| TERRAIN, subst. masc. A. − Espace plus ou moins étendu de la surface du sol. Nous courons à toute vitesse à travers les polders, c'est-à-dire à travers les terrains conquis sur l'océan (Du Camp, Hollande, 1859, p. 2): 1. ... persuadez-vous bien que ce que vous appelez un terrain (c'est-à-dire un cube de terre et de pierre, ayant une de ses faces à la superficie de notre globe), est une masse de matière tout comme une autre, à la différence près qu'elle ne saurait changer de place en totalité. Cette différence, il est vrai, fait que comme propriété, c'est la plus difficile de toutes à conserver et à défendre...
Destutt de Tr., Comment. sur Espr. des lois, 1807, p. 289. 1. [Cet espace considéré du point de vue de son aspect, de sa nature] a) [de son relief, de sa forme] Après avoir traversé (...) cette plaine jaunâtre et rocailleuse, mais fertile, nous voyons le terrain s'affaisser tout à coup devant nos pas, et nous découvrons l'immense vallée du Jourdain (Lamart., Voy. Orient, t. 1, 1835, p. 322).Dans la Limagne, sur un mouvement de terrain qu'on appelle une côte, on me fait distinguer le domaine de Donas-Vignas (Barrès, Cahiers, t. 7, 1908, p. 45). SYNT. Relief, configuration, disposition d'un terrain; accident, bosse, courbe, crête, creux, déclivité, dénivellement, dépression, élévation, épaulement, éminence, inclinaison, inflexion, irrégularité, ondulation, pente, pli, renflement, renfoncement, repli, vallonnement de/du terrain; terrain accidenté, bosselé, descendant, houleux, inégal, onduleux, plat, tourmenté, vallonné, montagneux; le terrain s'abaisse, s'affaisse, s'aplanit, dévale, descend, s'élève, s'enfonce, se hausse, ondule, surplombe; terrain rompu en terrasses, coupé de côteaux; aplanir, niveler un terrain. b) [de sa nature] − [de l'état de la surface] La pente est si rapide à cet endroit et le terrain si glissant qu'on ne pouvait y descendre sans danger (Delécluze, Journal, 1824, p. 56).Avec quelle joie je saluai (...) les premiers paysans bruns parlant patois, le commencement des terrains couleur de sanguine et des genévriers de montagne (Loti, Rom. enf., 1890, p. 263). SYNT. Terrain compressible, dur, ferme, friable, mou, mouvant, solide, perméable, imperméable, boueux, détrempé, fangeux, humide, desséché, défoncé, miné par les eaux, marécageux, impraticable, inondé, glissant, poudreux; terrain blanchâtre, gris, jaune, jaunâtre; fermeté, perméabilité, porosité, résistivité d'un terrain; drainer un terrain. − En partic. [des roches qui le composent] Terrain caillouteux, pierreux, rocailleux, sablonneux, calcaire, crayeux, granitique, limoneux, marneux, schisteux; terrain d'alluvions. Avant d'arriver à Qadmous, on trouve pendant une demi-heure encore des terrains constitués par des laves, des trachytes (Barrès, Cahiers, t. 11, 1914, p. 7).Pléchéous est dominé par des terrains argileux aux lignes molles et ventrues (Abellio, Pacifiques, 1946, p. 218). ♦ AGRIC. Terrain gras, lourd, froid. Terrain argileux. Il faudrait toujours six bœufs pour retourner un terrain lourd (Alain, Propos, 1934, p. 1204).Terrain maigre, chaud. Terrain généralement calcaire. Les terrains chauds sont généralement secs et légers, de nature soit siliceuse, soit calcaire (Carrière, Encyclop. hortic., 1862, p. 98).Le cep aime le terrain maigre, graveleux et avare. Le fumer et l'alourdir est une erreur (Pesquidoux, Chez nous, 1921, p. 58). ♦ HIPP. [Selon l'humidité du terrain] Terrain sec, léger, souple, collant, lourd (GDEL). − [de sa fertilité, de la végétation qui le couvre] Terrain aride, désolé, dénudé, pelé, ingrat, pauvre, calciné, brûlé; terrain boisé, buissonneux, herbu; terrain de broussailles. Dans les terrains fertiles, dont la température est douce, les sens épanouis par une nature riante (...) sont toujours ouverts aux impressions agréables (Cabanis, Rapp. phys. et mor., t. 2, 1808, p. 211).On avait quitté la grand'route pour couper à travers des terrains incultes, des landes sablonneuses plantées de petits bois de pins (Zola, Débâcle, 1892, p. 79). c) GÉOL. Ensemble des roches qui composent un sol, considérées du point de vue de leur âge, de leur formation, de leur structure, de