| TERRIBLE, adj. A. − [En parlant d'une pers. ou d'une chose; avec valeur péj.] Qui inspire ou cherche à inspirer la terreur, qui provoque une émotion profonde. Synon. effrayant, épouvantable, terrifiant.Air, arme, châtiments, circonstances, danger, mal, nouvelle, punitions terrible(s). D'ailleurs, c'est extraordinaire vraiment comme, ici, on se familiarise avec cette chose au premier abord familière et terrible, (...) la mort (Verlaine,
Œuvres compl., t. 4, Mes hôp., 1891, p. 334): Il ne pouvait plus nager et, afin de ne pas couler, il jeta les bras autour de François, qui se dégagea en l'assommant d'un coup à la nuque, et lui maintint la tête hors de l'eau par les cheveux. François ne nageait que d'un bras; si la marée le poussait, les rouleaux continuaient, derrière lui, d'être une menace terrible.
Queffélec, Recteur, 1944, p. 134. − Empl. subst. Les étrangers, ses contemporains, l'ont surnommé le Bourreau; les Russes l'appellent encore Ivan le Terrible. Pour ses sujets seulement, il fut terrible, car ni les Polonais ni les Tartares ne le virent sur un champ de bataille (Mérimée, Faux Démétrius, 1853, p. i). − Vieilli, empl. subst. masc. sing. à valeur de neutre. Ce qui est propre à inspirer la terreur tragique. C'est là son grand mérite [à Michel-Ange] : il met du grand et du terrible même dans un membre isolé (Delacroix, Journal, 1854, p. 283). B. − [Sens affaibli] 1. [En parlant d'une pers.] a) Qui est insupportable, désagréable, turbulent. Synon. insupportable, pénible.Enfant, femme, gosse terrible. Le mariage ne l'a pas remise, loin de là... Au bout de quelques semaines, elle était terrible, nous ne pouvions plus nous entendre (Zola, Pot-Bouille, 1882, p. 153).La jeunesse de cinquième est terrible. L'année prochaine, elle ira en quatrième, rue Caumartin, méprisera la rue d'Amsterdam, jouera un rôle et quittera le sac (la serviette) pour quatre livres noués par une sangle et un carré de tapis (Cocteau, Enfants, 1929, p. 8). b) Qui exerce à un très haut degré une activité ou fait preuve d'un caractère particulier. Un terrible bavard. Elle le connaissait, ce terrible joueur (A. Daudet, Jack, t. 2, 1876, p. 92). − Au fig. Enfant terrible. Le Times fait à ce sujet [de l'Autriche] des articles très mauvais et qui pourraient nous faire encore plus de mal, si sa réputation d'enfant terrible n'était pas bien établie en Europe (Mérimée, Lettres Ctessede Montijo, 1855, p. 41). − Arg., vx, empl. subst. Les terribles, les Territoriaux, est usité aux 109eInf. et 8eGénie, 1917-1918, (J. Demeure); un terrible, un Territorial, au 166eInf., 1917-1918, (un officier de réserve, 1919). − G. Ascoli, 1919, estime que l'idée est que les territoriaux sont inflexibles sur la consigne quand ils gardent les issues d'un cantonnement (Esnault, Notes compl. Poilu, [1919] 1956). 2. [En parlant de choses] Qui est très pénible, très fort, d'une grande violence. Chaleur, soif terrible; c'est terrible de + inf. Et j'ai, cependant, l'impression de sombrer, quand je donne ce terrible coup de barre (Saint-Exup., Terre hommes, 1939, p. 222). − Empl. subst. Ce qui est terrible; le pire. Le terrible, c'est que tous ces gens-là se jalousaient, se détestaient, se querellaient en pleine table à propos de l'élection, croisant des regards noirs, serrant le manche de leurs couteaux (A. Daudet, Nabab, 1877, p. 239). C. − Fam. [Empl. comme intensif; avec valeur méliorative] Sensationnel, extraordinaire, propre à susciter l'admiration. Synon. admirable, épatant, formidable, merveilleux.Elle avait un goût terrible en toilette. Elle m'a choisi un jour, au Petit-Saint-Thomas, une robe bleue (...) bleu-étincelle, et c'était effrayant (A. France, Bergeret, 1901, p. 49).Et voyez quelle énergie! Comme ils trépignent sur ces vieilles machines rouillées[des bicyclettes] !... Madame Garensol prétend que c'est de l'excitation, un effet du climat marin. On dit que les filles du pays sont terribles (Chardonne, Dest. sent. III, 1936, p. 45). Rem. Ce sens était très cour. au xviies. dans la lang. des Précieuses. − Pas terrible, rien de terrible. Médiocre. Ce beaujolais, ce bouquin n'a rien de terrible. Moi: Salut, vous avez trouvé un bel endroit pour faire paître. Le chevrier: Il n'est pas terrible, mais il me suffit (Giono, Chron., Noé, 1947, p. 315).Quand une bande de pas-drôles parle de choses pas-marrantes dans une soirée pas-terrible, le résultat est sûrement pas-valable (Le Nouvel Observateur, 17 mai 1976, p. 32, col. 1). − Empl. adv., arg. des jeunes. Très bien, fam., formidablement. Ça chauffe terrible. [À propos d'une musique de danse rythmée et excitante] (Rob. 1985). Prononc. et Orth.: [tε
ʀibl̥], [te-]. Warn. 1968: parfois [tε
rri-] (par gémination expr.). Att. ds Ac. dep. 1694. Étymol. et Hist. 1. Ca 1160 « qui inspire la terreur » mostres terribles (Eneas, 2422 ds T.-L.); 1587 en parlant de pers. (Lanoue, Discours pol. et milit., Basle, Fr. Forest, p. 102: Lors ... qu'ils veulent malfaire, ils sont terribles); 1669 empl. subst. terme de théâtre « sentiment de terreur suscité par le genre tragique » exciter le terrible (La Fontaine, Amours de Psyché, I ds
Œuvres, éd. H. Régnier, t. 8, p. 117); 2. 1580 « qui est d'une intensité, d'une violence extrêmes » (Montaigne, Essais, I, 18, éd. P. Villey et V.-L. Saulnier, p. 75: elle engendre [la peur] de terribles esblouissemens); 3. 1588 « qui, à un très haut degré, possède un caractère particulier » (Id., ibid., III, IX, p. 988: C'est une parolle populaire [,,contentez vous du vostre``], mais elle a une terrible estandue); 4. empl. p. hyperb. en parlant d'une pers. a) 1672 péj. femme terrible (Molière, Femmes savantes, II, 9); b) 1690 laud. un terrible homme (Fur.); c) 1841 (Jouhaud et Barthelemy, Les Enfants terribles [titre] ds Quem. DDL t. 28). Empr. au lat.terribilis « effrayant, épouvantable », à basse époque « vénérable » (vies., Code de Justinien). Fréq. abs. littér.: 9 725. Fréq. rel. littér.: xixes.: a) 13 151, b) 17 250; xxes.: a) 16 885, b) 10 737. Bbg. Quem. DDL t. 37. |