| * Dans l'article "TACHE,, subst. fém." TACHE, subst. fém. A. − Marque salissante. 1. Salissure laissée sur une surface par une substance qui recouvre ou imprègne une partie de celle-ci. Synon. maculature (vieilli), macule (littér.), souillure.Enlever, essuyer, frotter, racler une tache. Des taches de punch et de sirop poissaient les consoles (Flaub., Éduc. sent., t. 1, 1869, p. 160).Les eaux de pluie filtraient au travers des ardoises cassées de la toiture, on voyait de grandes taches indiquant la pourriture avancée du bois (Zola, Terre, 1887, p. 57). SYNT. Grosse, large, petite tache; tache ronde; tache de boue, de cambouis, de doigts, d'eau, de graisse, de peinture, de rouille, de vin; (être) plein de taches, couvert de taches, marbré de taches; ne pas avoir une tache. ♦ [P. allus. à Shakespeare, Macbeth, V, 1 où Lady Macbeth, complice de l'assassinat du roi Duncan, voit au cours de crises de somnambulisme une tache de sang qu'elle ne peut effacer de ses mains] La prière est à cette énergie [l'énergie spirituelle] ce qu'est à la lampe électrique l'emploi du commutateur. Sans cette hypothèse, nos fautes, nos crimes sont l'ineffaçable tache de la main de Lady Macbeth (Bourget, Actes suivent, 1926, p. 8). − En partic. ♦ Tache d'encre. Synon. de pâté (fam.).De larges taches d'encre violette séchaient sur ses doigts déformés (Duhamel, Confess. min., 1920, p. 144).PSYCHOL. Éclaboussure d'encre sur un papier que l'on replie, servant d'épreuve d'imagination pour des tests de personnalité. De même dans la tache d'encre du test de Rorschach, chacun perçoit non pas ce qui y est (...) mais, ainsi qu'en un miroir moral, la forme de ses propres songes (Huyghe, Dialog. avec visible, 1955, p. 327).Loc. verb. fig. Faire tache d'encre. V. encre I A 2 a. ♦ Tache d'huile. Marque causée par l'huile et qui tend à s'agrandir. P. métaph. La vie des petites provinces (...) imprime son cachet mesquin à tout individu (...). Les habitants de la province ne sont pas coupables de cette tache d'huile qui les gagne petit à petit, et qui les envahit tout d'un coup au moral comme au physique (Champfl., Bourgeois Molinch., 1855, p. 103).Loc. verb. fig. Faire tache d'huile. V. huile II A. 2. Au fig. Ce qui ternit de manière durable l'honneur, la perfection, la réputation d'une personne ou d'une chose; chose honteuse, infâme. Synon. défaut, erreur, faute, souillure.Tache ineffaçable; être marqué, sali, souillé d'une tache; nom, réputation sans tache. La révocation de l'édit de Nantes, tache indélébile du règne de Louis XIV (Crèvecœur, Voyage, t. 3, 1801, p. 289): ... je crains qu'on ôte à l'affaire Pyrot sa belle simplicité. Elle était limpide; ainsi que le cristal de roche, son prix était dans sa transparence. On y eût vainement cherché à la loupe une paille, une faille, une tache, le moindre défaut.
