| TONDRE, verbe trans. A. − 1. [Le compl. désigne les poils d'un animal] Couper à ras (le pelage, la toison). Une vieille, tondant la laine d'un mouton, Assise sur un seuil, lui cria: « Dieu t'assiste! » (Hugo, Légende, t. 1, 1859, p. 123). − [Sans compl. prép.] L'idée d'utiliser le poil de l'animal sans le tuer a conduit à tondre la toison: il faut alors résoudre le double problème de faire le fil et de le tisser (Brunhes, Géogr. hum.,1942, p. 163). 2. [En parlant d'une pers.] Qqn tond les cheveux à, de qqn. Couper à ras les cheveux d'une personne. Sa tante lui tondait ras les tiffes, avec ses propres ciseaux, ça lui faisait comme du gazon avec une seule touffe en avant (Céline, Mort à crédit, 1936, p. 168). ♦ Se faire tondre les cheveux. En se faisant tondre les cheveux par les muletiers du train de combat (Dorgelès, Croix de bois, 1919, p. 187). − Au fig., fam. Se laisser tondre (la laine sur le dos). Se laisser exploiter, supporter avec patience les vexations. [Les habitants de sa commune] ont toujours mangé du pain, ils se laisseraient tondre volontiers comme jadis, dans la crainte des nouveautés et de l'inconnu de demain (Zola, Vérité, 1902, p. 210).Tondre la laine* sur le dos de qqn. Ah! comme on lui tond la laine sur le dos à cette innocente! (Fabre, Courbezon, 1862, p. 122). B. − 1. [Le compl. désigne un animal] Dépouiller un animal de son pelage, de sa toison en coupant les poils très ras. Tondre un mulet, un chien. Ils se réveilleraient au chant de l'alouette (...), regarderaient faire le beurre, battre le grain, tondre les moutons (Flaub., Bouvard, t. 1, 1880, p. 14). − Loc. verb., vx. Avoir d'autres chiens à tondre. Avoir mieux à faire (Ds Rob. 1985). Synon. avoir d'autres chats à fouetter (v. chat1II C 3).Chacun tond son chien comme il l'entend (Sue, Atar-Gull, 1831, p. 5). Chacun agit à sa guise. 2. a) [Le compl. désigne une pers.] Raser complètement les cheveux de quelqu'un. Empl. pronom. réfl. Il se soutient de mets pleins d'art, Se drogue, se tond, se parfume, Se truffe tant, qu'il meurt trop tard (Laforgue, Complaintes, 1885, p. 147). − En partic. Faire une tonsure à un moine. Quiconque pénètre en ce lieu est fait incontinent moine de l'ordre, sans pour cela qu'on le tonde (Sainte-Beuve, Tabl. poés. fr., 1828, p. 20). − P. anal., fam. Dépouiller quelqu'un complètement. Saccard, bien que ruiné pour le moment, était encore bon à tondre (Zola, Argent, 1891, p. 37).Tondre le contribuable sans qu'il se révolte, voilà tout l'art du grand homme d'État et du grand financier (Sorel, Réflex. violence, 1908, p. 342). b) Se faire tondre. Se faire raser complètement la tête. L'un avait laissé pousser sa moustache, l'autre l'avait rasée et s'était fait tondre (Proust, Sodome, 1922, p. 989). − P. anal., pop. Se faire tondre au jeu. ,,Se faire dépouiller de son argent`` (Car. Argot 1977). 3. Au fig., fam. Tondre un œuf, tondre sur un œuf. V.
