| * Dans l'article "TATOUER,, verbe trans." TATOUER, verbe trans. A. − Marquer, orner une personne (son corps, une partie de son corps) de figures, inscriptions ou dessins indélébiles en introduisant des matières colorantes sous la peau au moyen d'une aiguille. Tatouer les lèvres, la poitrine; aiguille à tatouer. Il fabriqua de grossiers jouets d'enfant, se fit tatouer les pectoraux et apprit l'argot et le Code pénal (Coppée, Contes en prose, 1882, p. 286).Ainsi que les sauvages actuels, l'homme portait des amulettes, des sortes de gris-gris, et s'il peignait son corps, s'il le tatouait même, c'était afin d'être plus beau lors des cérémonies magiques et des danses sacrées (S. Blanc, Init. préhist., 1932, p. 46). − P. métaph. Vous, innocent, qui jouez, allez et venez [dans le mal], et qui ne voyez pas une des mille piqûres d'épingle par lesquelles on a tatoué l'amour-propre de votre femme (Balzac, Ptes mis., 1846, p. 32). − Empl. pronom. Réfl. En l'absence d'annales du pithécanthrope, nous ne pouvons pas remonter au delà du sauvage qui se tatoue ou se passe glorieusement des piquants de porc-épic dans le nez pour différer du vulgaire (Clemenceau, Vers réparation, 1899, p. 42).Indir. [Les habitants de l'île de Pâque] ont l'usage de se peindre, de se tatouer la peau, et de se percer les oreilles (Voy. La Pérouse, t. 4, 1797, p. 9). − P. anal. Marquer la peau de cicatrices, de traces indélébiles. Il était bleu à cause d'un coup de mine qui lui avait éclaté en pleine figure et qui avait tatoué tout son visage (Giono, Eau vive, 1943, p. 342). − En partic. Faire une marque identificatrice à un animal. On tatoue les porcs à l'oreille, ainsi que les bovins à peau non pigmentée; on peut tatouer les chiens à la face interne de la cuisse (Villemin1975, s.v. tatouage). B. − Exécuter un dessin, tracer une inscription indélébile sur la peau au moyen de pigments. Tatouer en bleu, en rouge; tatouer une ancre, une devise. − C'est une jeune fille? − Tout ce qu'il y a de plus jeune fille. Depuis l'île Rimsky on arrache le lobe droit à celles qui ne sont plus vierges. A Salou, on tatoue une main ouverte sur la plante de leur pied. Mais allez tatouer une main sur ces pieds-là! (Giraudoux, Suzanne, 1921, p. 192).Un vilain tordu qui faisait peur à tout le monde depuis longtemps et que l'on avait surnommé ainsi parce que s'il allait pieds nus il marchait à chaque pas sur le visage de Jésus-Christ qu'il s'était fait tatouer sur les talons (Cendrars, Bourlinguer, 1948, p. 154). − Fréq. au part. passé ♦ Subst. (désignant une partie du corps) + tatoué de.Son ancien métier se lisait, d'ailleurs, sur tous ses membres tatoués de cabestans, d'ancres, de bouteilles en éruption et de cœurs enflammés (Cladel, Ompdrailles, 1879, p. 220).C'était une femme admirable, pesante, au grand front tatoué de bleu, qui portait un panier de linge sur la tête (Gide, Immor., 1902, p. 388).P. anal. Marqué de traces définitives ou temporaires. Il écartait sa chemise, étalant sa poitrine nue, sa chair velue et tatouée de charbon (Zola, Germinal, 1885, p. 1503).Il y a des échines maigres, efflanquées, piquetées de boutons et d'érosions, tatouées de vieilles cicatrices (Sem, Ronde nuit, 1923, p. 24). ♦ Tatoué sur + subst. (désignant une partie du corps).Madame Carlès, vous n'y songez pas!... moi, l'époux d'une femme jaune, qui a des soleils tatoués sur le front et sur la poitrine (Nerval, Voy. Orient, t. 2, 1851, p. 136).Il suffit de comparer les figures (...), pour voir que le dédoublement du front en deux lobes n'est que la projection, sur le plan plastique, du décor symétrique tatoué sur la peau (Lévi-Strauss, Anthropol. struct., 1958, p. 285). C. − BIOL. Pratiquer le marquage d'une cellule ou d'un ensemble de cellule par coloration. W. Vogt (1925) s'est inspiré de cette disposition et a réussi à tatouer des œufs de batraciens, mais sans en modifier la destinée (Hist. gén. sc., t. 3, vol. 2, 1964, p. 632). D. − P. anal., péj. Décorer quelque chose avec excès; salir, maculer quelque chose. Les bois de lit et les fissures des murailles sont tatoués des traces de ces insectes [de puces écrasées] ([Raspail],Réforme pénit.,1835,p. 