| TOMBEAU, subst. masc. A. − Monument funéraire élevé sur une tombe pour commémorer le souvenir d'un ou de plusieurs morts. Synon. caveau, mausolée. Élever un tombeau; mettre au tombeau; la nuit, le froid du tombeau. Le père de Condren honorait tellement la mémoire de cette fille qu'il a eu toute sa vie le désir de lui faire faire un tombeau, et de lui composer une épitaphe qui contînt ses dernières paroles (Bremond, Hist. sent. relig., t. 3, 1921, p. 387).Entre temps, je ne manque pas d'aller saluer le tombeau du soldat inconnu dans l'émouvant parc d'Arlington (De Gaulle, Mém. guerre, 1956, p. 237). − PEINT. Mise au tombeau. Représentation de l'ensevelissement du Christ. Qu'entendons-nous le mieux dans la Mise au tombeau de Titien: le chant de la nature, celui de la beauté ou celui de l'âme? Qu'il est difficile de les désolidariser (Huyghe, Dialog. avec visible, 1955, p. 98). − MUS., POÉS. Le Tombeau de... Composition poétique, œuvre instrumentale écrite à la mémoire d'un grand artiste. Le Tombeau de Charles Baudelaire (par Mallarmé), le Tombeau de Couperin (par M. Ravel). Je connais E. Signoret depuis son enfance, car je n'ai jamais cessé de m'intéresser à la famille que l'auteur du Tombeau de Mallarmé a laissé, à sa mort, dans une profonde misère (Gide, Corresp.[avec Valéry], 1934, p. 516). − ÉBÉN. À, en tombeau. Lit à, en tombeau. Lit à colonnes et à baldaquin de forme lourde et carrée. Tiroir en tombeau. Tiroir à formes galbées. Commode à tombeau. Commode qui rappelle, par sa forme galbée, un sarcophage. Un lit de serge verte, dit en tombeau (...) un rouet, des chaises grossières (...) complétaient, à peu de chose près, le mobilier de Galope-Chopine (Balzac, Chouans, 1829, p. 243). B. − P. anal. 1. a) [À propos d'une chose] − Lieu lugubre, froid, d'aspect funèbre. Bourges a la poésie du cloître: Poitiers est un tombeau (Sandeau, Mllede La Seiglière, 1848, p. 2).− Brr! soupira Laurence en secouant ses épaules, c'est un tombeau que cette chambre!... Nos cousins ne font donc jamais de feu? (Theuriet, Mais. deux barbeaux, 1879, p. 27). − Lieu, temps qui rappelle la mort, la disparition d'hommes, d'institutions, etc. Il appartenait au lion de Saint-Marc, disent les officiers vénitiens, de vérifier le proverbe que l'Italie est le tombeau des Français (Las Cases, Mémor. Ste-Hélène, t. 1, 1823, p. 703).Musée(-)tombeau. Dans cette demeure de type béarnais [la maison de F. Jammes] remarquablement conservée, où flottent encore les ombres de Claudel, de Mauriac, de Darius Milhaud et d'André Gide, les visiteurs les plus rétifs aux musées-tombeaux seront, cette fois, accueillis par des documents vivants, frais (Le Point, 31 juill. 1978, p. 12, col. 3). − Raison, cause de la fin de quelque chose. Celui qui croit aux atomes, il ne pense plus l'atome. Les systèmes sont les tombeaux de l'esprit. La chance de Platon, chance qui est unique, est qu'il n'a rien plâtré ni replâtré (Alain, Propos, 1931, p. 990). b) [À propos d'une pers.] Personne dont le silence est comparable à celui d'un mort. Le secret est une tombe et ce n'est pas pour rien que l'homme discret se vante d'être le tombeau des secrets (Bachelard, Poét. espace, 1957, p. 91). 2. Expr. littér. [Le tombeau symbolisant la mort] ♦ Descendre au tombeau. Mourir. Suivre qqn au tombeau. ,,Mourir peu de temps après lui`` (Littré). ♦ Mener, conduire, mettre qqn au (dans le) tombeau. Être la cause de sa mort. Cette maladie le mènera au tombeau; le chagrin l'a conduit au tombeau (Ac.). ♦ Être au bord, aux portes du tombeau. Être tout près de mourir. Conduire qqn aux portes du tombeau. Dans le dernier combat que Vitikind livra aux Français, Diaulas, blessé dangereusement, resta sur le champ de bataille: on le crut mort, et la douleur me conduisit moi-même aux portes du tombeau (Genlis, Chev. Cygne, t. 2, 1795, p. 134). ♦ Tirer qqn (ou qqc.) du tombeau. (Le) rendre à la vie; (le ou la) tirer de l'oubli, faire renaître. Sa résignation à la volonté de Dieu éclate dans tous les momens de sa vie: il aimoit, il connoissoit l'amitié: l'homme qu'il tira du tombeau, Lazare, étoit son ami; ce fut pour le plus grand sentiment de la vie, qu'il fit son plus grand miracle (Chateaubr., Génie, t. 2, 1803, p. 361).Affecter de craindre que j'étouffe la République, quand je la tirais du tombeau, était simplement dérisoire (De Gaulle, Mém. guerre, 1959, p. 264). 