| SYMBOLISME, subst. masc. A. − 1. Système de symboles. Symbolisme assyrien, égyptien; symbolisme chrétien; symbolisme algébrique, scientifique. Il faut comprendre à quelle aspiration profonde répond, sur quel vœu secret se fonde l'institution des signes, du langage et du symbolisme même de la science positive (Blondel, Action, 1893, p. 206): 1. Le symbolisme catholique s'empare (...) des pierreries et voit en elles les emblèmes des vertus chrétiennes. Alors, le saphir représente les aspirations élevées de l'âme; la calcédoine, la charité; la sarde et l'onyx, la candeur; le béryl allégorise la science théologique; l'hyacinthe, l'humilité, tandis que le rubis apaise la colère...
Huysmans, Là-bas, t. 2, 1891, p. 215. ♦ [Constr. avec un compl. prép. de désignant un objet, une matière, une figure, etc.] Signification(s) symbolique(s). Symbolisme des couleurs, des fleurs; symbolisme de l'eau, du fleuve; symbolisme du cercle. Le baptême déroulait ses cérémonies (...). Parmi les voix d'assez indifférents adultes, les vagissements d'un bébé et le symbolisme du sel, la vieille Église catholique confiait son Credo à cet enfant de peu de jours (Malègue, Augustin, t. 1, 1933, p. 242).Nous avons parlé du symbolisme de la mer à propos du signe des Poissons dominé par Neptune. L'océan est le milieu originel dont, historiquement, la vie est sortie; la mer est, psychologiquement, la matrice de la conscience (Divin.1964, p. 224). − En partic. Représentation figurée ou métaphorique. Une tête de mort (...) tenait lieu de pendule. Si elle n'indiquait pas l'heure, elle faisait du moins penser à la fuite irréparable du Temps. C'était le vers d'Horace traduit en symbolisme romantique (Gautier, Hist. romant., 1872, p. 15).J'ai lu, au-dessus d'un portail de granit, cette inscription d'un symbolisme amer et qui me renseigne sur l'incarcération de la pensée dans le style: Tali namque domo clauditur omnis homo, sentence qu'il me plaît de traduire ainsi: Tout homme est enfermé dans une maison pareille à lui-même (T'Serstevens, Itinér. esp., 1963, p. 231). 2. HIST. LITTÉR. Mouvement littéraire de la fin du xixes., représenté principalement par Verlaine, Rimbaud et Mallarmé, qui s'efforça, en opposition au naturalisme et au Parnasse, de développer un art poétique nouveau devant évoquer les objets à travers les sensations et les impressions qu'ils suscitent, dévoiler les réalités cachées derrière le réel conçu comme une allégorie, en exploitant toutes les ressources musicales et poétiques de la langue. Ce qui fut baptisé le Symbolisme se résume très simplement dans l'intention commune à plusieurs familles de poètes de reprendre à la musique leur bien (Valéry, Variété II, 1929, p. 153): 2. ... Rousseau et ses disciples − en cherchant dans l'abandon aux forces de l'inconscient le moyen de surmonter l'angoisse de la créature en proie au temps, − ouvrent la voie à cette lente évolution qui permettra l'éclosion du rêve. Et Sénancour, sans en avoir formé le vœu délibéré, atteint spontanément à cette magie des « correspondances » que cultivera le symbolisme.
