| * Dans l'article "TIÈDE,, adj." TIÈDE, adj. A. − 1. Qui est à une température modérée, qui procure une sensation thermique modérée, entre le chaud et le froid. Eau tiède; prendre un bain tiède; air, souffle, vent, pluie tiède; température tiède; chair, corps tiède; mains tièdes; odeur, parfum tiède; devenir, rendre tiède. C'est vraiment le doux automne; d'après-midi muettes et ensoleillées, de journées pluvieuses aux lentes averses tièdes (La Varende, Homme aux gants, 1943, p. 80).Le lendemain, 30 avril, une brise déjà tiède soufflait dans un ciel bleu et humide (Camus, Peste, 1947, p. 1232).V. air1ex. 1. − [En parlant du climat, de la température d'un lieu] Où il fait une température modérée. Climat, hiver tiède; tiède journée; maintenir une pièce tiède; serre tiède. Les jacinthes fleurissent sur la cheminée à la tiède atmosphère du salon (Bertrand, Gaspard, 1841, p. 189).Le printemps fut précoce; une tiède fin de mars désengourdissait le monde (Mauriac, Baiser Lépreux, 1922, p. 190). ♦ Expr. fam. Il fait tiède. La température est douce, agréable. Il fait tiède et doux dans Paris! (Géraldy, Toi et moi, 1913, p. 49).− Je vais me mettre nu, ça sera mieux (...). − Vous n'aurez pas froid? − Oh, j'ai l'habitude; il fait bon tiède et puis, l'herbe est bonne, et l'air est bon, et puis, je fais vite du chaud moi (Giono, Regain, 1930, p. 129). 2. Qui est encore légèrement chaud. Cendres tièdes, moteur tiède. Les enfants qui s'en vont faire bénir de tièdes brioches (Laforgue, Complaintes, 1885, p. 90).Après la compresse de bouse de vache, Adoum a posé sur ses plaies la bouillie d'herbes tièdes extraites de l'estomac d'un cabri qu'on vient de tuer (Gide, Retour Tchad, 1928, p. 897). 3. Qui réchauffe modérément. Soleil tiède. Madère, l'île caressée par de tièdes courants, est, en 1874, le point d'émigration très aristocratique (Mallarmé, Dern. mode, 1874, p. 844).Ces effets touchants et tendres que produisent de jeunes et tièdes rayons de soleil qui tombent à travers de la brume (Barrès, Cahiers, t. 8, 1910, p. 216). 4. [En parlant d'un aliment ou d'une boisson] Qu'on a laissé refroidir ou se réchauffer; qui n'est pas suffisamment chaud ou frais. Café tiède, bière tiède. Un soir, à dîner, Laurent (...) trouva que l'eau de la carafe était tiède; il déclara que l'eau tiède lui donnait des nausées, et qu'il en voulait de la fraîche (Zola, Th. Raquin, 1867, p. 192).Le maître d'hôtel (...) apporta d'autorité le champagne « maison », un affreux breuvage, tiède et sucré (Vailland, Drôle de jeu, 1945, p. 63). − Empl. adv. Boire, manger tiède. Boire des boissons ou manger des aliments tièdes. Ah! le vin! comme il fait déjà chaud, nous le mettrons rafraîchir dans un baquet sous la pompe, excepté le bordeaux, qui doit se boire tiède (Erckm.-Chatr., Ami Fritz, 1864, p. 24). 5. Au fig. [En parlant d'une sensation, d'un sentiment] Qui s'accompagne d'une impression de douceur agréable. Des Esseintes était incapable de remuer les jambes; un doux et tiède anéantissement se glissait par tous ses membres, l'empêchait même d'étendre la main pour allumer un cigare (Huysmans, À rebours, 1884, p. 183). B. − Au fig. 1. [En parlant d'une pers.] Qui manque d'ardeur, de ferveur, de zèle; qui répugne à s'engager vraiment. Synon. indifférent, mou; anton. ardent, convaincu.Chrétien, communiste, militant tiède; candidat trop tiède. J'ai deux sortes d'amis. Des amis tièdes et des amis hostiles. Mais les ennemis sont ardents, cela fait compensation (Vigny, Journal poète, 1844, p. 1214).Ce serait un geste qui ne compromettrait personne; une petite chose si tu veux, mais qui serait quand même un pas vers les cléricaux; et pour les plus tièdes des républicains, c'est un signe que le vent tourne (Aymé, Jument, 1933, p. 119).V. chaud ex. 3. − Empl. subst., souvent au plur. Personne peu ardente à manifester ses sentiments, à défendre ses convictions. [Supiat] orateur à la face de renard, aux yeux fureteurs, et qui dénonçait les tièdes à la Confédération générale du Travail (R. Bazin, Blé, 1907, p. 104). ♦ [P. réf. à l'Apocalypse 3/15-16] Oh! je sais, vous allez me répondre que le Seigneur vomit les tièdes. Quels tièdes au juste? Nous l'ignorons. Sommes-nous sûrs de définir comme lui cette sorte de gens? Pas du tout (Bernanos, Journal curé camp., 1936, p. 1083). 