leurs constituants. Les environs de Falaise, comme tous les terrains jurassiques, devaient abonder en débris d'animaux (Flaub., Bouvard, t. 1, 1880, p. 84).Une portion considérable de l'histoire de la vie nous est dérobée par la métamorphisation presque complète des terrains primitifs (J. Rostand, La Vie et ses probl., 1939, p. 162). SYNT. Étude, observation d'un terrain; coupe de terrain; terrain plissé, stratifié; terrain glaciaire, volcanique, pélagique, sédimentaire; terrain antécambrien, primaire, secondaire, tertiaire, quaternaire; terrain dévonien, permien, carbonifère, crétacé; affaissement, déformation, déplacement, glissement, plissement, tassement de/d'un terrain; érosion d'un terrain. − [À propos du sol d'autres corps célestes] Il est regrettable qu'on ne puisse pas analyser d'ici la composition chimique des terrains lunaires (Flammarion, Astron. pop., 1880, p. 192). − P. métaph. Des souvenirs enfouis, stratifiés dans les terrains profonds de la vie, réapparaissaient brusquement (Druon, Gdes fam., t. 1, 1948, p. 42). d) Locutions − Loc. verb. ♦ Avoir (ou verbes du même parad.) le sens du terrain. Savoir en discerner rapidement les particularités pour en tirer parti, avancer aisément. Il possédait à l'aigu le sens du terrain, ce coup d'œil jeté dans l'espace, qui est le propre du cavalier (Pesquidoux, Livre raison, 1925, p. 218).Il faut avoir recours à l'invention de procédés spéciaux, quand il s'agit de fouilles dans le boyau d'une caverne, dans le fond d'un lac ou de la mer, dans les tourbes d'un marécage. Qu'il faille du doigté, un œil exercé, de l'habileté manuelle, le sens du terrain (...), cela va de soi (L'Hist. et ses méth., 1961, p. 267). ♦ Dévorer le terrain. Aller très vite. Nous allions un train d'enfer, nous dévorions le terrain, et les vagues silhouettes des objets s'envolaient à droite et à gauche avec une rapidité fantasmagorique (Gautier, Tra los montes, 1843, p. 57). ♦ Tâter le terrain. S'assurer de la fermeté du sol pour avancer. C'était de vastes plaines grasses, des lieues couvertes d'une végétation drue, bleuies de loin en loin du miroir clair d'un petit lac. Alors, l'homme (...) n'avançait plus qu'en tâtant le terrain, ayant failli mourir, enseveli sous une de ces plaines riantes qu'il entendait craquer à chaque pas (Zola, Ventre Paris, 1873, p. 692).Au fig. Infra B 1. − Loc. adj. Tout(-)terrain, tous terrains ♦ [En parlant d'un véhicule, d'un pneu] Qui est conçu pour rouler sur n'importe quel terrain accidenté, meuble, détrempé. Véhicule tous terrains; vélo tout terrain (abrév. V.T.T.). En privilégiant tour à tour tenue de route, confort ou longévité, on a diversifié les modèles. Pneu neige, pneu tout-terrain (L'Express, 20 juin 1977, p. 93, col. 2).Une nouvelle moto tout-terrain de marque Yamaha (Le Point, 5 sept. 1977, p. 5, col. 3).[P. méton.] Bernard et Claude Marreau, deux frères bien connus des « routards », organisent des stages de mécanique et de conduite tout-terrain (Le Point, 5 sept. 1977, p. 22, col. 4).Empl. subst. masc. ou fém. Type de véhicule ainsi conçu. Partez sur les pistes de l'aventure avec une tout terrain (Le Point, 14 juin 1976, p. 51, col. 1).Mais qu'est donc au juste (...) ce P4 qui s'arroge l'immense honneur de se substituer à la Jeep? (...) C'est un tout-terrain apparemment bien semblable à l'ancêtre (Le Point, 2 mars 1981, p. 104, col. 2).[À valeur de coll.] Au masc. Activité, sport qui se pratique avec ce véhicule. Dans l'équipe BMW-Le Point, chaque pilote a son mécano. Celui d'Auriol, Helmut Pohl, 32 ans, titulaire d'une licence internationale pour le tout-terrain, est une sorte de docteur ès motos (Le Point, 19 janv. 1981, p. 78, col. 3). ♦ P. anal. Qui convient à n'importe quel lieu, à des circonstances variées. Chaussures, matériel tout-terrain. Vêtement tout-terrain par excellence, le survêtement change de couleur en quittant le stade (L'Express, 15 août 1977, p. 74, col. 3).[En parlant d'un animé] Une seule blessure est à redouter pour cet animal tout-terrain; une déchirure au pis. Que l'infection s'y mette et la chèvre est bonne « pour la casse » (Le Sauvage, 1eroct. 1976, p. 83, col. 2). 