Béguin, Âme romant., 1939, p. 336. − P. ext., dans le domaine des autres arts.Le symbolisme est l'art de traduire et de provoquer des états d'âme, au moyen de rapports de couleurs et de formes (...). L'artiste doit chercher, selon le mot de Cézanne, non pas à reproduire la nature, mais à la représenter par des équivalents, des équivalents plastiques. C'est le moyen d'expression (figures, formes, volumes, couleurs), et non l'objet représenté qui doit lui-même être expressif (M. Denis, Nouv. théories, 1922, pp. 175-176 ds Foulq.-St-Jean 1962).[Le] temps de la culture maladive, du raffinement littéraire est passé: ce fut celui des Préraphaélites et du Symbolisme pour Salon de la Rose-Croix ou des Artistes Français. Aujourd'hui, au contraire, où l'inculture générale est considérable, on incline à croire qu'un rappel à l'ordre dans le sens « Vinci » ou « Michel Ange », s'imposerait (Lhote, Peint. d'abord, 1942, p. 47). 3. LING. Symbolisme phonique ou phonétique. ,,Tendance à attribuer aux sons une valeur sémantique (dénotative ou connotative) en supposant qu'il existe une relation entre le signifiant et le signifié`` (GDEL). 4. PSYCHANALYSE a) Mode de représentation figurée indirecte fondé sur la relation unissant la signification manifeste d'un comportement ou d'une parole à leur sens latent, inconscient. Le symbolisme enveloppe toutes les formes de représentation indirecte, sans discrimination plus précise entre tel ou tel mécanisme: déplacement, condensation, surdétermination, figuration. Dès l'instant en effet où l'on reconnaît, à un comportement par exemple, au moins deux significations dont l'une se substitue à l'autre en la masquant et en l'exprimant à la fois, on peut qualifier de symbolique leur relation (Lapl.-Pont.1967). b) Mode de représentation caractérisé par la constance du rapport unissant le symbole au symbolisé latent, inconscient. L'essence du symbolisme consiste en un « rapport constant » entre un élément manifeste et sa ou ses traductions. Cette constance se retrouve non seulement dans les rêves, mais dans des domaines d'expression très divers (symptômes et autres productions de l'inconscient: mythes, folklore, religion, etc.) (...) Elle échappe relativement (...) aux prises de l'initiative individuelle; celle-ci peut choisir parmi les sens d'un symbole, mais non en créer de nouveaux (Lapl.-Pont.1967). Rem. La distinction entre un sens large (supra A 4 a) et un sens spécifique (supra A 4 b) du terme symbolisme, indiquée par Freud et développée par Jones dans sa théorie du symbolisme, semble peu marquée dans l'usage cour. en psychanal. (d'apr. Lapl.-Pont. 1967, p. 477). B. − PHILOS. Doctrine d'après laquelle l'esprit humain ne connaît que des symboles et qui tente de donner une interprétation symbolique de l'histoire. On proscrivit le dualisme manichéen des albigeois (...); on condamna à diverses reprises l'agnosticisme de Scot Érigène; le symbolisme d'Abélard ne fut pas épargné (Théol. cath.t. 4, 11920, p. 1170). Prononc. et Orth.: [sε
̃bɔlism̭]. Att. ds Ac. dep. 1878. Étymol. et Hist. 1635 sens? (Mersenne, Corresp., éd. P. Tannery, t. 5, p. 33: toutes ces questions et ces symbolismes), attest. isolée; 1. a) 1827 « emploi de symboles, figuration par des symboles » (Goulianof, Essai sur les hiéroglyphes d'Horapollon et quelques mots sur la cabale, p. 34 ds Quem. DDL t. 13); b) 1827 « système de symboles » (Eckstein, Le Catholique, no22, oct., p. 149, ibid., t. 22); c) 1846 « signification symbolique (d'une chose) » (F. d'Ayzac, Symbolisme des pierres précieuses ds Gde Encyclop., s.v. Ayzac et Bach.-Dez. 1882, s.v. symbole); 2. 1842 philos. (Ac. Compl.); 3. 1886 litt. (Jean de Bruxelles, Chronique belge in La R. littér. et artist., no37, avr., pp. 258-259 ds Quem. DDL t. 15: symbolisme, décadence, mysticisme effréné); 1886 (Moréas ds Le Figaro littér., 18 sept., p. 2: Un manifeste littéraire: le Symbolisme [...] Nous avons déjà proposé la dénomination de Symbolisme); 4. a) 1916 psychanal. « mode de représentation indirecte et figurée d'une idée, d'un conflit, d'un désir inconscients » (Ch. Baudoin, Symbolisme de quelques rêves in Arch. de psychol., t. 16, p. 142 ds Quem. DDL t. 29); 1950 (Choisy, Psychanal., p. 202); b) 1967 « mode de représentation qui se distingue principalement par la constance du rapport entre le symbole et le symbolisé inconscient » (Lapl.-Pont.); 5. 1958 ling. (M. Chastaing, Le symbolisme des voyelles ds J. de psychol., t. 55, pp. 403); 1958 symbolisme phonétique (Id., ibid., p. 470). Dér. de symbole*; suff. -isme*. Au sens 5, cf. l'angl. phonetic symbolism (1929, E. Sapir, A study in phonetic symbolism ds J. of Experimental Psychology, t. 12 ds P. Delbouille, Poésie et sonorités, 1961, p. 255). Fréq. abs. littér.: 302. Fréq. rel. littér.: xixes.: a) 94, b) 127; xxes.: a) 657, b) 740. Bbg. Champigny (R.). Trois déf. du symbolisme. Comparative literature studies. 1967, t. 4, pp. 127-133. − Moreau (P.). Symbole, symbolique, symbolisme. Cah. Assoc. internat. ét. fr. 1954, t. 6, pp. 123-129. − Quem. DDL t. 22, 29. |