œuf I C 3 b ex. de Zola. C. − 1. Qqn tond qqc. (gazon, haie). Couper à ras le gazon, une haie. L'entretien des banquettes de sûreté dont les talus sont gazonnés, consiste à arracher les chardons et autres mauvaises herbes, à tondre l'herbe trop haute (Bourde, Trav. publ., 1929, p. 173). − P. anal. [Le suj. désigne un animal] Brouter. Le soir, elle menait les chèvres de sa mère tondre la berge des chemins (Maurras, Chemin Paradis, 1894, p. 70). 2. TECHNOL. Tondre un textile, une peau. Égaliser la surface de. Tondre les draps, les feutres (Ac. 1798, 1835). Les peaux, d'abord brossées (...) puis mises à sécher à l'étuve, sont ensuite brossées à sec, coupées en lanières et tondues (Macaigne, Précis hyg., 1911, p. 317). Prononc. et Orth.: [tɔ
̃dʀ], (il) tond [tɔ
̃]. Att. ds Ac. dep. 1694. Homon. de formes conjuguées: thon, ton1, 2, 3, 4. Étymol. et Hist. 1. a) α) Ca 1135 tondre le chief en guise de châtiment (Couronnement de Louis, éd. Y. G. Lepage, réd. AB, 1947); ca 1165 réfl., en signe de deuil (Benoît de Ste-Maure, Troie, éd. L. Constans, 27286); fin xiies. tondre haut « couper par derrière la masse de la chevelure longue de manière à dégager le cou et l'arrière de la tête [cf. M. Roques ds Romania t. 42, p. 142] » (Folie Tristan de Berne, éd. J. Bédier, 154: Haut fu tondu [Tristanz], lonc ot le col. A mervoille sembla bien fol); 1828-29 subst. le Tondu surnom donné à Napoléon par ses soldats (Raban, Marco Saint-Hilaire, Mém. forçat, t. 3, p. 202); 1833 le petit tondu (Balzac, Méd. camp., p. 91);
β) 1155 sépc. en signe de cléricature (réelle ou simulée) réfl. mode pers., part. passé adj. (Wace, Brut, éd. I. Arnold, 8254: Corune fist, halt se tundi; 8255: Cume muines rés e tunduz); de là ca 1165 trans. « faire embrasser à quelqu'un l'état religieux » (Guillaume d'Angleterre, éd. M. Wilmotte, 112); ca 1230 part. passé subst. « clerc » (Péan Gatineau, St Martin, éd. W. Söderhjelm, 9342);
γ) [au Moy. Âge, on tondait ceux que l'on tenait pour dégradés: les fous, les condamnés... cf. ca 1160 Fous deit estre cil qui fous tont proverbe (Benoît de Ste-Maure, op. cit., 26694); 1174-76 tunduz cumme fous (Guernes de Pont-Ste-Maxence, St Thomas, éd. E. Walberg, 1248)]; de là 1261 je rotroi que l'on me tonde Se... « j'accepte que l'on me tonde [comme un fou], qu'on me tienne pour fou » (Rutebeuf, Renart le Bestourné, 150 ds
Œuvres, éd. E. Faral et J. Bastin, t. 1, p. 543); b) ca 1160 fig. « exploiter, spolier » tondre bien près (Benoit de Ste-Maure, op. cit., 26696); c) ca 1170 faire tundre ses chevols (Rois, II, XIV, 26, éd. E. R. Curtius, p. 84); fin xiies. (Folie Tristan de Berne, 132: Tondre a fait sa bloie crine); 2. a) ca 1170 faire tundre ses brebiz; sun fulc (Rois, I, XXV, 5, p. 49); ca 1200 part. passé adj. cheval tondu (Jean Renart, Escoufle, éd. F. Sweetser, 306); b) 1260 part. passé adj. lainne tondue ou peleiée (Etienne Boileau, Métiers, éd. R. de Lespinasse et Fr. Bonnardot, XCII, XI, p. 204); 3. 1174-87 tondre dras (Chrétien de Troyes, Perceval, éd. F. Lecoy, 5705), v. aussi Doc. hist. industr. drapière, éd. G. Espinasse et H. Pirenne, t. 1, 1909, p. 19; 4. ca 1180 pré tundu (Marie de France, Fables, 94, 11 ds T.-L.); 1636 « élaguer (des arbres) » (Monet, p. 905 a); 5. a) 1526 fig. trouver a tondre sur ung œuf « fabriquer quelque chose de rien, trouver son profit, trouver à rapiner » (Cl. Marot, L'Enfer, 122 ds