54 patrouilles de trois cavaliers (...) sillonnent pendant trois à quatre heures d'affilée les trois secteurs de ces bois [de Boulogne et de Vincennes]. Silencieux, rapides et tout terrain, ces équipages sont chargés entre autres de débusquer l'exhibitionniste, de surprendre le voleur à la roulotte (Le Point, 31 mars 1980, p. 85, col. 1).Au fig. Qui convient à, qui est adapté à des activités, des nécessités, des situations multiples et variées; qui connaît tous les domaines. Grande causeuse, journaliste tout terrain, souvent appelée d'urgence sur les hauts lieux de l'histoire (Elle, 14 juin 1976, p. 4, col. 1).Des films chers, coûtant entre 8 et 10 millions de dollars, visant à la réussite tout terrain (Le Point, 19 sept. 1977, p. 138, col. 3). 2. [Cet espace considéré par rapport à sa destination, aux activités qu'on y exerce] a)
α) Au sing. Lieu où se déroulent des opérations militaires. Synon. champ de bataille (v. champ1).Deux généraux qui, la veille d'une bataille, évaluent toutes les chances, examinent le terrain (Balzac, Honorine, 1843, p. 372).Compte tenu de l'inexpérience d'une grande partie des troupes anglo-saxonnes et de l'avantage que donnera à l'ennemi l'organisation préalable du terrain, il faudra disposer, au départ, d'au moins 50 divisions (De Gaulle, Mém. guerre, 1956, p. 8). SYNT. Attaquer en terrain libre; traverser n mètres de terrain découvert; opérer sur un terrain difficile; organiser le terrain occupé; aménager le terrain en vue de la défense; déplacer le terrain d'attaque; avoir l'avantage du terrain; abandonner le terrain; céder, perdre du terrain; reperdre le terrain conquis/gagné; s'accrocher au terrain; ne pas céder un pouce de terrain; défendre le terrain pied à pied; conquérir, reconquérir, tenir le terrain; gagner du terrain; regagner le terrain perdu; occuper le terrain; le feu balaye le terrain; une mitrailleuse bat le terrain; terrain couvert de morts; n morts restent, demeurent sur le terrain. ♦ Nettoyer le terrain. Éliminer l'ennemi. Ils disent que le Boche s'est déchaîné sur Verdun (...) qu'il a cru tout casser, tout briser, tout tuer et s'avancer l'arme à la bretelle sur un terrain nettoyé, qu'il a trouvé à qui parler au lieu des morts qu'il pensait fouler (Bordeaux, Fort de Vaux, 1916, p. 34). ♦ Ratisser le terrain. Le fouiller méthodiquement pour chasser ou capturer les ennemis ou pour rechercher quelqu'un. Ils tendent entre deux postes un rideau de rabatteurs et « ratissent » le terrain, silencieusement (Dorgelès, La Drôle de guerre, 1957ds Rob., s.v. ratisser). ♦ Reconnaître le terrain. Vérifier la présence de l'ennemi, prendre connaissance de ses positions. Quand on va charger, chacun peut se dire: « Cette fois, j'y reste! » Cela dura bien cinq ou six minutes, on racontait que le général Margueritte était allé en avant, pour reconnaître le terrain. On attendait (Zola, Débâcle, 1892, p. 319). ♦ Être/rester maître, avoir la maîtrise du terrain. Avoir repoussé l'ennemi. Les maquisards sont les maîtres du terrain dans les Alpes, l'Ain, la Drôme, l'Ardèche, le Cantal, le Puy-de-Dôme, ce qui ne peut qu'accélérer la progression des généraux Patch et de Lattre (De Gaulle, Mém. guerre, 1956, p. 316).P. anal. Déjà M. Rezeau regrettait ses cris (...). Il battit en retraite, tels ces généraux vainqueurs qui ne savent exploiter un succès provisoire. Restée maîtresse du terrain, Folcoche eut le soin de ne pas se venger trop vite (H. Bazin, Vipère, 1948, p. 70). − P. anal. ♦ Être en terrain conquis. Ne rencontrer aucune résistance. Cette idéologie n'a pas rencontré en Russie une pensée déjà constituée, alors qu'en France elle a dû lutter et s'équilibrer avec le socialisme libertaire. En Russie, elle était en terrain conquis (Camus, Homme rév., 1951, p. 188). ♦ Se conduire comme en terrain conquis. ,,Considérer que tout est à soi, se conduire brutalement`` (Lexis 1975). ♦ [Dans une course, une compétition] Gagner*, perdre* du terrain. ♦ Disputer le terrain. L'abbé (...), bien appuyé par son frère le notaire, disputait vivement le terrain à la financière, et tentait de réserver le riche héritage à son neveu le président (Balzac, E. Grandet, 1834, p. 22).
