| TANDIS (QUE), adv., prép. et loc. conj. [Morph. de temps ou d'oppos.] I. − Adv. et prép., vx. Tandis A. − Adv. Pendant ce temps. On le cherchait de tous côtés, tandis il dormoit paisiblement (Ac.1798).Faites cela et tandis, je me reposerai (Ac. Compl.1842). B. − Prép. Pendant, durant. Je vais bonnir avec lui (...). Tandis ce temps là tu Feras la détourne à l'extérieur (Ansiaume, Arg. bagne Brest, 1821, f. 8 ro,142). II. − Loc. conj. Tandis que A. − [Introd. une sub. circ. de temps] 1. Vx ou littér. [Marque la simultanéité des procès de la princ. et de la sub. en indiquant que les intervalles où ils sont vérifiés coïncident de bout en bout] Aussi longtemps que, tant que. Tandis que tu vivras, souviens-toi de bien vivre (Delille, Paradis perdu, t. 3, 1804, p. 271).C'étoit un droit acquis dont on ne sentoit pas le prix tandis qu'on le possédoit, mais dont on a connu la valeur aussitôt qu'on l'a perdu (Chateaubr., Opin. sur lib. presse, 1818, p. 46). 2. [Marque la simultanéité des procès de la princ. et de la sub. en indiquant que l'intervalle où est vérifié le procès subordonné est inclus dans celui de la princ.] Pendant que, alors que. Mais tandis qu'elle me veillait endormi, un ange, qui descendait les ailes frémissantes du temps étoilé, posa un pied sur la rampe du gothique balcon et heurta de sa palme d'argent, aux vitraux peints de la haute fenêtre (Bertrand, Gaspard, 1841, p. 206).C'était toujours le même vieux silence dans le bureau de Robert tandis qu'il écrivait (Beauvoir, Mandarins, 1954, p. 160). Rem. Le verbe princ. peut être le verbe dire (ou un synon.) en incise: − Bonjour, monsieur, dit l'aînée. − Bonjour, petite, qu'as-tu donc à rire comme cela? − Ah! c'est ma petite sœur! monsieur, si vous saviez comme elle est drôle, ma petite sœur! Tandis que la cadette, gamine de cinq ou six ans, gambadait, espiègle, courait tremper ses pieds dans l'eau, sous les saules (Châteaubriant, Lourdines, 1911, p. 188). B. − [Introd. une sub. circ. d'oppos.] 1. [L'idée de simultanéité reste plus ou moins perceptible] Alors que. Comment pourriez-vous le condamner à mort, tandis que moi je vis? (Stendhal, Rouge et Noir, 1830, p. 477).Seulement il est resté endormi, lui, tandis que vous êtes réveillé, vous (Dumas père, Monte-Cristo, t. 1, 1846, p. 509). 2. [L'idée de simultanéité s'efface] Alors que, au lieu que. Une jambe ça se répare, tandis qu'une fortune perdue, ça ne se répare pas (Bourdet, Sexe faible, 1931, iii, p. 467): L'eau de Cologne est purement et simplement un parfum banal sans efficacité spéciale, tandis que la (Double Pâte des Sultanes) et l'(Eau Carminative) sont deux compositions opérantes, d'une puissance motrice agissant sans danger sur les qualités internes et les secondant...