1).Le paysan breton (...) ayant sur le dos une veste de cuir avec des arabesques de soie, inculte et brodé, tatouant ses habits, comme ses ancêtres les celtes avaient tatoué leurs visages (Hugo, Quatre-vingt-treize, 1874, p. 5). − Fréq. au part. passé. Sous leurs sarreaux bleus, tatoués de broderies rouges, les hommes portaient [des vestes de genre andalou] (Vidocq, Mém., t. 1, 1828-29, p. 102).Les habitués du bouge, assis sur des bancs, s'accoudaient sur des tables dont le bois tailladé d'estafilades, chamarré de noms gravés au couteau, tatoué de brûlures, était gras de sauces et de vins répandus (Gautier, Fracasse, 1863, p. 313). REM. Tatoué, -ée, part. passé,adj. et subst. a) Adj. [En parlant d'une pers., d'une partie de son corps] Qui est marqué de tatouage(s). Hercule, matelot tatoué; bras tatoué. J'entends que Buonaparte eût été fort bien apparié en épousant une de ces femmes cannibales que le capitaine Cook décrit dans ses voyages, nues, tatouées, un anneau dans les narines et dévorant avec délices des membres humains putréfiés (A. France, Bonnard, 1881, p. 398).Il y a là dedans des jeunes et des vieux, des béquillards, d'anciens soldats aux mains tatouées, qui ont vendu pour manger, leur Victoria Cross et leurs médailles de la guerre sud-africaine (Morand, Londres, 1933, p. 87).En partic. [En parlant d'un véhicule] Portant un numéro d'identification gravé, pour limiter les risques de vol. Vitres tatouées et sirènes d'alarme sont les deux protections les plus courantes pour empêcher le vol des voitures (Que choisir?janv. 1991, p. 28, col. 1).b) Subst. et adj. (Celui, celle) qui porte un, des tatouage(s). Espérons qu'ils ne lui feront pas trop peur: parmi les anars, il y a un tatoué spécialement réussi (Malraux, Espoir, 1937, p. 591).P. métaph. J'en conclus que nous sommes tous pareils dans notre métier: tous bagnards, tous tatoués (Sartre, Mots, 1964, p. 137).En compos. Mais on se résignait tout à la fois à la douleur et à la dépense « à cause du vif désir qu'ils avaient de porter les marques de la virilité (...) étalant ainsi leur supériorité sur les non-tatoués » (Lowie, Anthropol. cult., trad. par E. Métraux, 1936, p. 100).En partic., pop., subst. masc. Un dur, un caïd qui porte les marques d'appartenance au milieu. J'allai vers elle avec désinvolture, roulant un peu les épaules, (...) irrité, embarrassé par cette irruption inadmissible d'une mère dans l'univers viril ou je jouissais d'une réputation péniblement acquise de « dur », de « vrai » et de « tatoué » (R. Gary, La Promesse de l'aube, 1960, p. 15 ds Rob. 1985). Prononc. et Orth.: [tatwe], (il) tatoue [-tu]. Att. ds Ac. dep. 1798. Étymol. et Hist. 1. a) 1778 « marquer (une partie du corps, une personne) d'inscriptions ou de dessins au moyen de piqûres avec des matières colorantes » (Cook, Voy. dans l'Hémisph. Austr., II, 15 ds Bonn., p. 152); b) 1817 p. ext. et au fig. tatoué (de) « décoré, garni, bardé (de) » (Staël, Consid. Révol. fr., t. 2, p. 220); 2. 1778 pronom. (J. R. Forster, Observations faites pendant le second voyage de M. Cook in Cook, op. cit., V, 470 ds Höfler Anglic.); 3. 1801 « dessiner, inscrire (quelque chose) par tatouage » (Crèvecœur, Voyage, t. 1, p. 98). Empr. à l'angl.to tattoo att. dep. 1769 dans le récit du voyage de J. Cook (NED, s.v. tattoo, v2) et issu du polynésien ta tau « tatouage », terme mentionné à propos de Tahiti dans le récit de J. Cook (tat-tow en 1772 dans la trad. fr., p. 68 ds Bonn. et Höfler Anglic.) et dans celui du voyage de Bougainville (NED, s.v. tattoo, sb2; König, p. 201). Fréq. abs. littér.: 138. DÉR. Tatoueur, -euse, subst.Personne qui pratique l'art du tatouage. L'os aigu d'albatros, qui sert aux tatoueurs maoris, avait, en lignes serrées et profondes, sillonné cinq fois son visage (Verne, Enf. cap. Grant, t. 3, 1868, p. 103).Puis là où les tatoueurs s'obstinent à croire qu'est le cœur, juste au milieu du ventre, un cœur grandeur nature avec une flèche (Giraudoux, Suzanne, 1921, p. 150).− [tatwœ:ʀ], fém. [-ø:z]. − 1reattest. 1797-98 (Claret-Fleury, Voy. d'Etienne Marchand, I, 110, an VI ds Bonn., p. 152); de tatouer, suff. -eur2*. BBG. − Quem. DDL t. 22. |