2. [P. méton.; en parlant d'un comportement, d'une manière de sentir ou de penser] Où se manifeste peu d'ardeur, d'enthousiasme. Anton. ardent, chaleureux.Accueil un peu tiède; applaudissements, encouragements tièdes; tiède compromis; sentiments tièdes; dévotion, foi tiède. La police (...) montrait un empressement assez tiède à rechercher le fugitif (Rolland, J.-Chr., Maison, 1909, p. 1083).Mais quoi, la paix n'aurait-elle pas ses démons aussi bien que le trouble: les démons de la régularité, du confort, des tièdes habitudes? (Bremond, Hist. sent. relig., t. 4, 1920, p. 264). − [En parlant d'une œuvre] Qui est ou qui laisse indifférent. Je cours à vos lettres entre cent mille écritures. Il faudrait me voir quand il m'en arrive quelqu'une au milieu d'une pacotille d'autres! Je laisse la pacotille, et dans un coin je lis, je relis, puis je passe aux indifférentes, aux tièdes (E. de Guérin, Lettres, 1833, p. 39).Or, les plus saisissantes de nos résurrections sont souvent les plus significatives; ni les Rois de Chartres, ni le Dévôt Christ, ni celui de Grünewald ne sont des œuvres tièdes (Malraux, Voix sil., 1951, p. 615). − Empl. subst. masc. sing. à valeur de neutre, rare. Cette nature toute de feu et de glace ne pouvait admettre le tiède (...). Bête de race elle était, bête de race elle voulait Paul (Cocteau, Enfants, 1929, p. 69). 3. [En parlant d'un endroit, d'une région, d'un pays] Où les risques, les dangers sont relatifs, moyens. Au début de l'été 1980, on comptait en Afrique cinq zones « chaudes », où se déroulaient des opérations de guerre classique ou de guérilla, et huit zones « tièdes », où divers conflits entre états ou civils pourraient éclater ou reprendre (Réalités, août 1980, p. 42, col. 1). Prononc. et Orth.: [tjεd]. Ac. 1694, 1718: tiede, dep. 1740: tiède. Étymol. et Hist. 1. a) 1174-75 adj. eve tieve « qui est entre le chaud et le froid » (Guernes de Pont-Ste-Maxence, St Thomas, 3577 ds T.-L., s.v. teve); 1380 tiede (Roques t. 2, p. 411, no12296); b) 1830 fig. « qui procure une sensation ou une impression de douceur agréable » (Lamart., Harm., p. 487); 2. a) fin xiies. adj. « qui manque de ferveur » les teues cuers (Sermons St Grégoire sur Ézéchiel, éd. K. Hofmann, p. 37); 1559 tiede (Amyot, Lyc., 28 ds Littré); 1656 subst. « id. » (Corneille, L'Imitation de Jésus-Christ, I, XXV, 2588 ds
Œuvres, éd. Ch. Marty-Laveaux, t. 8, p. 170); b) 1674 « (en parlant d'une manière d'agir, de penser) qui manque d'ardeur, de ferveur » ma joie ... ne peut être tiède (Sévigné, Corresp., éd. R. Duchêne, t. 1, p. 693). Du lat. d'époque impériale tepidus « tiède » au propre et au fig. dér. du lat. class. tepere « être tiède ». L'a. fr. tieve, teve (supra) s'explique par la réduction par apocope, répandue dans l'Est de la France du proparoxyton lat. (v. FEW t. 13, 1, p. 234a et Horning ds Z. rom. Philol. t. 5, p. 501). Fréq. abs. littér.: 1 991. Fréq. rel. littér.: xixes.: a) 1 430, b) 3 318; xxes.: a) 4 410, b) 2 816. DÉR. 1. Tiédasse, adj.,péj. D'une tiédeur désagréable. Bière, eau, potage tiédasse. La liqueur sirupeuse et l'eau tiédasse (Arnoux, Solde, 1958, p. 54).− [tjedas], [tjε-]. [-ε-] sous l'infl. de tiède. − 1reattest. 1941 une gamelle d'eau tiédasse (L'Œuvre, 9 mars); de tiède, suff. -asse*. 2. Tièdement, adv.a) D'une manière douce et agréable. Elle fit un mouvement avec ses deux mains, ses deux bras tièdement parfumés (Noailles, Domination, 1905, p. 40).b) Avec tiédeur, sans ardeur, sans conviction. Approuver, remercier tièdement; être tièdement accueilli. M'occuper moins de vous, vous aimer tièdement? C'est quelque chose d'incompréhensible pour moi (M. de Guérin, Corresp., 1837, p. 284).L'abbé (...) ne lâchait guère son chevet priant avec ferveur pour le salut de son âme, plus tièdement pour celui de sa guenille périssable (Arnoux, Rossignol napol., 1937, p. 147).− [tjεdmɑ
̃]. Ac. 1694, 1718: tiedement; dep. 1740: tièdement. − 1resattest. ca 1235 tevement (La Règle Cistercienne, éd. R. Jungbluth, 595, 33 et 609, 3 ds Rom. Forsch. t. 10, p. 622), 1294 [ms.] aimer tiedement (Laurent, Somme, B. N. 938, fo13 rods Gdf. Compl.), cf. xives. (Manuscrit cité par Leroquais, Livres d'Heures, II, 339 ds Fr. mod. t. 6, p. 175); de tiède, suff. -ment2*. |