| TABERNACLE, subst. masc. A. − RELIG. JUIVE 1. HIST. Tente sous laquelle habitaient les Hébreux au désert. Retourne, Israël, dans tes tabernacles (Ac.).Dieu dilatera Japhet, lequel dirigera sa demeure vers les tabernacles de Sem; et Chanaan sera leur serviteur (P. Leroux, Humanité, 1840, p. 648). − P. anal., loc. verb. Fixer son, ses tabernacle(s). S'établir à (tel endroit). J'ai été très heureuse d'apprendre que vous avez définitivement choisi ce pays pour y fixer vos tabern... Elle allait dire tabernacles, mais ce mot lui sembla hébraïque et désobligeant pour un juif (Proust, Sodome, 1922, p. 1039). 2. Fête des tabernacles. Fête célébrée chaque année après le Grand Pardon, pendant laquelle les Juifs habitent des cabanes de branchages qui commémorent la traversée du désert sous la protection de Dieu. Synon. fête des Tentes (v. tente1A 1).La fête des Tabernacles (ou des Cabanes), Sukkot, se place en automne, et apporte, quelques jours après les « Jours austères » du Nouvel An et du Grand Pardon, de nouvelles réjouissances et actions de grâces pour les bénédictions du Seigneur et en particulier, en cette fin de saison, pour tous les fruits de la terre. Mais c'est surtout un rappel joyeux de la protection vigilante du Seigneur pendant le séjour des Hébreux au désert, sous la tente (P. Demann, Les Juifs, 1961, p. 95).V. fête A 2 ex. de Erckmann-Chatrian. − Littér., poét. [Pour les chrétiens] Les tabernacles éternels. La demeure de Dieu. Lorsque viendra ce jour redoutable où je paraîtrai seul et abandonné du monde entier devant Dieu, daigne venir au devant de moi et m'accueillir dans les tabernacles éternels (Montalembert, Ste Élisabeth, 1836, p. 158). 3. Tabernacle (de l'alliance, de la rencontre, du Seigneur) a) Sanctuaire portatif des Hébreux dans le désert, qui abrita l'arche d'alliance dans son Saint des saints jusqu'à la construction du Temple de Jérusalem. [Les pontifes] ramassaient dans des voiles les cendres des holocaustes, frottaient l'or des lampes et tendaient les cordages du tabernacle (Flaub., Tentation, 1849, p. 484).Dieu se manifestait au tabernacle de l'alliance dans une colonne de nuée, et il y parlait à Moïse bouche à bouche (Théol. cath.t. 41920, p. 964). b) P. méton. − L'arche d'alliance renfermant les tables de la Loi. Et c'est depuis ce jour que vous avez porté Un coffret plus fermé que l'ancien tabernacle (Péguy, Ève, 1913, p. 790).V. arche ex. 2. ♦ P. anal. [Dans d'autres relig. anc.] Coffre renfermant les symboles de la présence d'un dieu. Le sanctuaire d'Edfou et le tabernacle « l'arche sainte » en granit, où probablement était déposé l'épervier sacré (Fromentin, Voy. Égypte, 1869, p. 99). − Partie la plus retirée du Temple où se trouvait l'arche d'alliance. Synon. Saint* des saints.Et les rideaux du tabernacle dans le temple de Salomon sont de pourpre (Durry, Nerval, 1956, p. 172). − Armoire des synagogues où l'on enferme les livres saints. Synon. arche.La Thorah, pieusement conservée dans le tabernacle des synagogues (Civilis. écr., 1939, p. 30-3). B. − LITURG. CATH. Ouvrage de bois, de métal, de marbre ou d'orfèvrerie en forme d'armoire fermant à clef, généralement fixé au centre de l'autel dans une église ou une chapelle, où sont conservées les hosties consacrées. Tabernacle doré, sculpté, à colonnettes; lampe du tabernacle. Le vieux prêtre officiait avec lenteur, et chaque fois qu'il passait devant le tabernacle, où repose le corps du Dieu voilé, il