| TOTAL, -ALE, -AUX, adj. et subst. masc. I. − Adjectif A. − Qui n'est altéré, entamé, perturbé, réduit par rien. Synon. absolu, entier, parfait1, plein.Absence, adhésion, condamnation, confiance, disponibilité, ignorance, impuissance, incapacité, obscurité, sécurité totale; amour, pardon, silence total; manque total de qqc.; total abandon; totale franchise, liberté, sécurité. Jamais il ne put oublier ce qu'il lut à ce moment-là dans ce regard: une si totale indifférence pour tout encouragement, une vie intérieure déjà si intense, une telle détresse dans une telle solitude (Martin du G., Thib., Cah. gris, 1922, p. 595).La solitude était totale; le silence était encore plus profond (Daniel-Rops, Mort, 1934, p. 42). B. − Qui concerne ou affecte l'ensemble, l'intégralité des parties, des éléments. Synon. complet1, général1.Changement, éclipse, exclusion, explication, guerre, infirmation, négation, réflexion, ressemblance, ruine total(e); effondrement, refus total; total accord, sacrifice; totale compréhension, destruction. Ma joie d'avoir possédé un peu de l'intelligence d'Albertine et de son cœur ne venait pas de leur valeur intrinsèque, mais de ce que cette possession était un degré de plus dans la possession totale d'Albertine, possession qui avait été mon but et ma chimère depuis le premier jour où je l'avais vue (Proust, Fugit., 1922, p. 496). − CHIR. [En parlant d'une opération] Où tout l'organe est enlevé. Hystérectomie totale. Ablation chirurgicale totale du corps thyroïde suivant la technique de Reverdin et de Kocher (Bariéty, Coury, Hist. méd., 1963, p. 748). ♦ Subst. fém., fam. Ablation des organes génitaux féminins. [Les femmes] savent toutes ce qu'est une « totale » et sont toutes terrifiées par cette castration (Soubiran, Un Coup de grâce, 1975ds Gilb. 1980). C. − 1. [En parlant de qqc. de nombrable] Pris dans la somme de toutes ses parties. Bénéfice, contenu, nombre, prix de revient, revenu total; hauteur, longueur, production, quantité, somme, superficie totale. Dans sa largeur totale le Nil a plus d'une lieue; une mer (Fromentin, Voy. Égypte, 1869, p. 56).Lhomme, premier caissier de la vente, venait de centraliser les recettes particulières de chaque caisse; après les avoir additionnées, il affichait la recette totale, en embrochant dans sa pique de fer la feuille où elle était inscrite (Zola, Bonh. dames, 1883, p. 501). 2. [En parlant de qqc. qui ne peut être nombré] Considéré dans son entier, dans son intégralité, dans toutes ses dimensions. Le système total du monde (Blondel, Action, 1893, p. 280).Un système (...) où il n'y a pas d'absurdité théorique à imaginer que les choses soient remises en place, où par conséquent le même phénomène total ou du moins les mêmes phénomènes élémentaires peuvent se répéter (Bergson, Évol. créatr., 1907, p. 28).Chez Marx le matérialisme historique s'associe au matérialisme dialectique pour former la base d'une conception philosophique de la réalité totale (Lacroix, Marxisme, existent., personn., 1949, p. 42). D. − 1. [En parlant d'une œuvre, d'un art, d'un moyen d'expression] Qui exploite toutes les possibilités du genre, qui comporte des éléments empruntés à différents genres. Art, opéra, roman, théâtre total; littérature totale. Pratiquement, nous voulons ressusciter une idée du spectacle total, où le théâtre saura reprendre au cinéma, au music-hall, au cirque, et à la vie même, ce qui de tout temps lui a appartenu (Artaud, Théâtre et son double, 1938, p. 104). 2. [En parlant d'un sport, de loisirs] Qui présente, offre toutes les possibilités du genre, qu'on exploite au maximum, dont on tire le plus grand parti possible. Football, tennis total; vacances totales. Les Européens commencent à prendre goût au ski total des grandes stations (L'Information, 18 déc. 1972ds Gilb. 1980). 3. [En parlant d'une pers.] Qui se réalise dans toute sa plénitude. Peintre, romancier total. Mais c'est un homme total qu'il voulait être [Pierre de Rozières], agissant par sa vie aussi bien que par son esprit (Barrès, Fam. spir., 1917, p. 152). II. − Subst. masc. Résultat de l'addition de plusieurs quantités, de plusieurs valeurs ou de plusieurs nombres. Synon. somme1.Total chiffré à; total impressionnant; faire le total de. Ça fait cinq mille quatre cent trois francs; et, si nous ajoutons les six cents francs des billets, nous arrivons au total de six mille francs (Zola, Argent, 1891, p. 157): Le vieil ours avait compris dans l'inventaire jusqu'aux cordes de l'étendage. La plus petite ramette, les ais, les jattes, la pierre et les brosses à laver, tout était chiffré avec le scrupule d'un avare. Le total allait à trente mille francs, y compris le brevet de maître imprimeur et l'achalandage.
