| TABLIER, subst. masc. I. − Pièce qui sert à protéger. A. − 1. Vêtement de protection constitué d'une pièce d'étoffe ou de matière souple, munie d'attaches et qui s'applique sur le devant du corps afin de recouvrir et de protéger les vêtements. C'est moi qui serai ta servante, aujourd'hui (...). Elle s'était drapée dans un immense tablier blanc, elle était délicieuse, les manches retroussées, montrant ses bras délicats, comme pour une besogne énorme (Zola, Dr Pascal, 1893, p. 173).Nous disions trois tabliers sans bavette, et quatre avec bavette... C'est drôle, ça fait plusieurs fois que je remarque cette année que la vente des tabliers sans bavette baisse. Après tout, c'est peut-être la mode (Aragon, Beaux quart., 1936, p. 96). SYNT. Tablier bouillonné, brodé, en/de dentelle; tablier de cuisine, du dimanche, d'intérieur, de ménage, de ménagère; tablier de batiste, de bure, de calicot, de coton, de cotonnade, de cuir, de (grosse) toile; tablier à poches; tablier à carreaux, à rayures. − En compos. Robe-tablier. V. robe rem.Tablier- bavette. Tabliers-bavettes (...) en vichy écossais grand teint (Catal. La Redoute, 1951-52, p. 36). − Pop., fam. Aller à qqn comme un tablier à une vache. Ne pas aller du tout. On leur mit (...) un bel habit galonné qui leur allait comme un tablier à une vache (Vidal, Delmart, Caserne, 1833, p. 250). a) [À propos d'un vêtement de protection à usage prof.] Tablier de boucher, de bourrelier, de cordonnier, de droguiste, de forgeron, de jardinier. Je vois paraître M. Birault en manches de chemise, en espadrilles et en tablier bleu, le véritable tablier du marchand de vin (Duhamel, Combat ombres, 1939, p. 60).Chez les Favre, le père, géant antique aux longues moustaches rousses, le buste protégé par le traditionnel tablier fait d'une peau de veau en cuir brut et le fils aîné en bleu de mécanicien (...), régnaient côte à côte (Vailland, Drôle de jeu, 1945, p. 139). − MÉD. Tablier de protection. ,,Tablier en caoutchouc ou en matière plastique radio-opaque, pour la protection de l'examinateur au cours des examens radiologiques`` (Méd. Biol. t. 3 1972). b) [À propos de la tenue du personnel domestique, des serveurs] Tablier de domestique, de serveur. Cette bonne en tablier blanc, menée au marché de la ville voisine dans la voiture des maîtres, soulevait une indignation (Zola, Germinal, 1885, p. 1292).Cinq autres garçons se tenaient (...) le long des murs (...), tous vêtus d'un tablier blanc qui leur tombait jusqu'aux chevilles et le torse emprisonné dans une petite veste de coutil à boutons de métal (Green, Moïra, 1950, p. 197). − Loc. fam. Rendre son tablier. Refuser de continuer son service; au fig., démissionner, abandonner. J'aime mieux rendre mon tablier au docteur Paulo plutôt que d'adresser la parole à un sale nègre! (Cendrars, Bourlinguer, 1948, p. 356). − P. méton., fam. Tablier blanc. Garçon de café; bonne d'enfants. [L'ouvrier] donne facilement dans la blanchisseuse, la femme de chambre ou le tablier blanc (Poulot, Sublime, 1872, p. 44). c) En partic.
α) Tablier de sapeur. Long tablier en cuir qui faisait partie de l'équipement des sapeurs, qui fait encore partie de l'uniforme d'apparat de certains corps d'armée (légion étrangère, etc.). Tabliers blancs des sapeurs, passepoils, retroussis versicolores (Arnoux, Roi, 1956, p. 182). − CUIS. [Spécialité lyonn.] Gras double découpé, enduit d'œuf battu, puis pané. (Dict. xxes.). − Arg. Tablier de sapeur, de forgeron. Poils du pubis abondants, s'étendant sur le bas-ventre (d'apr. Car. Argot 1977).