β) Espace servant aux exercices. Terrain militaire; terrain d'exercices, de manœuvres. En raison des difficultés de l'exécution des tirs en plein champ et de l'impossibilité, aux manœuvres, de pénétrer dans des propriétés privées, les troupes avaient besoin de vastes terrains aménagés spécialement (Joffre, Mém., t. 1, 1931, p. 49).P. métaph. La critique trouve une grande satisfaction à voir la littérature s'avancer par escouades sur le terrain de manœuvres, et la tirer d'incertitude par des manifestes explicatifs et des commentaires didactiques (Thibaudet, Réflex. litt., 1936, p. 139).
γ) Lieu où se déroulait un duel. − Croyez-vous qu'il soit des cas où un homme insulté puisse faire autrement qu'aller sur le terrain? Armand tressaillit. − Un duel! fit-il (Ponson du Terr., Rocambole, t. 3, 1859, p. 373).Olivier (...) déclarait à voix haute que, si Dhurmer ne se trouvait pas satisfait, il était prêt à le gifler encore; et, résolu à mener l'autre sur le terrain, demandait à Bernard et à Bercail de bien vouloir lui servir de témoins (Gide, Faux-monn., 1925, p. 1174). b) Espace délimité utilisé à diverses fins, aménagé pour certaines activités. Terrain de promenade; terrain d'épandage. Ces terrains de décharge hors des grandes villes, où chaque matin l'on repousse tout ce que le jour précédent a amassé d'épluchures et de détritus (Claudel, Poète regarde Croix, 1938, p. 53). ♦ Terrain (d'aviation, d'atterrissage). Espace découvert, plan réservé au décollage, à l'atterrissage, au stationnement des avions. Rivière, responsable du réseau entier, se promenait de long en large sur le terrain d'atterrissage de Buenos-Aires. (...) jusqu'à l'arrivée des trois avions, cette journée, pour lui, restait redoutable (Saint-Exup., Vol nuit, 1931, p. 85).L'hôtel de Hyères-Plage, que n'avait pas encore rendu inhabitable la proximité immédiate d'un terrain d'aviation, avec ce qu'il comportait de départs et d'arrivées à toute heure de jour et de nuit (Gide, Ainsi soit-il, 1951, p. 1237).Terrain de fortune. Terrain non prévu pour cet usage. Un monomoteur léger, partant d'une base anglaise, se posait après deux heures de vol sur un terrain de fortune au centre de la France (De Gaulle, Mém. guerre, 1956, p. 167).Prise de terrain. ,,Ensemble des manœuvres à effectuer par un avion avant de se poser sur la piste`` (GDEL). ♦ Terrain de camping. Espace équipé pour recevoir des campeurs. Le classement des terrains de camping aménagés en diverses catégories sera établi par le préfet de chaque département (Jocard, Tour. et action État, 1966, p. 153). ♦ Terrain de chasse Espace qu'un animal parcourt pour chercher ses proies. Depuis longtemps elle [la taupe] explorait en vain les longs corridors de son terrain de chasse pour n'y rencontrer que trop rarement la proie convoitée et facile: insecte ou ver dévoré sur place (Pergaud, De Goupil, 1910, p. 77).Étendue de terres réservée à la chasse à certaines périodes. Il y a des terrains de chasse plus favorables suivant les saisons; il y a des sites privilégiés de pêcherie (Vidal de La Bl., Princ. géogr. hum., 1921, p. 277).P. anal. Lieu où l'on recherche quelque chose. Les boutiques des brocanteurs (...) deviennent (...) mes terrains de chasse (Arnoux, Double chance, 1958, p. 31). ♦ Terrain de jeux. Espace aménagé pour que les enfants puissent y jouer. Un terrain de jeux bien aménagé suppose la présence d'un surveillant. Ce dernier se gardera cependant d'interdire les jeux sportifs et les luttes entre les enfants (Becquet, Organ. loisirs travaill., 1939, p. 82). ♦ Terrain d'aventure(s). Espace clos où les enfants à qui l'on fournit des matériaux jouent, construisent, jardinent sous la surveillance d'un animateur. Point de parents heureux sans enfants comblés; ces derniers se voient donc promettre un terrain d'aventure et un véritable village miniature pour « jouer, découvrir et inventer » [au Bourgenay en Vendée] (Le Monde loisirs, 6 juill. 