monde » (Psautier Oxford, éd. Fr. Michel, 9, 4: tu siez sur throne); 1remoit. xiies. trone (Psautier Cambridge, éd. Fr. Michel, 10, 4); 2. a) 1remoit. xiies. throne « siège d'apparat où prend place un souverain dans l'exercice solennel de sa souveraineté » ici métaph. « puissance, autorité du souverain » (Psautier Oxford, 88, 29); ca 1170 trone (Rois, éd. E. R. Curtius, p. 111, ligne 24); ca 1216 trone « id. du pape » (Anger, Trad. Vie St Grégoire, 1243 ds T.-L.); b) 1550 s'asseoir sur le trône « prendre possession du pouvoir souverain » (Bible Louvain, 1 Rois, 8, 20 d'apr. FEW t. 13, 1, p. 315b); 1640 monter dans le trône (Corneille, Cinna, I, III, 220; monter sur le trône, éd. 1764, correction de Voltaire); 3. 1756 « régime, institution monarchique » renverser le trône (Voltaire, Essai sur l'hist. générale, p. 96); 4. 1808 fam. il est sur son trône se dit d'une personne qui est sur une chaise percée (Hautel t. 2); 1866 trône « siège de cabinet d'aisance » (Delvau); 5. 1904 trône d'une planète (Nouv. Lar. ill.). II. Subst. plur. ca 1265 théol. cath. trosnes « un des neuf chœurs des anges » (Brunet Latin, Trésor, éd. J. F. Carmody, p. 27, ligne 22); fin xiiies. saints trones (Ms 7218, f. 142 ds La Curne). Empr. au lat. d'époque impérialethronus « trône » (lui-même du gr. θ
ρ
ο
́
ν
ο
ς « siège élevé, trône pour les rois et les dieux; siège de patriarche ou d'évêque, trône épiscopal »), qui s'est substitué à solium « siège, trône »; très fréq. dans la Vulgate, thronus fut comme terme biblique empr. par la plupart des lang. médiév. soit dér. du lat. (cf. ital., esp. trono, port. throne, cat. trona), soit de l'a. fr. (cf. m. angl. trone, m. h. all. trôn, néerl. troon, bret. tron), cf. FEW t. 13, 1, p. 316b. Fréq. abs. littér.: 2 609. Fréq. rel. littér.: xixes.: a) 7 340, b) 3 723; xxes.: a) 2 226, b) 1 497. Bbg. Born. 1967, p. II, 75, XIII. − Dub. Pol. 1962, p. 436. |