A. France, Île ping., 1908, p. 283. − RELIG. CHRÉT. Marque que laisse le péché sur l'âme. a) Tache originelle. Synon. de péché* originel.Le baptême est le premier acte de l'initiation chrétienne. Si l'enfant a reçu avec le sang quelque instinct mauvais (...) que cette tache originelle soit lavée (L. Ménard, Rêv. païen, 1876, p. 192). b) Sans tache, loc. adj. Qui n'a pas la marque du péché originel; p. ext., sans péché, sans souillure. Synon. immaculé, parfait1, pur.Cœur, victime sans tache. Que mon cœur se lave dans tes larmes; qu'il devienne une hostie sans tache (Musset, Confess. enf. s., 1836, p. 258). ♦ L'agneau sans tache, la victime sans tache. Jésus Christ en tant que victime parfaite et sans péché. « Ceux-là sont ceux qui n'ont pas souillé leurs vêtements... Ils suivent l'Agneau sans tache partout où il va », dit la Liturgie (Bloy, Femme pauvre, 1897, p. 225).P. anal. Personne pure, innocente. Voilà, sur ma vie, un petit mensonge assez gros, pour un agneau sans tache (Musset, On ne badine pas, 1834, iii, 6, p. 66).V. agneau ex. 7. ♦ La vierge sans tache. La vierge Marie. Elle portait elle-même, pendant le trajet, son enfant, comme l'avait fait la vierge sans tache (Montalembert, Ste Élisabeth, 1836, p. 96). ♦ Pur et sans tache. Très pur. Mains pures et sans tache. Il plaira à Dieu que tu finisses par trouver une femme pure et sans tache, et digne de toi (Hugo, M. Tudor, 1833, 3ejournée, 1repart., 7, p. 167). B. − Petit espace de couleur différente tranchant sur un fond d'une autre couleur. 1. Marque caractéristique ou spécifique observée sur un être vivant, dans la nature. a) [Sur un animal] Marque colorée du poil, des plumes, de la peau ou du tégument. Tache du pelage des panthères; taches sur le plumage (des paons, des grives); peau marbrée, semée de taches. La belle chenille tithymale, verte avec des taches sombres (Bourget, Disciple, 1889, p. 99).C'est un fox terrier, il avait une tache noire sur l'oreille gauche et une autre sur la queue (Jacob, Cornet dés, 1923, p. 203). − RELIG. Animal sans tache. Animal au pelage uni, sans défaut, offert en sacrifice. On voit (...) paître le long du Clitumne les taureaux sans taches qui marchent au Capitole, devant le triomphateur romain (Chateaubr., Martyrs, t. 3, 1810, p. 196). b) [Sur une plante] Marque d'une certaine importance sur les feuilles, les fleurs, les tiges. Les feuilles de la chélidoine sont en forme de cœur plus arrondie, irrégulières, marquées au centre d'une tache noire (Kapeler, Caventou, Manuel pharm. et drog., t. 1, 1821, p. 209). c) ANAT. HUM. ♦ Tache aveugle ou tache de Mariotte. ,,Région du champ visuel correspondant à la papille optique, au niveau de laquelle ne se forme aucune image (...) du fait de l'absence d'éléments rétiniens photo-sensibles`` (Man.-Man. Méd. 1977). Synon. papille* optique.Au fig. Ce qu'on ne perçoit pas. Le non-savoir est fin et le savoir moyen. Dans la mesure où il se prend lui-même pour fin, il sombre dans la tache aveugle. (...) Hegel (...) ne connaît de fin que le savoir. Son immense fatigue se lie pour moi à son horreur de la tache aveugle (G. Bataille, Exp. int., 1943, p. 172). ♦ Tache jaune (de l'œil). Petite zone de la rétine colorée d'un pigment jaune et située au pôle postérieur de l'œil où la vision atteint un maximum de netteté. Synon. macula.L'analyse rétinienne de l'image est par conséquent beaucoup plus fine au niveau de la tache jaune, donc au centre de la rétine (vision centrale), que sur ses bords (vision périphérique) (Camefort, Gama, Sc. nat., 1960, p. 247). ♦ Tache auditive, tache acoustique du saccule. ,,Petite saillie sur la surface intérieure du saccule du point d'adhérence à la fossette hémisphérique. Elle correspond à la terminaison du nerf sacculaire`` (Lov.-Veill. 1954). Tache auditive, tache acoustique de l'utricule. ,,Petite saillie à la surface intérieure de l'utricule, du niveau du point d'adhérence à la fossette semi-ovoïde. À ce point aboutissent les divisions du nerf utriculaire`` (Lov.-Veill. 