1985, p. XVI, col. 6). ♦ Terrain (de sport). Espace délimité, aménagé pour la pratique des sports. Terrain de golf, de basket-ball, de volley-ball, de rugby. C'est sous les gradins du terrain de football de l'Université que se monte dans le plus grand secret l'édifice à base de graphite et d'uranium auquel Fermi va donner le nom de pile atomique (Goldschmidt, Avent. atom., 1962, p. 36).Milieu* de terrain. ,,Se dit des deux ou trois demis qui font la liaison entre les arrières et les avants`` (Petiot 1982). ♦ ÉQUIT. Piste qu'on fait suivre à un cheval pour l'entraîner. [En parlant d'un cheval] Couvrir du terrain. ,,Avoir des allures très étendues`` (GDEL). − Au fig. Le terrain. Les activités concrètes. Avoir l'expérience du terrain; problème, organisation du terrain. Les électeurs (...) veulent un pasteur, un homme du terrain qui ait une expérience pratique du contact avec les hommes dans un diocèse. Cela éliminerait deux cardinaux qui semblaient papabili en août: Mgr Paolo Bertoli, dont l'expérience est surtout diplomatique, et Mgr Pericle Felici, grand juriste (L'Express, 7oct. 1978, p. 142, col. 1).Dans bien des sociétés (...), le parcours obligatoire des futurs managers passe par la rude école de la vente (...). L'épreuve du « terrain » sélectionne alors les futurs responsables − qualités humaines et sens du contact de rigueur (L'Express, 29 mai 1981, p. 86, col. 2). c) Locutions − Sur le terrain. Sur les lieux que l'on étudie, où se situe ce que l'on étudie, où se situe l'action; au contact des problèmes concrets, des réalités (par opposition au laboratoire, au bureau). Enquête, étude, inspection sur le terrain; poste de direction sur le terrain. Les enquêteurs sur le terrain (...) sont toujours exposés à confondre les théories des indigènes sur leur organisation sociale (...) et le fonctionnement réel de la société (Lévi-Strauss, Anthropol. struct., 1958, p. 144).La Grande-Bretagne de son côté complète ces cours théoriques [de langues] par des stages sur le terrain, notamment au Liban, au Japon et à Hong-Kong (Chazelle, Diplom., 1962, p. 106). − Loc. adj. De terrain ♦ [En parlant d'une science, d'un emploi] Qui se fait, qui met en contact avec la réalité concrète. Géologie, activité de terrain. La botanique de terrain, conçue non plus comme agrément, mais en tant que science de base, tant pour la biologie que pour l'ethnologie ou l'économie (Hist. gén. sc., t. 3, vol. 2, 1964, p. 770).[Un inspecteur des ventes] conçoit et applique une politique commerciale dynamique, anime le réseau de distribution, assure personnellement les contacts avec les caves coopératives et les grossistes spécialisés. Ce poste de terrain implique des déplacements permanents (L'Express, 6 sept. 1980, p. 155, col. 2). ♦ [En parlant d'une pers.] Qui se rend sur place, pour étudier, travailler, qui est en contact avec la réalité concrète (par opposition à l'homme d'étude, au théoricien). Les ornithologistes de terrain conçurent les premiers la notion de territoire (Hist. gén. sc., t. 3, vol. 2, 1964, p. 695).Le candidat devra être à la fois un homme de terrain pour réaliser des missions de recrutement, de formation et d'animation des forces de vente, ainsi que de réflexion pour formaliser la politique commerciale en terme de marché, produits et publicité (L'Express, 28 juill. 1979, p. 67, col. 2). d) P. ext. Tout lieu. Elle examina le terrain en s'asseyant, et se trouva dans une de ces soirées choisies, peu nombreuses, où les femmes peuvent se toiser (Balzac, Employés, 1837, p. 209).Des chaises que le garçon va entasser sur les tables autour de l'estrade pour préparer le terrain au balayeur (Anouilh, Sauv., 1938, i, p. 160). ♦ Concurrencer qqn sur son propre terrain. Concurrencer quelqu'un là où il est établi. Les pays gros consommateurs de bière (...) sont eux-mêmes équipés pour la fabrication et il est très dur de les concurrencer sur leur propre terrain (Industr. fr. brass., 1955, p. 25). ♦ Terrain neutre. Lieu où des adversaires oublient leurs conflits. Je n'aurais pas quatre chats, si je choisissais mes invités dans un parti! Puis nous aimons l'esprit partout où il se trouve (...) Mon salon est un terrain neutre; retenez bien cela, Mouret; oui, un terrain neutre, c'est le mot propre (Zola, Conquête Plassans, 1874, p. 939).Ces galeries mènent à un rond-point, où les Lords rencontrent les Communes: cet utile terrain neutre entre la Chambre haute et la Chambre basse est malheureusement inconnu en France (Morand, Londres, 1933, p. 226). 