| TOPE, interj. [Pour exprimer l'assentiment donné à une pers. quand on accepte un défi ou un pari, quand on conclut une affaire] Allons, calmez-vous. Tope! Faisons la paix! Ils se donnèrent la main, et causèrent amicalement (Rolland, J.-Chr., Amies, 1910, p. 1162).− Vx. [P. réf. au jeu de dé pour signifier son accord à l'enjeu proposé] Tope et masse. Le plus triomphant vacarme régnait dans l'établissement. Des gaillards (...) criaient « tope et masse » en répondant à des rasades (Gautier, Fracasse, 1863, p. 314). Prononc.: [tɔp]. Homon. top. Étymol. et Hist. A. 1. 1616 [impr. 1633] taupe! interj. pour porter un défi à boire (Comédie des proverbes, II, 3 ds Anc. théâtre fr., éd. Viollet-Le-Duc et A. de Montaiglon, t. 9, p. 53: Alaigre: Beuvons à tirelarigot − Philippin: Il faut autant se debaucher icy qu'à la taverne [...] − Alaigre: Taupe! taupe!, morbleu!); 1691 tope à... (Sévigné, lettre 15 mai ds Corresp., éd. R. Duchêne, t. 3, p. 966: nous avons bu à votre santé [...] Mmede Grignan a commencé, les autres ont suivi [...]: « À la santé de M. l'ambassadeur [...] Tope à notre cher Gouverneur; tope à la grande Gouvernante... »); 2. 1629 toppe interj.pour porter ou accepter un défi à boire (Saint-Amant, Les Œuvres, XXX, 74 ds
Œuvres, éd. J. Lagny, t. 1, p. 206: Par la majesté de ce Broc, Par masse, toppe, cric et croc, Par ceste olive que je mange); 1631 (Id., Suite des œuvres, IV, Poète crotté, 15, t. 2, p. 33: Estendu contre une taverne [...] Comme il entendit crier Masse, Soudain d'une voix graisle et basse Respondit Toppe, et puis mourut); cf. 1640 (Oudin Curiositez: Tope, tope: je tiens le coup que vous me portez à la santé d'un tel); 1643 empl. subst. un tope gay, pront et clair (Saint-Amant, 2epartie des œuvres, XXVII, Le Cidre, 68, t. 2, p. 228). B. 1. a) α) 1620 topetingue interj. terme de jeu indiquant que l'on accepte l'enjeu proposé, empl. subst. (Jean Chapelain, Le Gueux ou la Vie de Guzman d'Alfarache, Lyon, S. Rigaud, 1639, 1repart., II, 2, p. 162: j'appris [...] à joüer aux osselets, à la patte [...], sceus la belle [...], le trente un [...] et les maniay en tous sens: les topetingue, les masse, les paroli [...] m'estans choses communes [1599, M. Alemán, G. de A., éd. S. Gili y Gaya, I, II, 2, t. 2, p. 26, 11: porque [...] me enseñé a jugar a la taba, al palmo [...] y la treinta y una [...]; pasé a mayores volviéndos boca arriba con topa y hago]); xviies. [ms.] (Ms B.N. 884, in Sigogne,
Œuvres, 205 ds Quem. DDL t. 19: Mas a dix, Topetingue);
β) 1645 tope et tingue (C. Oudin, Tesoro de las dos lenguas fr. y esp., Paris, A. Sommaville, s.v. topa: Parole du jeu qui veut dire je le tiens: aucuns disent topa y tengo que nous disons tope et tingue); b) 1620 taupe, tingue (Les Délices satyriques ds Quem., loc. cit.); 2. 1690 tope (Fur.). C. 1. 1671 dire tôpe à (qqc.) « donner son assentiment » (Sévigné, lettre 22 avr. ds Corresp., t. 1, p. 228: il est de bonne compagnie [mon fils], et dit tôpe [en it. ds le texte] à tout); 1680 (Rich.: Tôpe, j'y consens); 1728 (Ph. Poisson, Procureur arbit., sc. 5 ds Littré: Il me dit [...]: à tel endroit, demain. Tôpe, lui répondis-je en lui serrant la main); 2. 1690 (Fur.: Voulez-vous...? Tope à cela. C'est un homme complaisant qui dit toûjours tope); 3. 1704-52 (Trév.: taupe et tinc qui signifie de tout mon cœur, volontiers; taupe et grand-merci, cela est proverbial et populaire); 1771 (ibid.: taupe et tinque, taupe et tinque et grand-merci). Tope [et tingue], topetingue est empr. à l'expr. esp. topa y tengo, topa, terme de jeu (1621, C. Oudin, Tesoro de las dos lenguas fr. y esp., Paris, Tiffaine, s.v. topa: parole de jeu qui veut dire je le tiens; aucuns disent topa y tengo), forme du verbe topar « heurter, choquer » (xives., Juan Ruiz ds Cor. et Al.), également terme de jeu (1645, C. Oudin, v. toper), dér. du rad. onomat. topp- rendant le bruit d'un choc, la poignée de main de deux pers. qui concluent un accord, cf. toper I; de « défi au jeu », le sens s'est rapidement étendu à celui de « défi à boire », puis à celui de « assentiment donné ». Très tôt, le type tope, toper [ŏ] a subi l'infl. des dér. de l'étymon prélat. *talpa « patte » (ce dernier relevé sous la forme tarpe, taupe dep. 1360 dans le domaine fr.-prov. au sens de « grosse patte, grosse main », v. FEW t. 13, 1, p. 65 a; cf. tarpa « tache aux vêtements », Dur., 9058) de type tauper [ō] « frapper, battre », très proches des points de vue phonét. et sém., relevés dans les dial. de l'ouest, la Bourgogne, le département de la Moselle, en fr.-prov. et jusqu'en Gascogne (béarn. taupà « toper, toucher », Palay), tauper étant noté comme arg. des ouvriers par Delvau 1867; cf. supra les formes taupe, tauper notées jusque dans l'expr. taupe et tingue (1704). Le type taupe, tauper régressant progressivement, laissera peu à peu le champ libre au type toper (FEW t. 13, 1, p. 66 a, note 3). |