| SULTAN, subst. masc. A. − [Désigne une pers.] 1. a) Dans les pays musulmans ou fortement islamisés, chef temporel puis souvent également spirituel, souverain d'un État plus ou moins important. Les tombeaux dont les khalifes fatimites et les sultans mameluks ont enrichi les solitudes qui avoisinent le Kaire (Du Camp, Nil, 1854, p. 37).Toghroul-beg le Seldjoukide, entra à Bagdad et s'imposa au khalife arabe comme vicaire temporel et sultan (Grousset, Croisades, 1939, p. 3). SYNT. Le sultan Saladin; le sultan d'Égypte, de Damas, de Perse, du Maroc; cour, palais du sultan; favorite, fils, filles du sultan; le sultan ordonne; se présenter au sultan, chez le sultan, devant le sultan. b) En partic. [Avec ou sans compl. déterm.] Souverain de l'Empire ottoman. Synon. Grand Seigneur*, Grand Turc*.Le sultan de Constantinople, des Turcs. Paris était repu de Majestés et d'Altesses; il avait acclamé l'empereur de Russie et l'empereur d'Autriche, le sultan et le vice-roi d'Égypte (Zola, Argent, 1891, p. 272). c) [Suivi ou non d'un trait d'union; entre dans la dénom. d'édifices relig. musulmans] Les mosquées, les tombeaux de même couleur que le sol (...). Sultan-Barkouk. Nous y entrons. Le cloître, la chapelle, où est le tombeau (de) Caïd-Ali (Fromentin, Voy. Égypte, 1869, p. 153).[Sainte-Sophie] se trouve à proximité (...) de la mosquée Sultan Ahmed (A. Dhina, Cités musulmanes d'Orient et d'Occident, Alger, Entreprise Nat. du Livre, 1986, p. 44). d) [Dans diverses loc. faisant allusion à des caractéristiques propres à un sultan, en partic. au souverain de l'Empire ottoman, en tant que maître d'un harem] Air, ton, geste de sultan; être comme un sultan; trancher du sultan. [Il] flâna dans les coulisses du théâtre où il se promenait en sultan, où toutes les actrices le caressaient par des regards brûlants et par des mots flatteurs (Balzac, Illus. perdues, 1839, p. 429). − Empl. adj., rare. Robe de chambre de soie à fleurs, qui lui donne l'air tout à fait sultan (Sand, Jacques, 1834, p. 142). 2. P. anal. a) Vieilli. Homme qui, par son état, sa situation, ses actes, présente certaines caractéristiques propres à un sultan. Presque toutes ces petites filles étaient amoureuses de leurs professeurs (...). Elles travaillaient comme des anges, pour se faire bien voir de leur sultan (Rolland, J.-Chr., Amies, 1910, p. 1106).Le sultan de la finance et le protecteur des beaux-arts (Duhamel, Passion J. Pasquier, 1945, p. 179). b) En appos., rare. Le docteur Pozzi (...) sultan par la barbe, houri par l'œil (Colette, Apprent., 1936, p. 112). B. − [Désigne une chose] 1. HIST. DE L'AMEUBL. Meuble de toilette réservé aux femmes consistant en une corbeille garnie de soie et destinée à ranger les gants, les éventails, des produits de toilette. Le sultan, d'un goût plus simple, était orné de guirlandes de roses exécutées en chenille avec un art extrême, et renfermait des gants, des essences, des pâtes, des pastilles (Jouy, Hermite, t. 2, 1812, p. 117). 2. Vieilli. ,,Sachet rempli d'espèces aromatiques que l'on met dans les coffres à linge`` (Mots rares 1965). REM. Sultanien, -ienne, rare.Propre au sultan, à l'État dont il est le souverain. Armée sultanienne. Déjà les grands étendards sultaniens étaient, en signe d'armistice, arborés sur la maîtresse tour (Grousset, Croisades, 1939, p. 383). Prononc. et Orth.: [syltɑ
̃]. Att. ds Ac. dep. 1694. Étymol. et Hist. 1. a) 1519 sultan « souverain de l'empire ottoman » ([T. Spandugino] La genealogie du grand Turc, Paris, A VI rods Z. rom. Philol. t. 107, p. 376); b) 1610 « souverain de certains pays musulmans » (P. de Deimier, Ac. de l'art poét., p. 525: un sultan d'Egypte); 2. a) 1756 fig. « despote, tyran » (D'Holbach, Christianisme, p. 13); b) 1775 fig. « homme qui entretient plusieurs maîtresses » (N. J. L. Gilbert, Le 18es., p. 7); 3. a) 1789 « coussin rempli de parfums » (Encyclop. méthod. Mécan. t. 6, p. 60); b) 1802 « corbeille garnie de soie » (Dict. de l'Ac. fr., nouv. éd. par Laveaux d'apr. Robert G. Mots et dict.). Empr. à l'ar.sulṭān « pouvoir, domination, autorité; sultan » (cf. soudan), mot également passé en turc sultan. Au sens 3 a, cf. sultane « espèce de coussin rempli de parfums » ([L. A. Caraccioli], Dict. crit., pittoresque et sentencieux, Lyon, 1768, t. 3, p. 180). Fréq. abs. littér.: 845. Fréq. rel. littér.: xixes.: a) 1 544, b) 722; xxes.: a) 756, b) 1 433. DÉR. 1. Sultanat, subst. masc.a) Dignité de sultan; régime politique correspondant; règne d'un sultan. Le sultanat a été supprimé en Turquie en 1923 (Quillet1965, s.v. sultan).[Dans un cont. anal.] Pendant les trois ou quatre dernières années de son sultanat, beaucoup d'écrivains patriotes réclamèrent la tête de M. Delcassé (Maurras, Kiel et Tanger, 1914, p. 164).b) État plus ou moins important ayant à sa tête un sultan. Sultanat d'Oman. [Les Peuls] qui ont fondé les sultanats du Cameroun septentrional (Griaule, Méth. ethnogr., 1957, p. 30).− [syltana]. − 1resattest. a) 1842 « dignité, règne d'un sultan » (Ac. Compl.), b) 1889 « état sous l'autorité d'un sultan » (Renan, Hist. peuple Isr., t. 2, p. 192), 1890 (Lar. 19eSuppl., s.v. Zanzibar); de sultan, suff. -at*. 2. Sultanin, subst. masc.Ancienne monnaie d'or de divers pays musulmans (Turquie, Égypte, Tunisie, Algérie). Avant la prise d'Alger, le sultanin dont on se servait dans la régence valait 8 fr. 37 c. (Littré).− [syltanε
̃]. Att. ds Ac. 1835, 1878. − 1resattest. 1519 sultany ([T. Spandugino] op. cit., B III rods Z. rom. Philol. t. 107, p. 379), 1542 soultanis (B. de La Borderie, Discours du voyage de Constantinoble, Lyon, 38, ibid.: un soultanis pour teste), 1559 sultanin (G. Postel, De la République des Turcs, p. 32, ibid.); empr. au turc sultani « monnaie valant dix aspres », (dér. de sultan « sultan »), puis adapt. au moy. du suff. -in*. BBG. − Quem. DDL t. 10, 18. |