3. a) Espace de terre considéré comme un bien. Acheter, vendre un/du terrain, un morceau de terrain; cherté, hausse (du prix) du terrain; un terrain prend de la plus-value; spéculer sur les terrains; terrain borné, cadastré; terrain à bâtir, non-bâti, constructible; lotir un terrain; terrain privé, communal. Il achète des terrains nus sous son nom, puis il y fait bâtir des maisons par des hommes de paille (Balzac, Goriot, 1835, p. 254): 2. − (...) Ce terrain enclavé, les cultivateurs voisins, qui l'emploient comme dépotoir, l'abordent par leur terre; mais il n'y a pas de servitude sur eux. − Mon garçon, c'est du terrain à bâtir... Et puis, il n'y a pas d'exemple qu'on ne puisse pas entrer chez soi. − (...) Ce terrain jouit en effet d'une servitude ancienne sur le fonds de M. Givry...
Duhamel, Terre promise, 1934, p. 140. − En partic. Concession dans un cimetière. En vous promenant dans cet élégant cimetière, vous verrez un terrain acheté à perpétuité, où s'élève une tombe de gazon (Balzac, Illus. perdues, 1839, p. 242). b) Étendue de terres destinées aux activités agricoles. Amender, défricher, fumer, labourer, nettoyer, sarcler, irriguer un terrain; planter un terrain en vignes, en blé; terrains agricoles; terrain cultivé, mis en prairie, planté d'arbres. À la fin du XVIesiècle, la région se composait de terrains maraîchers que la Seine recouvrait de limons pour peu qu'elle débordât (Fargue, Piéton Paris, 1939, p. 109).Ce système [l'assolement triennal] prévaut dans les terrains céréaliers de l'Allemagne du Sud; il apparaît même sur les bordures des terrains plus pastoraux (Meynier, Paysages agraires, 1958, p. 150). ♦ Terrains de parcours Espaces utilisés par les peuples nomades. Il ne faut rejoindre la route de Timassao à Tombouctou (...) [que] vers l'oued Telemsi. Là, cessent les terrains de parcours des Touareg du Hoggar et commencent ceux des Touareg Aouelimiden (Benoit, Atlant., 1919, p. 287).Ensemble de parcelles sur lesquelles les troupeaux peuvent aller quand les récoltes sont enlevées. Ce texte (...) faisait obligation aux communes d'assainir et d'ensemencer ou planter en bois, à leurs frais, les terrains communaux soumis à parcours de bestiaux, et prévoyait la vente ou la location de parcelles ainsi assainies et susceptibles d'être mises en culture (Forêt fr., 1955, p. 32). ♦ Terrain vague. Espace non bâti, non cultivé. Je découvrais [de la fenêtre] le jardin que fermait une muraille, puis un grand terrain vague déprimé par une fondrière où l'on venait, de loin, jeter des ordures et des plâtras, puis des champs cultivés (Duhamel, Terre promise, 1934, p. 133). B. − P. métaph. ou au fig. 1. [P. réf. au terrain en tant que lieu, support] Plan où on se situe, où on situe quelque chose, domaine d'une activité, sujet d'une étude, d'une réflexion, d'une conversation. − Terrain + adj. exprimant une qualité, une particularité.Terrain dangereux, miné. La physiologie n'est pas une science exactement définie (...). En un mot, c'est un terrain mouvant, sur lequel plusieurs sciences se disputent et sur lequel on ne sait jamais si l'on tient la vérité ou l'erreur (Cl. Bernard, Princ. méd. exp., 1878, p. 92).Je doutais que Sacha Guitry, Flers et Caillavet, Capus, Tristan Bernard fussent (...) nocifs. Je me risquai en terrain interdit. Je m'enhardis jusqu'à aborder Bernstein, Bataille (Beauvoir, Mém. j. fille, 1958, p. 111). ♦ Terrain brûlant. Sujet qui soulève les passions, qu'il faut aborder avec prudence. − (...) Qui nous dit que le régime qui suivra celui-ci confirmera les engagements de son prédécesseur? − C'est l'évidence, voyons, c'est l'évidence! reprit vivement l'orateur. On sentait qu'il avait hâte de quitter un terrain si brûlant et préférait passer sur l'insolence plutôt que de paraître la comprendre (Ambrière, Gdes vac., 1946, p. 292). ♦ Terrain glissant. Affaire, situation délicate dans laquelle on risque de commettre des impairs. V. glissant II B ex. de Goncourt et de Dorgelès. ♦ Terrain neutre. Sujet qui ne risque pas de déchaîner les passions. On causa beaucoup philosophie, terrain neutre en comparaison de celui de la politique (Sand, Hist. vie, t. 4, 1855, p. 421). − Terrain + subst. évoquant une action.Terrain d'étude, d'expérience, de recherches. L'épiphénoménisme, doctrine absurde et démodée, mais qui constitue encore un bon terrain d'exercice pour la philosophie (Ruyer, Esq. philos. struct., 1930, p. 165).