Balzac, C. Birotteau, 1837, p. 48. − [L'oppos. peut être soulignée par une loc. verb. (à l'inverse, a contrario, etc.) qui suit immédiatement tandis que] Si vous vous faites (...) mon alliée, je puis tout braver, tandis qu'au contraire, si vous vous faites mon ennemie, madame (...) je suis perdu (Dumas père, Reine Margot, 1847, i, tabl. 2, 4, p. 32). − [L'idée d'oppos. étant suffisamment claire, la sub. est parfois laissée en suspens] Quand on pense que, jusqu'à présent, on endormait les malades avec du chloroforme, qui est plein de danger... et toujours pénible! Tandis que maintenant, avec ce fauteuil...! (Feydeau, Dame Maxim's, 1914, i, 18, p. 21).Mais au moins Kaine était logique. Tandis que toi... je ne comprends pas (Benoit, Atlant., 1919, p. 275). − [L'oppos. peut affecter des systèmes de prop. coord.] Quant à avoir tous les vices, il s'en faut. Tout de même je m'en accorde quelques-uns. Mais j'ai pas de défaut. Tandis que toi, t'as pas un vice, pas un en tout. Seulement, tu possèdes tous les défauts (Guèvremont, Survenant, 1945, p. 164). − Pop. [Que n'est pas exprimé] Je m'étais toujours demandé Pourquoi tel trottoir d'une rue Voit se presser la foule drue, Tandis l'autre est moins fréquenté? (Ponchon, Muse cabaret, 1920, p. 31). Rem. 1. La sub. peut précéder ou suivre la princ. Dans l'empl. temp., c'est l'antéposition qui l'emporte; dans l'empl. adversatif, c'est la postposition. 2. Le verbe de la sub. est à l'ind.; la princ. et la sub. peuvent entrer dans un système hyp. (explicite ou non), auquel cas le cond. y tient sa place habituelle: Est-ce que dans la rue ou dans un café vous supporteriez tranquillement que quelqu'un vous fît la grimace, tandis que vous seriez à déjeuner? (Delécluze, Journal, 1827, p. 406). 3. Tandis que est compatible avec l'invers. du suj. (lang. écrite): Tandis qu'échappent à ma mémoire les trésors les plus gracieux, ces rengaines misérables, je les entends aussi net que le premier jour (Gide, Si le grain, 1924, p. 388). Prononc. et Orth.: [tɑ
̃di]. Tandis que: [tɑ
̃dikə], [tɑ
̃diskə]. Littré: ,,Quelques-uns prononcent [tɑ
̃diskə] ce qui est moins bon que [tɑ
̃dikə]`` (id. ds Barbeau-Rodhe 1930); Warn. 1968 [-dikə]; Lar. Lang. fr. [-dikə] ou [-diskə]; Martinet-Walter 1973 [-dikə] (13), [-diskə] (2). Étymol. et Hist. I. Tandis adv. ca 1150 tanz dis « en attendant, cependant, pendant ce temps » (Thèbes, éd. G. Raynaud de Lage, 3889), empl. encore relevé au xviies. (v. Littré), condamné par Vaug., p. 64: ,,il ne se doit jamais dire ni escrire, qu'il ne soit suivy de que``. II. Loc. conj. 1. a) ca 1165 exprime la simultanéité, la concordance de deux actions dans le temps « pendant que » tandis com (Benoît de Ste-Maure, Troie, éd. L. Constans, 18904); b) id. entre tant dis que (Id., ibid., 11296); ca 1175 tan dis que (Id., Chron. ducs de Normandie, éd. C. Fahlin, 39101); ca 1200 tandis que (Renart, éd. M. Roques, 9915), cf. 1647 Vaug., p. 65: ,,c'est à la Cour où l'on en use le moins, et où l'on dit d'ordinaire pendant que``; 2. a) ca 1175 tan dis que « aussi longtemps que » (Benoit de Ste-Maure, Chron. ducs de Normandie, 10732: Cest ducheaume qu'il a tenu En paiz tan dis qu'il a vescu); b) 1176-84 tans dis con (Gautier d'Arras, Ille et Galeron, éd. Fr. A. G. Cowper, 5802); 3. av. 1623 tandis que marque l'oppos. (Jean Auvray, Les Nompareils ds Satires fr. du XVIIes., éd. F. Fleuret et L. Perceau, t. 1 p. 180). De l'adv. lat. tamdiu « aussi longtemps » fréq. empl. avec les corrélatifs quamdiu, quam, quoad, de là tandis que loc. conj.; de celle-ci est issu l'empl. adv. « pendant ce temps ». Le -s final est adv.; la forme tant dis, tanz dis, par rapprochement avec l'adj. tant « si nombreux » (v. tant) et l'a. fr. di « jour », du lat. diem. Fréq. abs. littér.: 14 910. Fréq. rel. littér.: xixes.: a) 22 460, b) 18 846; xxes.: a) 19 924, b) 22 165. Bbg. Imbs Prop. 1956, pp. 317-321. − Martin Temps 1971, p. 324, 326. − Morel (M.-A.). Ét. sur les moy. gramm. et lex. propres à exprimer une concess. en fr. contemp. Thèse, Paris, 1980, p. 189, 259-260, 272. |