Œuvres satiriques, éd. C. A. Mayer, p. 59); b) 1611 id. « accuser faussement, trouver à reprendre » (Cotgr.); 6. 1842 p. anal. lettres tondues terme de diplomatique en usage dans les diplômes chancelleries royales mérov., carol. et capétienne (Ac. Compl.). Du lat. vulg. *tondĕre, class. tondēre « tondre, raser, couper; élaguer, émonder; couper (herbe, blé) » fig. « dépouiller » (tondere aliquem auro, Plaute). Dans la lang. médiév. « tonsurer » (vies. ds Blaise Lat. chrét.); part. passé subst. « clerc » (874 ds Nierm.); être tondu était considéré au Moy. Âge comme un signe d'infamie, cf. ca 720 tondere caput, barbam contra legem, délit puni par la Lex Alamannorum; 809 dimidio capite tonderi « poena servorum, latronum » (Ds Du Cange, s.v. tondere). Fréq. abs. littér.: 115. DÉR. 1. Tondage, subst. masc.a) Text. Opération par laquelle on égalise les poils de certains tissus. [Le tondage] a pour but d'enlever le duvet formé pendant le foulage et le grattage. Autrefois ce tondage se faisait à la main en étendant le tissu sur une table (R. Thiébaut, Textiles, Paris, Dunod, t. 3, 1959, p. 89).b) Action de tondre le poil de certains animaux. Par le tondage, les animaux sont débarrassés des poils longs et épais qui forment pour l'hiver une sorte de manteau (ZollaAgric.1904).− [tɔ
̃da:ʒ]. − 1resattest. a) 1303 (Arch. Pas-de-Calais, rouleau no8 ds Gay t. 1, p. 573, s.v. drap), 1337 tondaje de dras (doc. Arch. Tournai ds Gdf.) − 1465, ibid., v. aussi De Poerck t. 2, p. 201, 926, à nouv. en 1832 (Raymond), b) 1845 « tonte des chevaux » (Besch.), Littré note: ,,s'emploie de préférence à tonte* lorsqu'on parle du cheval``; de tondre, suff. -age*. Cf. le synon. m. fr. tontage de draps (1368 ds Gdf.), hapax, dér. d'une anc. forme du part. passé *tonditus, de tondre. 2. Tondaille, subst. fém.,vx. Époque de la tonte des moutons; fête qui accompagne cette opération. La preuve que la Gothe était une méchante sorcière, c'est que les chèvres des bergères à qui elle parlait souvent tarissaient; leurs brebis perdaient la laine avant la tondaille (Sand, Jeanne, 1844, p. 85).− [tɔ
̃dɑj], [-daj]. − 1resattest. a) 1500-01 « tonte des bêtes à laine » (Compte des receveurs de l'Hostel-Dieu de Bourges ds Gdf.), b) 1562 « repas à l'occasion de la tonte » (Rabelais, Cinquième livre, XVII, éd. J. Plattard, p. 81: Enfiançailles, espousailles, relevailles, tondailles); de tondre, suff. -aille*. 3. Tondaison, subst. fém.a) Vx. Tonte des moutons; moment où elle se pratique. (Dict. xixeet xxes.). b) Laine qui provient de la tonte. (Dict. xixeet xxes.). − [tɔ
̃dεzɔ
̃], [-de]. Ds Barbeau-Rodhe 1930 durée demi-longue de la voy. de [-de-]. Att. ds Ac. dep. 1798. − 1resattest. a) 1284 « époque de la tonte » (doc. Arch. de Tournai ds Gdf. Compl.), b) xiiies. [ms.] « toison » (Benoît de Ste-Maure, Troie, Bibl. nat. fr. 903, fol. 55c ds Gdf.: un mouton Qui d'or out tout la tondison; éd. L. Constans, 768: toison), c) id. [ms. Bibl. mun. Dijon 599] « tonte des bêtes à laine » les tans de tondisons (Règle cistercienne, 489 ds T.-L.), d) 1872 « laine tondue » (Littré); de tondre, suff. -aison*. |