[L'Action Française] se trouvait ainsi privée du support qu'avaient constitué pour elle (...) la méfiance, le dédain de la grosse bourgeoisie, du Capital et de l'Église pour une République impie, fille de la défaite et de la Révolution. L'A.F. devait ou bien périr ou bien se trouver sans retard un terrain d'opérations nouveau (J.-R. Bloch, Dest. du S., 1931, p. 25).Terrain d'entente*. − Terrain + déterm. désignant un domaine, le plan où se situe, où l'on situe quelque chose. ♦ Terrain + subst.Terrain des faits, des idées, de l'expérience, de la réalité, du bon sens, du droit, du juste, de la plaisanterie, des affaires, de la politique, de la physique, de la métaphysique. La difficulté commençait, lorsqu'il s'agissait, en présence de ces faits multiples (...), de formuler la théorie qui les expliquât tous. Là, il se sentait sur ce terrain mouvant de l'hypothèse, que chaque nouvelle découverte transforme (Zola, Dr Pascal, 1893, p. 38).L'Américaine aux cheveux roses se refusait en effet, sur le terrain de la doctrine, à admettre la confession secrète. Elle prônait la confession publique (Peyré, Matterhorn, 1939, p. 177). ♦ Terrain + adj.Terrain doctrinal, diplomatique, financier, industriel, historique, légal, mystique, moral, philosophique. J'entendis une voix qui (...) dit: « Je ne suivrai pas M. de Vigny sur ce terrain catholique, je ne suis pas théologien comme lui (...) » (Vigny, Journal poète, 1860, p. 1352).Le socialisme français se préparait donc à porter la lutte sur le terrain parlementaire (Martin du G., Thib., Été 14, 1936, p. 429). − Loc. verb. ♦ Déblayer* le terrain. ♦ Étudier, reconnaître, sonder, tâter le terrain. Essayer de se faire une idée d'une situation, de l'état d'esprit d'une personne avant d'agir. Au premier abord, le barreau ne me déplut pas. J'aimais l'éloquence (...). Afin de reconnaître le terrain, j'allai avec Fontanet à la Faculté de droit (A. France, Vie fleur, 1922, p. 432).M. de Charlus ne pensait plus au but de sa phrase, qui était de tâter le terrain pour savoir si, comme il le désirait, Morel consentirait à venir avec lui à Paris (Proust, Sodome, 1922, p. 1073).V. sonder I B 1 ex. de Stendhal. ♦ Miner le terrain. Travailler (en secret) à rendre peu sûre la situation de quelqu'un. Mon adversaire jouissait dans l'arrondissement de l'estime générale; seulement, il avait le tort de s'endormir sur l'oreiller de ses succès antérieurs. Il fallait profiter de ce sommeil, miner sourdement le terrain sur lequel le député de l'opposition se croyait solidement assis (Reybaud, J. Paturot, 1842, p. 320). ♦ Préparer le terrain. Préparer les choses, les esprits pour atteindre le but qu'on s'est fixé. Il faut que je traite d'abord de la notion de l'exercice en littérature. Le terrain est préparé par le paragraphe déjà rédigé qui immédiatement précède (Du Bos, Journal, 1927, p. 329).J'avais d'abord songé à préparer le terrain par quelques manœuvres d'approche. Mais je me suis décidé pour la lettre unique. Telle que je crois la connaître, préférable avec elle d'aborder les questions de front (Martin du G., Thib., Épil., 1940, p. 935). 2. [P. réf. au sol en tant qu'il porte la végétation] a) Ce qui favorise ou non la naissance, le développement de quelque chose. La galanterie, cette fleur volcanique et musquée pour qui le cerveau bouillonnant des poëtes est un terrain de prédilection (Baudel., Hist. extr., 1856, p. xxiv).La jeunesse, et particulièrement la jeunesse bourgeoise, est un terrain d'ensemencement incomparable pour la propagande chauvine (Martin du G., Thib., Été 14, 1936, p. 139): 3. ... M. Gide aboutit en fin de compte, à une doctrine singulière, malaisément définissable, où la greffe orientale fleurissant sur un terrain protestant et germanisé, fait éclore ce bizarre produit de manichéisme et de gnosticisme, qu'il nous présente comme la véritable doctrine évangélique.
