| SYNTHÉTIQUE, adj. A. − [P. oppos. à analytique] 1. Qui provient, résulte d'une opération de synthèse, qui constitue une synthèse. Art, dessin synthétique; caractère, construction synthétique; un exposé, un mémoire synthétique; une forme synthétique. En conséquence, mon opinion est que, maintenant, la partie synthétique de mon œuvre est complète et suffisamment paraphrasée (Lautréam., Chants Maldoror, 1869, p. 322).Ainsi la photographie peut ressusciter un réalisme que les recherches symboliques ou synthétiques de l'esthétique contemporaine avaient écarté et que de nombreux artistes se refusent actuellement à traduire dans leurs œuvres (Arts et litt., 1935, p. 30-18). − PHILOSOPHIE ♦ Jugement synthétique. Qui introduit dans un prédicat une notion qui n'est pas comprise dans le sujet et qui ne peut se vérifier que par les faits. [Kant] appelle synthétiques les jugements qui affirment d'un sujet un attribut qui n'y est pas contenu logiquement (Cousin, Philos. Kant, 1857, p. 46).Empl. subst. masc. à valeur de neutre. La notion kantienne du synthétique a priori, quelque ambiguë qu'elle reste par certains côtés, a ce mérite immense de souligner le fait que la rationalité peut subsister entièrement là où un élément radicalement étranger à tout mécanisme intervient (et même joue un rôle capital) (G. Marcel, Journal, 1914, p. 74). ♦ Méthode synthétique. Méthode qui consiste à construire la représentation par un progrès de thèses, antithèses et synthèses. Si la méthode synthétique a plus fréquemment égaré les philosophes et ceux qui ont voulu se faire les interprètes de la nature, c'est que, dans le plan de la nature, autant que nous en pouvons juger, la continuité est la règle, et la discontinuité l'exception (Cournot, Fond. connaiss., 1851, p. 386). − MATH. Démonstration, géométrie synthétique. Démonstration, géométrie qui s'opère, qui se résout par construction figurée et non par l'analyse algébrique. Après un siècle d'intense rivalité entre les deux conceptions opposées de la recherche géométrique, la géométrie synthétique, malgré son remarquable développement, apparaît à la fin du XIXesiècle en net déclin (Hist. gén. sc., t. 3, vol. 1, 1961, p. 29). − BIOL. Théorie synthétique. ,,Théorie, représentée spécialement par l'Anglais G. G. Simpson, qui fait la synthèse du mutationnisme et du darwinisme`` (Foulq.-St-Jean 1962). − P. ext. Qui envisage la totalité, qui considère l'ensemble des éléments. Le passage de la logique analytique à la dialectique synthétique ne peut combler l'écart qui sépare l'affirmation pure de soi de cette anxiété existante par laquelle le pain et le vin sont originairement bons (Ricœur, Philos. volonté, 1949, p. 90): Telle est donc, dans son exposé le plus succinct, la théorie synthétique de l'impôt, c'est-à-dire, si j'ose me permettre cette comparaison familière, de cette cinquième roue du char de l'humanité, qui fait tant de bruit, et qu'on appelle, en style gouvernemental, l'État.