s'agenouillait et restait longtemps prosterné, abîmé dans un acte d'adoration éperdu (Moselly, Terres lorr., 1907, p. 287).Et maintenant la messe est dite (...). Allons-nous en au nom de Dieu vers la porte qui est ouverte. Il est dur de quitter ce lieu où vous résidez dans votre tabernacle et (...) d'échanger la rumeur humaine au lieu de vos paroles éternelles (Claudel, Processionnal, 1910, p. 296).V. conopée ex. C. − P. anal. 1. Littér. Lieu ou personne habité(e) par la présence divine. Cela tombe sous le sens qu'il existe des tabernacles vivants, et que parfois (...) nous soyons obligés d'adorer la présence visible de Dieu dans un homme (Mauriac, Journal 3, 1940, p. 226). 2. Lieu ou personne qui recèle quelque chose de sacré, de mystérieux ou de précieux. Voici que pour la première fois deux amants se trouvent chair à chair dans ce tabernacle de la vie [le lit] (Maupass., Contes et nouv., t. 1, Lit, 1882, p. 635).Cette enfant, tabernacle de toutes les grâces, héritière des plus beaux biens de ce monde et candidate aux ineffables richesses de l'autre (Boylesve, Leçon d'amour, 1902, p. 230). D. − Spécialement 1. ARCHIT. ,,Dais ouvragé qui surmonte les statues de la période ogivale`` (Bach.-Dez. 1882). Au musée, tabernacles du XVepour placer des statues (Michelet, Journal, 1835, p. 216). 2. MAR. ,,Pièce fixe d'un mât basculant (petites embarcations)`` (Gruss 1978). HIST. DE LA MAR. Plate-forme surélevée à la poupe d'une galère où se tenait le capitaine pour commander la manœuvre. Il ne gouverne plus! Enfants, il fuit! Nagez! Tiens la barre, toi! Nagez! Galart [le commandeur] bondit sur l'avant du tabernacle (La Varende, Heur. humbles, Phoebé, 1942, p. 155). 3. TECHNOL. ,,Dispositif servant à protéger un robinet de prise ou d'arrêt`` (Barb.-Cad. 1963). ,,Caisse [de bois] ajustée sur la meule d'un cloutier`` (Chesn. t. 2 1858). Rem. Au Québec, tabernacle (sous diverses var. phonét.) s'emploie fréq. comme juron pop. ou dans l'expr. péj. tabernacle de + subst. Sale espèce de, saleté de. Qu'ils viennent! (...) ces tabernacles d'Anglais-là! (Ringuet, Trente arpents, 1938, p. 195 ds Richesses Québec 1982). Prononc. et Orth.: [tabε
ʀnakl]. Passy 1914, Martinet-Walter 1973 [-nakl], [-nɑ:kl] (13/4). Att. ds Ac. dep. 1694. Étymol. et Hist. A. 1. a) Déb. xiies. « tente chez les Hébreux » (Psautier d'Oxford, 60, 4 ds T.-L.); 3etiers xiiies. feste des tabernacles (B.N. 15393, fo67 ds Trénel, p. 326); b) spéc. 1145 « tente où les Hébreux, durant leur séjour dans le désert, faisaient leurs actes de religion » (Wace, Conception N.D., éd. W. R. Ashford, 1015); 2. ca 1160 « dais » (Enéas, éd. J. J. Salverda de Grave, 6440) - xves. (ds Gdf. Compl.); 3. fin xiies. « dans une église catholique, petite armoire placée au-dessus de la table de l'autel pour y renfermer le ciboire » (B. Ars. 2 083, fo2 ds Trénel, p. 208); fig. 1790 (Saint-Martin, Homme désir, p. 410: tabernacle de la parole). B. 1. Mar. a) ca 1665 « plate-forme surélevée à l'arrière d'une galère, où se tenait le capitaine » (Cardinal de Retz, Mém., année 1654, éd. Feuillet-Gourdault, t. 4, p. 568); b) 1808 « lieu où est placée la boussole » (Boiste); 2. 1842 « espace libre maçonné autour d'un robinet souterrain » (Ac. Compl.). Empr. au lat.tabernaculum « tente », spéc. « tente augurale », dér. de taberna « habitation en planches », spéc. « boutique ». Fréq. abs. littér.: 310. Fréq. rel. littér.: xixes.: a) 423, b) 269; xxes.: a) 848, b) 302. |