Massis, Jugements, 1924, p. 64. b) MÉD. Ensemble de facteurs constitutionnels ou acquis qui, dans un organe, un individu, un groupe, peuvent favoriser l'apparition, le développement d'une maladie. Terrain hystérique, nerveux, névrosé; terrain allergique. La phtisie n'est pas héréditaire, mais (...) les parents phtisiques lèguent seulement un terrain dégénéré, dans lequel la maladie se développe, à la moindre contagion (Zola, Dr Pascal, 1893, p. 48).Aujourd'hui, psychiatres et neurologues reconnaissent volontiers que la navette entre le corps et l'esprit est incessante, qu'il y a un rapport certain entre la cause extérieure et la « qualité du terrain »: tout le monde ne tombe pas en dépression parce qu'il ne s'entend pas avec son chef de service (Le Point, 5 mars 1979, p. 79, col. 3). Prononc. et Orth.: [tε
ʀ
ε
̃]. Att. ds Ac. dep. 1694; 1694-1740: terrein; 1778: terrain; 1798-1878: terrain ou terrein; 1935: terrain. V. aussi Littré: terrain: ,,Voy. terrein, orthographe meilleure, le mot venant de terrenus``. Étymol. et Hist. 1. 1155 terrein « terre ferme » (ici opposé à « sable du rivage de la mer ») (Wace, Brut, éd I. Arnold, 13109), supplanté par terre*; 2. 1155 terrain « lieu où se déroule un combat » (Id., ibid., 1108); 1646 prendre, gagner du terrein (sur un adversaire au combat) (Ablanc[ourt], Ar[rien] Guerres d'Alexandre, 1. C 5 ds Rich. 1680); 1846 aller sur le terrain (pour un duel) (Besch.); p. ext. 3. 1671 fig. « conditions particulières dans lesquelles se déroule une activité » (Sorel, De la connoissance des Bons livres, Paris, André Pralard, 408, v. Brunot t. 4, p. 584); 1676 conoistre le terrain (Benserade, Métamorphoses, p. 113); 4. 1671 terrein « nature du sol à un endroit donné » (Pomey); 5. 1678 terrain « espace aménagé pour une activité particulière » (Guillet 1repart.: Terrain est l'espace du Manege par où le Cheval marque sa piste); 1901 jeux de ballon (L'Auto-Vélo, 11, 2 ds Petiot); 1918 aéronaut. terrain d'atterrissage (H. Bordeaux, Le Chevalier de l'air. Vie héroïque de Guynemer, chant I, II, p. 48 ds Quem. DDL t. 16); 1935 terrain de jeu (pour un alpiniste) (Sir Leslie Stephen. Traduction et introduction de C. E. Engel. Cité in La Montagne, numéro 271, juill., p. 273, ibid. t. 27); 6. 1828 géognosie (Lav.); 1835 géol. (Ac.). D'un lat. pop. *terranum issu par substitution de suff. de terrenum « sol », spéc. « sol cultivable » neutre subst. de l'adj. terrenus « relatif à la terre », « relatif au sol », « de la nature de la terre (p. oppos. aux pierres) », dér. de terra « terre »; la forme terrein encore mentionnée ds Littré a été longtemps maintenue d'apr. le lat. Fréq. abs. littér.: 4 248. Fréq. rel. littér.: xixes.: a) 4 679, b) 6 136; xxes.: a) 5 442, b) 7 513. Bbg. Quem. DDL t. 16, 27, 37, 40. |