Proudhon, Syst. contrad. écon., t. 1, 1846, p. 261. 2. [En parlant d'une pers. ou de ses attributs] Qui s'attache à synthétiser, dont la tendance d'esprit, d'intellect va vers la synthèse. L'analyse ne sait pas créer. Un homme simple, synthétique, sans critique, est plus puissant pour changer le monde et faire des prosélytes que le philosophe inaccessible et sévère (Renan, Avenir sc., 1890, p. 309).Esprit synthétique, aéré, accueillant, lucide, il fuyait les marottes, recherchait la critique (L. Daudet, Cœur brûlé, 1929, p. 8). − Empl. subst. Vous savez bien que les jeunes de ce temps sont des synthétiques. Et les types des Morticoles, où vous voulez voir le type d'un seul individu, sont des condensations des traits de dix médecins différents (Goncourt, Journal, 1894, p. 613). 3. [En parlant du caractère d'une démarche, d'un raisonnement] Qui est apte à la synthèse, qui est de nature à faire la synthèse. Tout redevient poésie dès que la connaissance, après avoir saturé les esprits, est de nouveau forcée de faire appel à l'intuition synthétique pour forcer le cercle rigide que tout système crée fatalement quand il épuise sa vertu (Faure, Espr. formes, 1927, p. 155).L'enquête de Heymans montre, avec une rigueur remarquable, que toutes les opérations où les femmes ont l'avantage sont celles précisément qui ne mettent pas en jeu l'émotivité. Alors le tour synthétique de leur esprit le rend plus inventif que celui de l'homme, toujours encombré de raisonnements (Mounier, Traité caract., 1946, p. 608). 4. LING. [En parlant d'une lang.] Qui marque les rapports grammaticaux par des modifications intérieures au mot ou en réunissant plusieurs morphèmes en un seul mot. De même l'arménien moderne semble avoir beaucoup plus de syntaxe et de construction synthétique que l'arménien antique, qui pousse très loin la dissection de la pensée (Renan, Avenir sc., 1890, p. 513).Cet effort de classification représente un net progrès sur la distinction traditionnelle de langues analytiques ou synthétiques, de langues isolantes, agglutinantes ou flexionnelles (Pottierds Langage, 1968, p. 314). ♦ Comparatifs synthétiques. Comparatif qui peut être formé de manière synthétique (angl. greater, fr. meilleur) ou analytique (fr. plus beau, moins grand) (d'apr. Mounier 1974). . Parasynthétique*. B. − CHIM., BIOL. 1. Qui concerne la synthèse naturelle ou spontanée d'une substance. Le parenchyme chlorophyllien, dont l'activité synthétique fabrique des produits (Plantefol, Bot. et biol. végét., t. 1, 1931, p. 223). 2. Qui est produit par synthèse artificielle. Résine, colle, paraffine, caoutchouc synthétique; parfum, diamant synthétique; hormone, hydrocortisone synthétique; fibre synthétique. Le lignite peut être également hydrogéné sous pression et constitue la matière première des carburants synthétiques allemands (Chartrou, Pétroles natur. et artif., 1931, p. 194).C'est contre ce deuxième risque que sont utilisées les pénicillines synthétiques qui ne sont pas neutralisées par la pénicillinase (Quillet Méd.1965, p. 275). − Empl. subst. Aucune entreprise caoutchoutière n'a entrepris directement la fabrication de caoutchouc synthétique, sauf Michelin qui a cédé ses participations aux deux grandes sociétés françaises de synthétique, la SOCABU et la société des élastomères de synthèse (Industr. fr. caoutch., 1965, p. 35). 3. P. méton. [En parlant d'un objet, d'une substance] Qui est constitué de produits synthétiques, élaboré avec des matériaux synthétiques. Légume synthétique; peau, cuir synthétique. Les paysans suffisaient à dévorer leur blé et il ne restait aux citadins que des aliments synthétiques aigrissant le caractère (Aymé, Puits, 1932, p. 114).Plutôt que de se faire construire un court pas épatant et dur sous la semelle, autant se servir de ce qu'il y a de plus chouette dans le genre: la terre battue synthétique (Le Point, 18 juill. 