Balzac, Illus. perdues, 1837, p. 15. − P. anal. [À propos de qqc. qui n'est pas chiffrable] Ensemble de choses qui s'ajoutent, qui s'additionnent. Je trouve des qualités charmantes au talent de M. de Musset; mais enfin, comme vous le dites vous-même, le total forme un talent du second ordre (Tocqueville, Corresp.[avec Gobineau], 1844, p. 74).Les connaissances expérimentales devaient s'additionner un jour, et leur total équivaloir forcément à la connaissance parfaite (Béguin, Âme romant., 1939, p. 4). − Au total. En additionnant tous les nombres. Au total, onze enfants, dont un seul avait survécu (Rolland, J.-Chr., Aube, 1904, p. 27).Il dénicha deux hommes, puis trois hommes, puis quatre autres dont un sergent (...). Ce qui lui fit douze hommes au total (Romains, Hommes bonne vol., 1938, p. 64). ♦ Au fig. Tout compte fait, tout bien considéré. Synon. somme toute (v. somme1).Ma situation, douce au total, près d'un être si chéri, dans une vie légère d'embarras, m'endort trop sans doute sur les souffrances du monde (Michelet, Journal, 1854, p. 253).Au total, après des années de vie libre, sous la légère tutelle de sa mère, elle se voyait désabusée, écœurée par la connaissance trop précoce d'un milieu dépravé, instruite de l'existence et de ses laides réalités (Van der Meersch, Invas. 14, 1935, p. 199). − Fam. [En tête de phrase ou de prop. pour introduire une conclusion] En fin de compte; résultat. Les Boches nous foutent la paix, il faut qu'ils les emm... Total, ils bombardent le patelin et c'est nous qui serons encore verts (Dorgelès, Croix de bois, 1919, p. 107).« Qu'est-ce qu'il avait fait, au juste? » « Il avait crié ». « C'est tout? Merde alors. Total: quatre morts, vingt blessés » (Sartre, Mort ds âme, 1949, p. 220). REM. Totalisme, subst. masc.,arts, rare. a) Art complet. L'art moderne (...) ne peut se régénérer que par le « retour au réel » et en aspirant à devenir un art « complet ». Il y a vingt ans, ambitieux et ingénu, je caressais l'hypothèse d'un tel art, que je baptisais « totalisme » (Lhote, Peint. d'abord, 1942, p. 107).b) Art qui vise à rendre compte d'un phénomène dans sa totalité. Dans l'Iliade et l'Odyssée, le métier est partout présent. Marins, bûcherons, pâtres, cultivateurs, cuiseurs de viande, fileuses, tisseuses, tous sont nommés. Le poète antique ne néglige aucun élément de la vie (...). Les classiques français, tellement épris de l'imitation de la Grèce, n'ont pas continué ce totalisme social (Arts et litt., 1935, p. 64-1). Prononc. et Orth.: [tɔtal], plur. [-o]. Att. ds Ac. dep. 1694. Étymol. et Hist. A. Adj. 1. 1370 « complet, à quoi il ne manque rien » (Oresme, Ethiques, éd. A. D. Menut, fo92d, p. 281); 2. a) 1398 « qui embrasse toutes les parties » somme toutalle (A.N. S 90, pièce 104 ds Gdf. Compl.); b) 1924 un risque de guerre totale (Thibaudet, Princes lorr., p. 148). B. Subst. 1559 « assemblage de plusieurs éléments considérés comme un tout » (Amyot, Marc., 26 ds Littré); d'où 1. 1723 « résultat de l'addition de plusieurs nombres, représentant des quantités, des valeurs » (Savary); 2. 1738 le total de la dépense (Rollin, Hist. anc. des Égyptiens, Paris, Vve Estienne, t. 5, p. 496); 1788 au total « addition faite de toutes les sommes, de tous les nombres » (Fér. Crit. t. 3); 1805 fig. « tout bien considéré » (Cuvier, Anat. comp., t. 1, p. 181); 3. 1968 informat. total majeur (Lar. encyclop. Suppl.). C. Adv. 1. 1833 « par conséquent » (Balzac, Méd. camp., p. 177); 2. 1836 « en fin de compte » (Stendhal, H. Brulard, t. 1, p. 299). Empr. au lat. médiév.totalis att. dans le domaine angl. en 1170 (Latham) − l'adv. totaliter est déjà att. en b. lat. − lui-même dér. de totus, v. tout. Fréq. abs. littér.: 3 194. Fréq. rel. littér.: xixes.: a) 2 516, b) 2 127; xxes.: a) 3 470, b) 8 210. Bbg. Blois (J.). Les Néol. dans l'hebdomadaire L'Express... Néol. Marche. 1980, no18, p. 139. − Gohin 1903, p. 340. − Quem. DDL t. 25, 27, 38, 41. − Spitzer (L.). Total. Fr. mod. 1939, t. 7, pp. 20-25. |