| SUAIRE, subst. masc. A. − ANTIQ. LAT. Pièce d'étoffe (de la dimension d'un mouchoir) qui servait à éponger la sueur du visage; p. ext., voile dont on recouvrait la tête et le visage des morts. (Dict. xixeet xxes.). B. − Littér. Pièce d'étoffe dans laquelle on ensevelit un mort. Synon. linceul.Plis d'un suaire; être enveloppé, recouvert d'un suaire. Les ensevelisseurs avaient pendant la nuit (...) cousu le corps (...) dans le suaire qui drape lugubrement les trépassés (...). Ce suaire n'était autre chose qu'une pièce de magnifique batiste (Dumas père, Monte-Cristo, t. 2, 1846, p. 591).[Gide] me parle de deux portraits de ce poète [John Donne], l'un jeune, alors qu'il était très beau, l'autre mort et dans son suaire (...) le second a été fait du vivant de Donne qui, pour satisfaire sans doute à son étrange obsession de la mort, avait ordonné qu'on le représentât ainsi, les yeux fermés et le visage pris dans un suaire noué, à la mode du temps, au sommet du crâne (Green, Journal, 1950, p. 335). ♦ P. métaph. L'Angleterre était enveloppée d'un suaire de neige et de frimas (Cendrars, Bourlinguer, 1948, p. 290).[Symb. de la mort, de la disparition] Ce qui paraît dès maintenant probable, c'est que la littérature sera le suaire de la bourgeoisie (Aymé, Confort, 1949, p. 186). ♦ Saint Suaire. Relique sacrée considérée comme le linceul dans lequel le Christ aurait été enseveli. Après plusieurs siècles passés dans l'ombre, le Saint-Suaire est conservé par les empereurs de Byzance jusqu'en 1204. Il séjourne en France où Besançon, Lirey (près Troyes), Chambéry sont ses principales étapes. Il franchit les Alpes en 1578 et de son dernier séjour dans cette ville, il a gardé le nom de Suaire de Turin (A. Legrand, Le Linceul de Jésus, Paris, Apostolat des Éditions, 1979, p. 2). − En partic. Drap blanc dans lequel on représente traditionnellement les fantômes, les revenants. Apparitions en suaire. Munis de draps et de lampes, les pieds nus, nous descendons l'escalier (...). Minuit sonne. (...) j'allume une lampe et nous commencions à nous équiper et à draper nos suaires, lorsque je vois la poignée de la porte qui tourne lentement (Cocteau, Théâtre poche, 1949, p. 151). ♦ P. compar. Les tiges blanches des bouleaux semblaient une rangée de fantômes dans leurs suaires (Sand, Mare au diable, 1846, p. 97). − P. anal. Pièce d'étoffe qui enveloppe, recouvre quelque chose ou quelqu'un. Au milieu du plafond pend un lustre soigneusement enveloppé dans un suaire de percaline verte (Balzac, Pierrette, 1840, p. 41).Monsieur de La Baudraye peut vivre cent ans, mais il peut aussi périr en neuf jours faute d'avoir mis le suaire de flanelle dont il s'enveloppe (Balzac, Muse départ., 1844, p. 170). Prononc. et Orth.: [sɥ
ε:ʀ]. Ac. 1694: le saint Suaire; 1718: (le) Saint Suaire, (un) saint Suaire; 1740, 1762: (le) Saint Suaire, (un) Saint Suaire; 1798: (le) saint Suaire, (un) saint Suaire; dep. 1835: (le) saint suaire, (un) saint suaire (id. ds Littré); Rob.: le saint suaire, mais Lar. Lang. fr.: le Saint Suaire et Rob. 1985: le Saint-Suaire. V. saint. Étymol. et Hist. 1. a) 1200 suaire « linge qui a servi à ensevelir le Christ » (Destruction de Rome, 1273 ds T.-L.); 1636 saint suaire (Monet); b) 1175 « linceul pour ensevelir les morts » (Benoît de Ste-Maure, Ducs Normandie, éd. C. Fahlin, 27254); 2. 1538 « linge propre à essuyer la sueur du visage ou du corps » (Est.); terme d'antiq. dep. Besch. 1845; 3. 1836 « ce qui enveloppe quelque chose à la façon d'un linceul » (Musset, Confess. enf. s., p. 13). Francisation d'apr. suer* du lat. eccl. sudarium « linge qui a servi à ensevelir le Christ » (d'où l'a. fr. sudarie, Pèlerinage Charlemagne, éd. G. Favati, 770), lat. class. « mouchoir, linge pour s'essuyer la figure », lui-même dér. de sudare, v. suer. Fréq. abs. littér.: 222. Fréq. rel. littér.: xixes.: a) 229, b) 563; xxes.: a) 388, b) 212. |