1977, p. 23, col. 1). − En partic. Tissu, textile synthétique et, p. ell., synthétique, subst. masc. Qui est fabriqué avec des fils, des fibres synthétiques. La mode, sans toutefois que les soieries et les beaux lainages aient perdu leurs droits, emploie la « rayonne » et des tissus « synthétiques », des « fermetures éclair », signe des temps (Villard, Hist. cost., 1956, p. 102).Nous avons ensuite mesuré l'efficacité de lavage des différents modèles, sur la base des cycles « basse température », les plus couramment utilisés actuellement, c'est-à-dire 60 C pour le coton et 40 C pour les synthétiques (Que choisir?nov. 1986, no222, p. 16, col. 3). C. − ÉLECTRO-ACOUST. [En parlant d'un son] Qui est produit par synthèse (v. synthèse I C). Le son synthétique. Cette suppression de l'intermédiaire aura d'autres conséquences. En variant intelligemment les aspects de cette gravure en creux ou de cette arabesque, on pourra obtenir des sons et des timbres absolument nouveaux (Arts et litt., 1935, p. 88-10).L'année dernière, il [Jean-Michel Jarre] bat les Américains sur leur propre terrain − la mégalomanie − en montant à Houston un extravagant spectacle mariant l'architecture verticale d'une ville, la musique synthétique et les effets visuels (Le Monde, Suppl. radio télév., 7/8 juin 1987, p. 13, col. 1). REM. -synthétique, élém. de compos. entrant dans la constr. de termes sav. en biol. et en chim.,où il qualifie un procédé ou un mécanisme d'élaboration de substance dans des adj. où le 1erélém. précise la nature ou le produit de cette élaboration. V. biosynthétique (dér. s.v. biosynthèse), chimiosynthétique (s.v. chimio-), photosynthétique (dér. s.v. photosynthèse). Prononc. et Orth.: [sε
̃tetik]. Att. ds Ac. dep. 1762. Étymol. et Hist. 1. a) 1602 adj. « relatif à la synthèse » (Fougerolle, Diog. Laerte, p. 322 ds Gdf. Compl.); spéc. 1877 ling. langue à demi synthétique, construction synthétique (Darm. Mots nouv., p. 156); b) 1837 esprit synthétique (Sand, Mauprat, p. 123); 1841 synthétique « qui a l'esprit de synthèse » (Comte, Philos. posit., 1894, t. 5, p. 121); 2. 1866 chim. adj. (Daubrée ds C.r. de l'Ac. des sc., t. 62, p. 200); 1924 subst. (Saint-Marcet, Elodéa ou la roue de la fortune, p. 73 ds Quem. DDL t. 13). Empr. au gr.
σ
υ
ν
θ
ε
τ
ι
κ
ο
́
ς « qui compose, assemble », dér. de σ
υ
́
ν
θ
ε
τ
ο
ς « composé, formé de », de σ
υ
ν
τ
ι
́
θ
η
μ
ι, v. synthèse. Cf. l'adj. synthésique « qui a le caractère de la synthèse » 1874 (Planchon, Rev. des Deux-Mondes, 15 sept., p. 404 ds Littré Suppl.), plus rare. L'expr. langue synthétique est due à l'écrivain et théoricien all. W. Schlegel (1767-1845), cf. Nouv. Lar. ill. Fréq. abs. littér.: 236. Fréq. rel. littér.: xixes.: a) 124, b) 508; xxes.: a) 282, b) 455. DÉR. Synthétiquement, adv.D'une manière synthétique, par une synthèse. a) [Corresp. à supra A] Anton. analytiquement.Comment un aveugle tel que le géomètre Saunderson eût-il pu démontrer synthétiquement les propriétés nombreuses des différents corps géométriques, si pendant qu'il touchait successivement chacune des faces d'un solide, sa pensée n'en avait pas embrassé simultanément l'ordre symétrique (Maine de Biran, Influence habit., 1803, p. 73).b) [Corresp. à supra B] C'est seulement vers 1910 que furent entreprises, en Allemagne, les premières tentatives pour obtenir synthétiquement du caoutchouc (Champetier, Chim. macromol., 1957, p. 39).− [sε
̃tetikmɑ
̃]. Att. ds Ac. dep. 1762. − 1reattest. 1725 (Mémoires de Trévoux, déc., p. 2199); de synthétique, suff. -ment2*. − Fréq. abs. littér.: 20. BBG. − Gall. 1955, p. 70. − Quem. DDL t. 20. |