1954). Synon. macule. − ANTHROPOL. Tache mongolique ou tache bleue sacrée. Marque bleuâtre ou grise, de quelques centimètres de diamètre, siégeant électivement dans la région sacrée, observée chez la plupart des nouveau-nés japonais et mongols, et qui disparaît vers l'âge de six ans. La tache mongolique des nouveau-nés japonais et mongols siège un peu au-dessus du pli interfessier (Quillet Méd.1965, p. 310). − EMBRYOL. Tache germinative*. d) ASTRON. Tache observée sur le disque d'un astre, d'une planète. Taches rouges (de Jupiter) (Astron.1980).Taches solaires. ,,Taches sombres, plus ou moins étendues et plus ou moins persistantes, formées en général d'un noyau sombre entouré d'une zone plus claire, que l'on observe à la surface du soleil`` (Uv.-Chapman 1956). Il y a aussi des taches sur le disque du soleil, cela ne l'empêche pas d'être le plus éblouissant et le plus merveilleux des astres (Chênedollé, Journal, 1833, p. 180).Plusieurs observateurs ont constaté (...) un retard (...) entre le passage d'une tache solaire au méridien et le maximum de la perturbation magnétique ou de l'aurore polaire correspondante (H. Poincaré, Hyp. cosmogon., 1911, p. 247). 2. Marque résultant d'une altération, d'une maladie observée sur un être vivant, dans la nature. a) PATHOL. HUM. Altération de la peau, des muqueuses sur certains organes. Tache hépatique; tache de la peste; taches sur les poumons. Sa grosse tête, aux cheveux blancs et rares, à la face plate, d'une pâleur livide, maculée de taches bleuâtres (Zola, Germinal, 1885, p. 1138).Madame Morin annonça que je portais une tache rouge sur le rein gauche due à une envie de cerises qu'avait eue ma mère (A. France, Pt Pierre, 1918, p. 7).V. éphélide ex. de H. Bazin, lentigo ex. ♦ Tache lenticulaire. Marque rosée apparaissant lors de la fièvre typhoïde. V. dothiénentérie ex. de Flaubert.Tache rubis. ,,Petit angiome en forme de perle`` (Garnier-Del. 1972). Tache de naissance*. Tache de rousseur, de son (v. son3). Tache de vin. Marque de couleur rose, rouge ou violette de forme, de dimensions, de contours très variables siégeant assez souvent sur la face. Synon. angiome plan (v. angiome s.v. -ome1).Charles d'Este, alors, ne manquait pas de lancer de dédaigneux brocards sur la laide tache de vin dont le dominicain avait la joue couverte (Bourges, Crépusc. dieux, 1884, p. 190). b) PATHOL. VÉGÉT. Altération de la couleur des feuilles, des tiges, des végétaux due à certaines maladies. Taches blanchâtres, jaunâtres; taches brunes des fruits; taches de la rouille. La vigne est pourrie: une tache sur la feuille comme un doigt sale et tout se sèche (Giono, Gd troupeau, 1931, p. 15). c) Défaut de transparence ou de couleur d'un minéral, d'une pierre précieuse. Tache d'un diamant. Je sentais quelque chose dans ma pensée, comme une tache dans une émeraude (Vigny, Serv. et grand. milit., 1835, p. 77). 3. Forme de couleur s'offrant à la vue. Les yeux qui ont fixé un corps très-lumineux voient pendant quelque temps une tache obscure de même contour que ce corps, qui les suit par-tout où ils se portent (Cuvier, Anat. comp., t. 2, 1805, p. 107). a) Forme de couleur contrastant sur un fond plus ou moins uni en harmonie ou opposition de couleur. Fleurs semées par taches de couleur. Par la fenêtre [de la villa Mondragone], j'aperçois l'immense plaine bleuâtre au milieu de laquelle Rome fait une grande tache rose (Green, Journal, 1935, p. 14). b) Forme de couleur correspondant à un objet lointain ou vu de manière indistincte. Le soir tombe; je distingue à peine la tache pâle de son visage (Sartre, Nausée, 1938, p. 192). c) Forme de couleur correspondant à la projection d'une source lumineuse sur une surface. Tache blanche, jaune, lumineuse. La tache de soleil qui danse de poutre en poutre s'immobilise tout à coup, s'ouvre juste au centre de la porte, comme un œil rond (Bernanos, M. Ouine, 1943, p. 1454). d) PEINT. Élément coloré d'un tableau. Une marine de Boudin où de jolies taches s'enlèvent dans une atmosphère un peu bleutée (Huysmans, Art mod., 1883, p. 207). − En partic. Touche de couleur qui compose un tableau chez les impressionnistes. M. Caillebotte a rejeté le système des taches impressionnistes qui forcent l'œil à cligner pour rétablir l'aplomb des êtres et des choses (Huysmans, Art mod., 1883, p. 115). − Faiseur de taches (souvent péj.). V. esquisseur rem. s.v. esquisser ex. e) Loc. verb., au fig. Faire tache − Rompre une harmonie de couleur; contraster avec l'environnement, le fond. Le couple qui sort de