3. Loc. adv., cour. À tombeau ouvert. À une vitesse telle que l'on risque la mort. Rouler à tombeau ouvert. Le général, qui n'aimait pas les jeunes gens, dit qu'il avait rencontré Le Ménil, la veille, au bois, galopant à tombeau ouvert (A. France, Lys rouge, 1894, p. 10). Prononc. et Orth.: [tɔ
̃bo]. Att. ds Ac. dep. 1694. Étymol. et Hist. A. 1. Ca 1155 tumblel « monument funéraire » (Wace, Brut, éd. I. Arnold, 11372); ca 1160 tombel (Eneas, éd. J. J. Salverda de Grave, 6491); 2. a) 1551 litt. « pièce (ou recueil de pièces) écrite(s) en l'honneur d'un mort » (Le Tombeau de Marguerite de Valois royne de Navarre, Paris, 1551 ds F. Lachevre, Bbg. des rec. coll. de poés. du XVIes., p. 232); b) 1remoit. xviies. mus. « pièce vocale ou instrumentale dédiée à la mémoire d'un mort » (E. Gaultier de Lyon, Tombeau de Mézangeau ds Mus. 1976); 3. a) déb. xviiies. ameubl. cabinet en forme de tombeau (Inventaire des meubles de la Couronne ds Havard t. 4); b) 1719 lit à tombeau (Invent. du chevalier de Piré, ibid.); 1720 lit en tombeau (Invent. de Marguerite de Saint-Martin, ibid.); c) mil. xviiies. commode en tombeau (ds Havard t. 4). B. 1. expr. a) 1550 mettre au tombeau fig. (Du Bellay,
Œuvres poét., éd. H. Chamard, t. 4, p. 38: les plumes de corbeau Ont mis l'honneur des Dames au tombeau); 1553 au sens propre (Ronsard,
Œuvres compl., éd. P. Laumonier, t. 5, p. 23: Catin [...] a mis Au tombeau ses plus grans amis); b) α) 1550 arracher du tombeau fig. « tirer de l'oubli » (Id., ibid., t. 1, p. 234: D'arracher vifs les hommes du tumbeau); 1568 tirer du tombeau (Du Bellay, op. cit., t. 5, p. 375: vers [...] Tirant hors du tumbeau De nous tout le plus beau);
β) 1684 tirer du tombeau « sauver la vie de » (Mmede Sévigné, Corresp., 5 nov., éd. R. Duchêne, t. 3, p. 152); c) 1573 jusqu'au (pied du) tombeau « jusqu'à la mort » (Garnier, Hippolyte, éd. W. Foerster, 643: jusqu'au pied du tombeau); 1604 (Montchrestien, Hector, éd. L. Petit de Julleville, p. 45: jusques au tombeau); d) 1604 descendre au tombeau (Id., Lacènes, p. 189: Descendons avec eux sous la nuict du tombeau); 1636 (Corneille, Le Cid, 714: descendaient au tombeau); e) 1612 suivre au tombeau (Urfé, Astrée, éd. H. Vaganay, t. 1, p. 267: l'une [amour] suive le corps de Cleon au tombeau); 1625 (Camus, Palombe, p. 116: le suivre dans le tombeau); f) 1619 à la porte (aux portes) du tombeau (Urfé, op. cit., t. 3, p. 586: à la porte du tombeau); 1756 (Voltaire, Essay sur l'hist. gén., p. 333: aux portes du tombeau); g) 1798 à tombeau ouvert « à toute vitesse » (Ac.); h) 1834 se creuser un tombeau (Sainte-Beuve, Volupté, t. 2, p. 188: le tombeau [la solitude] que je m'étois creusé moi-même); av. 1848 (Chateaubr., Mém., t. 2, p. 643: ceux qui font des révolutions à moitié ne font que se creuser un tombeau); 2. a) 1558 fig. « lieu, temps où quelqu'un ou quelque chose a péri » (Du Bellay, op. cit., t. 2, p. 27: Et morte elle [Rome] est du monde le tumbeau); b) 1640 fig. « ce qui cause la mort, la destruction » (Corneille, Horace, 1506: elle voit avec lui son espoir au tombeau); 3. 1832 fig. « endroit lugubre, sinistre » (Hugo, N.-D. Paris, p. 239); 4. 1894 fig. tombeau des secrets « personne très discrète » (L. Daudet, Morticoles, p. 280); 1927 (Mauriac, Th. Desqueyroux, p. 207: cette fille, c'est un tombeau). Dér. de tombe*; suff. -eau*. Fréq. abs. littér.: 4 209. Fréq. rel. littér.: xixes.: a) 11 446, b) 6 652; xxes.: a) 4 120, b) 2 088. |