β) Tablier de franc-maçon. Tablier de peau d'agneau blanche, symbolisant le travail (d'apr. Symboles 1969). Robert Caze (...) raconte qu'il l'a vu [Vallès] manger une choucroute dans une brasserie du Quartier Latin avec un tablier de franc-maçon, dont il s'essuyait les lèvres (Goncourt, Journal, 1885, p. 446).Ceindre le tablier. Devenir franc-maçon. (Dict. xixeet xxes.). 2. Pièce de vêtement, lé d'étoffe porté sur le devant d'une robe comme élément décoratif, en particulier dans les costumes traditionnels. Tablier de dentelles, de mohair; tablier brodé; tablier à fichu. Elle porte un coquet tablier de taffetas rouge sur une jupe de damas jaune à fleurs (Gautier, Guide Louvre, 1872, p. 329).Les jeunes soignent avec un amour particulier leur tablier, le « devantiau » (Berry), aux plis incalculables. Beaucoup plus courts que la jupe, ils sont assez étroits et se complètent parfois d'une « bavousette ». Les moins riches se contentent d'un tablier de toile de coton rayée ou quadrillée, les plus raffinées les brodent à la main (Menon, Lecotté, Vill. Fr., 1, 1954, p. 95). 3. Blouse boutonnée par-devant ou par-derrière, généralement à manches longues et qui se porte sur les vêtements pour les protéger. Tablier d'écolier; tablier noir. Cher enfant: joli sous tes vêtements si simples et si proprets, ce tablier blanc et bleu d'écolier que j'eus aussi (Verlaine, Souv. et fantais., 1896, p. 258).On a six ans (...), un tablier à manches courtes laissant voir la chair trop frêle des poignets, une figure de soubrette ratée, sérieuse et chiffonnée (Frapié, Maternelle, 1904, p. 64). B. − 1. [À propos d'une pièce de protection en matière souple] Morceau de cuir, de toile cirée qui était fixé sur le devant des voitures à chevaux pour garantir de la pluie, des éclaboussures. Tablier d'un cabriolet. [Saccard] héla une voiture vide qui passait. C'était une victoria, il eut beau ramener sur ses jambes le tablier de cuir, il arriva trempé rue Larochefoucauld (Zola, Argent, 1891, p. 110). − Spécialement ♦ Tablier de timbale. Pièce d'étoffe qui entoure une timbale pour la protéger (d'apr. Chesn. t. 2 1858). ♦ MAR. ,,Doublage sur la partie arrière d'un hunier, d'un perroquet pour préserver ces voiles du frottement contre les hunes ou les barres`` (Gruss 1952). ♦ BIJOUT. Pièce de cuir fixée à l'établi d'un bijoutier et qui est rabattue sur les genoux pour recueillir les rognures de métal. (Dict. xixeet xxes.). 2. [À propos d'une pièce rigide verticale] Panneau mobile qui recouvre ou protège. Lisa, assise devant le tablier baissé du secrétaire, écrivait, alignait des chiffres, d'une grosse écriture ronde, très lisible (Zola, Ventre Paris, 1873, p. 656).Ils se séparèrent à la porte de la brasserie quand déjà le tablier de tôle descendait en grondant sur la devanture (A. France, Révolte anges, 1914, p. 130). ♦ Tablier de cheminée. Rideau de tôle fait de plusieurs plaques qui se déplacent verticalement devant le foyer d'une cheminée pour en rétrécir ou en fermer l'ouverture. Elle vint dans la bibliothèque (...) pour allumer un petit feu (...) Je l'observais (...) tandis qu'elle était accroupie, la tête sous le tablier de la cheminée (A. France, Bonnard, 1881, p. 299). − Spécialement ♦ AUTOMOB. Cloison séparant le compartiment moteur et l'intérieur de la carrosserie d'un véhicule. En laissant tomber le capot et me relevant, je regardai machinalement vers le tablier, à l'endroit réservé d'ordinaire à la plaque qui porte le nom du propriétaire (Bourget, Conflits int., 1925, p. 224). ♦ Pièce de métal, de plastique, etc., qui enferme la fourche d'un scooter, d'un vélomoteur et qui protège les jambes du conducteur. (Dict. xxes.). ♦ [Sur une machine-outil] Pièce de tôle destinée à protéger les organes mécaniques des projections de copeaux. Les éléments spéciaux aux machines-outils, bâtis, chariots et tabliers (Gorgeu, Machines-outils, 1928, p. 1). ♦ ARCHIT. Lambrequin en forme de bas de bannière en saillie (d'apr. Nér. Hist. Art 1985). 3. ANAT. Tablier épiploïde. Partie inférieure du grand épiploon au-dessous du côlon transverse (d'apr. Méd. Biol. t. 3 1972). Tablier des Hottentotes. Malformation caractérisée par une hypertrophie des petites lèvres [La conformation ordinaire des organes de l'accouplement dans la femme] ne présente de différence (...) que celle (...) concernant ce que plusieurs voyageurs ont appelé le tablier des hottentotes (...) ce tablier est en effet un appendice distinct des grandes lèvres, de 8 centimètres de longueur dans une femme adulte (Cuvier,Anat. comp., t. 5,1805,p. 124). II. − Surface plane horizontale. A. − JEUX, vx. Surface plane sur laquelle se jouent les parties d'échecs, de dames, de trictrac. Synon. damier, échiquier.Tablier de jeu. (Dict. xixeet xxes.). − Vx. Rester maître du tablier. Dominer la situation et gagner la partie. (Dict. xxes.). B. − CONSTRUCTION 1. Partie d'un pont-levis qui s'abaisse (d'apr. Jossier 1881). 2. Ensemble des éléments résistants constituant l'ossature porteuse d'un pont. Tablier en charpente; tablier métallique, mobile, suspendu. Gustave Eiffel multiplia les études et les réussites, sur les piles tubulaires, les « poutres en treillis » (...) le lancement des tabliers de pont en porte-à-faux (Lesourd, Gérard, Hist. écon., 1966, p. 338): ... Gilquin, qui avait le goût des imaginations atroces (...) insistait, disait que ces ponts de fer n'étaient jamais bien solides; et, quand les deux voitures furent au milieu du pont, il affirma qu'il voyait le tablier danser. (...) les voitures roulaient doucement, sans bruit; le tablier était si léger, avec sa longue courbe molle, qu'elles étaient comme suspendues, au-dessus du grand vide de la rivière...