chez moi fait peut-être tache dans le décor oriental, mais tache éclatante, comme feraient deux portraits de l'école vénitienne au milieu d'une tapisserie (Farrère, Homme qui assass., 1907, p. 59). − Contraster de façon désagréable, constituer un défaut. Synon. jurer avec, détoner.Erlane, scandaleusement incapable (...) ne pouvait qu'humilier un chef comme de Scève, faire tache dans sa compagnie, l'exaspérer par sa couardise (Vercel, Cap. Conan, 1934, p. 160).Jef Last estime que le récit de Ménalque fait tache et trou dans mes Nourritures. Il a raison. C'est un morceau surajouté (Gide, Journal, 1935, p. 1222). REM. Tachure, subst. fém.,rare. Marque sur les fruits tapés. Sur des claies reposaient des pommes rouges et vertes, bien espacées, pour éviter les tachures (R. Sabatier, Trois sucettes à la menthe, 1972, p. 19). Prononc. et Orth.: [taʃ]. Att. ds Ac. dep. 1694. Étymol. et Hist. A. 1. Fin du xies. taje « marque laissée par une substance salissante » (Raschi, Gl., éd. A. Darmesteter et D. S. Blondheim, t. 1, 976); ca 1175 tache « id. » (Benoît de Ste-Maure, Ducs Normandie, 3560 ds T.-L.); 2. a) 1remoit. du xiies. « manquement à l'honneur, atteinte à la réputation » (Psautier Oxford, éd. Fr. Michel, p. 14); b) fin du xiies. taiches de pechiet (Sermons S. Bernard, 59, 38 ds T.-L.). B. 1. a) xiies. « naevus » (Gloss. Tours, 329, ibid.); b) 1832 jard. (Raymond); 2. a) ca 1393 « marque colorée naturelle sur le poil, les plumes, le tégument des êtres vivants » (Ménagier, éd. G. E. Brereton et J. M. Ferrier, p. 174, 6); b) 1671 astron. (Rohaut, Traité de phys., t. 2, p. 62); c) 1830 anat. tache jaune (Encyclop. méthod. Méd.); d) 1904 taches auditives (Nouv. Lar. ill.); 3. a) α) 1755 « masse de couleur sans transparence et sans harmonie avec le reste du tableau » (Diderot, L'hist. et le secret de la peint. en cire, Œuvres, t. XV, p. 387 ds Littré, s.v. jour);
β) 1865 « petit élément d'un tableau dont la couleur tranche sur le reste » (Taine, Philos. art, t. 2, p. 75);
γ) 1954 « chacune des taches de couleur uniforme, juxtaposées dans un tableau » (P. Guéguen ds Art d'aujourd'hui, série 5, nos2 et 3, p. 52); b) 1857 « élément coloré qui apparaît dans le champ visuel sur un fond de couleur plus ou moins uniforme » (Flaub., MmeBovary, t. 2, p. 143). Étymol. incertaine. À côté de tache, on note la forme teche dans l'anc. lang. (ca 1100 « qualité (bonne ou mauvaise), marque distinctive » Roland, éd. J. Bédier, 1472) de même que techier est att. à côté de tachier (v. tacher), ce qui a amené Wartburg à formuler l'hyp. d'un empr. au got. taikns « signe » (cf. l'all. Zeichen « id. »), avec évol. phonét. distincte de la diphtongue -ai-. Pour les formes en -a- (cf. aussi l'ital. tacca « tache »; l'a prov. taca « id. »; le cat., aragonais, asturien taca « id. ») il conviendrait, selon lui, de remonter à un lat. tardif *takka, issu de taikns, par gémination de -k- sous l'infl. du -n et pour les formes en -e- (cf. aussi l'ital. tecca « petite tache ») à un type *tekka, issu peut-être de taikns par la réduction en got. de la diphtongue -ai- à ê, v. FEW t. 17, p. 296a-b. Cette hyp. d'un empr. au got., que la complexité phonét. rend difficile à admettre, se heurte essentiellement à des difficultés sém.: on ne voit pas très bien comment cet étymon ayant le seul sens de « signe » a pu donner, dans les différentes lang. rom., des sens aussi variés que ceux de « souillure », « marque sur la peau », « qualité (bonne ou mauvaise) ». D'apr. U. Joppich-Hagemann Untersuchungen zu Wortfamilien der Romania germanica, Bonn, 1973, pp. 127-145; v. aussi le cr. qui en a été fait par M. Pfister ds Arch. St. n. Spr. t. 218, no1, p. 199) tachier, mot de base de la famille, serait à rattacher à un lat. vulg. *tagicare, issu de tangere « toucher » qui a pris, dès le lat. class., sous l'infl. de tingere (v. infra), le sens de « toucher en mouillant, éclabousser, barbouiller, colorer », tandis que la var. techier remonterait à un lat. vulg. *tigicare, issu de tingere « teindre ». Tache serait donc un déverbal de tacher. Fréq. abs. littér.: 2 845. Fréq. rel. littér.: xixes.: a) 2 765, b) 4 810; xxes.: a) 4 848, b) 4 241. Bbg. Pfister (M.). Arch. St. n. Spr. 1981, t. 218, no1, p. 199. − Quem. DDL t. 8 (s.v. tache ombrée). |