| SUFFISANT, -ANTE, adj. I. − Qui suffit. A. − Qui entraîne à soi seul un certain effet ou qui permet à soi seul d'obtenir un certain résultat. 1. [En parlant de choses] Le marquis est mort, madame; n'est-ce point une cause suffisante à l'ajournement d'un mariage que la mort d'un mari et d'un père? (Dumas père, P. Jones, 1838, V, 8, p. 204). − LOG. Condition nécessaire et suffisante. V. nécessaire I A. − Il paraît, il semble suffisant de + inf.Je serais fort embarrassé de nommer seulement les seize tragédies françaises, et il me paraît suffisant d'indiquer la Cléopâtre captive de Jodelle (1552), les Délicieuses Amours de Marc-Antoine (A. France, Vie littér., 1892, p. 111). − C'est suffisant. C'est assez. Un homme tué, un homme blessé dans la même nuit, il me semble que c'est suffisant (Dumas père, Lorenzino, 1842, I, 6, p. 203).Il l'aimait encore: c'était suffisant (Arland, Ordre, 1929, p. 378). 2. [En parlant de pers.] Synon. convenable, correct, honorable.Il y a (...) chez les femmes, des qualités de flexibilité qui les plient assez aisément à toutes les conditions de la vie sociale... On fera une petite duchesse très suffisante avec la fille d'un parvenu (Feuillet, Honn. d'artiste, 1890, pp. 177-178): Mon petit frère (...) ne passera que l'an prochain dans la classe suivante. Suffisant en mathématiques (...), il a été au-dessous de tout en littérature française...
Courteline, Ronds-de-cuir, Mon pt frère, 1892, p. 202. B. − Dont la quantité, la force, l'intensité sont à la juste mesure de ce qui est nécessaire. 1. [Dans le domaine du concr.] Épaisseur, température, vitesse suffisante; moyens suffisants. Nous commençâmes nos échanges avec un tel succès, que dans peu d'heures nous eûmes à bord près de trois cents cochons, et une provision suffisante de légumes, qui ne coûtèrent que quelques morceaux de fer (Voy. La Pérouse, t. 4, 1797, p. 13).Je recevais des sommes plus que suffisantes pour ton entretien (Dumas père, Darlington, 1832, I, 1ertabl., 9, p. 49).Empl. subst. Ce qui suffit pour vivre. Monsieur le maître ne te donne pas toujours ton suffisant (Fabre, Xavière, 1890, p. 120). 2. [Dans le domaine de l'abstr.] [Gobseck] vous donnera de l'argent (...) si vous lui présentez des garanties suffisantes (Balzac, Gobseck, 1830, p. 408).C'était une de ces farces dans le genre de Pathelin (...) Rabelais (...) nous en donne un résumé très suffisant pour en connaître l'action (A. France, Rabelais, 1909, p. 28). ♦ THÉOL. Grâce suffisante. ,,Grâce divine rendant possible l'action bonne, par opposition à la grâce efficace qui fait accomplir cette action`` (Aur.-Weil 1981). Tout croyant porte en lui la grâce suffisante (Hugo, Cromwell, 1827, p. 159). ♦ VERSIF. Rime suffisante. Rime dans laquelle la consonne d'appui est différente. On appelle rimes riches celles qui présentent l'homophonie d'un élément de plus que ceux qui sont indispensables aux rimes suffisantes (Grammont, Versif. fr., 1908, p. 36). − Empl. subst. masc. sing. à valeur de neutre. Mon goût du net, du pur, du complet, du suffisant, conduit à un système de substitutions (Valéry, Tel quel II, 1943, p. 226). II. − [Corresp. à suffisance II] Prétentieux, imbu de sa personne. Synon. fat, glorieux, vaniteux.Il y avait là toute une colonie d'étudiants (...) braves garçons un peu glorieux, suffisants et réjouis (A. Daudet, Trente ans Paris, 1888, p. 9).Au physique, c'était ce qu'on appelle un gosse de riche, de visage agréable, bien bâti, l'air à la fois timide et suffisant (Giono, Chron., Noé, 1947, p. 209). − Empl. subst. Mieux même il cherche le mépris des suffisants, des gonflés (Queneau, Loin Rueil, 1944, p. 161). Prononc. et Orth.: [syfizɑ
̃], fém. [-ɑ
̃:t]. Att. ds Ac. dep. 1694. Étymol. et Hist. A. 1. Déb. xiies. estre sufisanz « être satisfait » (Psautier d'Oxford, éd. Fr. Michel, 118, 141); 2. a) ca 1175 sofisant « qui est en quantité assez grande » (Benoît de Ste-Maure, Chronique des Ducs de Normandie, 8804 ds T.-L.); b) 1910 empl. subst. avoir le suffisant (C. Vincent, Le Péril de la langue fr., p. 170 ds Quem. DDL t. 21); 3. 1269-78 soffisanz a + inf. « capable de » (Jean de Meun, Roman de la Rose, éd. F. Lecoy, 5498); xiiies. souffissant de + inf. « digne de » (Jehan Legier a Sendrart Certain ds Recueil des Jeux-Partis, éd. A. Lang̊fors, p. 67); 4. 1624 raison suffisante « qui suffit à expliquer » (Le Père Mersenne, L'Impiété des Deistes, p. 432); spéc. 1710 (Leibnitz, Théodicée, I, 441 ds Lal., s.v. raison); 5. 1657 théol. grâce suffisante (Pascal, Provinciales, p. 2); 6. 1765 rime suffisante (Encyclop.). B. 1. 1601 « qui a une trop haute idée de soi » faire le suffisant (P. Charron, De la Sagesse, Trois Livres, p. 524); 2. 1732 un ton bien suffisant (Destouches, Glorieux, III, 7 ds Littré). Part. prés. adj. de suffire*. Fréq. abs. littér.: 2 134. Fréq. rel. littér.: xixes.: a) 2 980, b) 2 849; xxes.: a) 2 601, b) 3 441. |