Zola, E. Rougon, 1876, p. 97. C. − En partic. 1. Support plan, en bois ou en pierre, sur lequel repose une ruche (d'apr. Chesn. t. 2 1858). 2. [Sur une locomotive à vapeur] Ensemble des passerelles et des plates-formes permettant de circuler autour de la chaudière et de travailler devant la boîte à fumée. Il fit jouer les manettes, s'assura du fonctionnement de la soupape. Il monta sur le tablier, alla emplir lui-même les godets graisseurs des cylindres (Zola, Bête hum., 1890, p. 116). Prononc. et Orth.: [tablie]. Att. ds Ac. dep. 1694. Étymol. et Hist. A. 1. 1170-83 « table du jeu d'échecs » (Wace, Roman de Rou, 3epart., éd. A. J. Holden, 2337); 1306 « table de tous les jeux qui se jouent, avec des pièces mobiles, sur une surface plane » (Joinville, Vie de Saint-Louis, éd. N.-L. Corbett, p. 167); 1762 « chacune des deux parties d'un trictrac » (Ac.); 2. ca 1200 « table sur laquelle on dépose les marchandises » (Raimbert de Paris, Ogier le Danois, éd. J. Barrois, 8356); 3. 1762 « ornement sculpté sur la face d'un piédestal » (Ac.); 4. 1793 « partie d'un pont-levis qui s'abaisse pour donner passage sur le fossé » (Schwan, Nouv. dict. de la lang. all. et françoise); 5. 1812 « support sur lequel repose une ruche » (Mozin-Biber). B. 1. 1176-81 « dessus de table; nappe » (Chrétien de Troyes, Chevalier de la Charrete, éd. M. Roques, 985); 2. 1530 « pièce de toile que les femmes, les domestiques, mettent devant eux pour préserver leurs vêtements » (Palsgr., p. 194); a) 1809 aller comme un tablier à une vache ([Leclair], Médit. hussard, p. 49); b) 1866 rendre son tablier « faire faillite; mourir » (Delvau, p. 339); 1889 « donner sa démission » (Larch. Nouv. Suppl., p. 234); 3. 1680 « pièce de toile ou taffetas que les femmes mettent devant elles comme ornement » (Rich.). C. 1. 1752 « garniture d'étoffe qui habille la caisse de la timbale et retombe tout autour » (Trév.); 2. 1765 « morceau de peau cloué à la table qui enchâsse la pierre des batteurs d'or » (Encyclop. t. 15); 3. 1788 anat. tablier des Hottentotes (Buffon, Hist. nat., t. 5, p. 499); 4. 1842 « morceau de toile qu'on suspend sous le ventre des béliers pour les empêcher de saillir les brebis » (Ac. Compl.); 5. a) 1875 « rideau en tôle qui se trouve devant une cheminée » (Lar. 19e); b) id. « plaque de protection à l'entrée des cylindres d'un laminoir » (ibid.); c) 1933 « cloison séparant le compartiment avant d'une automobile » (Lar. 20e). Dér. de table*; suff. -ier*. Fréq. abs. littér.: 1 117. Fréq. rel. littér.: xixes.: a) 593, b) 2 468; xxes.: a) 2 212, b) 1 591. Bbg. Archit. 1972, p. 178. − Jaberg (K.). Soif und die sprachliche Expansion in Nordfrankreich. Z. fr. Spr. Lit. 1912, t. 38, pp. 239-241. − Prigniel (M.). Sur les noms pop. du tablier et du pantalon. Fr. mod. 1967, t. 35, pp. 103-106. − Quem. DDL t. 16, 22, 25, 28, 32, 33. |