| STABILITÉ, subst. fém. Caractère, qualité de ce qui est stable ou en équilibre stable. Anton. instabilité.A. − 1. Caractère de ce qui reste en place, sans bouger ni tomber. Pied de grandes dimensions assurant une parfaite stabilité (Catal. instrum. lab. (Prolabo), 1932, p. 128).Avant de s'asseoir (...) M. Élie vérifia la stabilité de sa chaise (Montherl., Célibataires, 1934, p. 740). − [Avec une idée de solidité notamment dans le domaine de l'archit., de la constr., des trav. publ.] ,,État d'une construction qui demeure en bon état d'équilibre, sans rupture ni tassement des matériaux qui la composent`` (Vogüé-Neufville 1971). Stabilité d'un édifice, d'un mur, d'une chaussée; lois de stabilité et de cohésion des matériaux; augmenter par des contreforts la stabilité d'une paroi. Mais il y a [en architecture] deux genres de solidité, la pesanteur et la cohésion. La solidité par la pesanteur s'appelle stabilité (Ch. Blanc, Gramm. arts dessin, 1876, p. 113): 1. Il s'agit là d'utiliser pour la confection de la chaussée − ou tout au moins de sa fondation − le sol naturel lui-même, s'il s'y prête, en améliorant ses propriétés par l'addition des éléments qui lui manquent pour lui conférer une stabilité et une résistance suffisantes: addition de sable à un terrain argileux ou d'argile à un terrain sableux, incorporation de ciment ou de bitume, etc.
J. Thomas, Route, 1951, p. 317. 2. Spécialement a) MÉCAN. ,,Tendance d'un système à demeurer dans un état d'équilibre ou de régime permanent`` (Mathieu-Kastler Phys. 1983). Stabilité de l'équilibre; stabilité dynamique; stabilité négative, positive. Les conditions de stabilité s'expriment par des propositions importantes (Mathieu-KastlerPhys.1983). b) MOYENS DE TRANSP. [À propos d'un navire] Faculté de conserver un cap constant sans qu'il soit nécessaire à l'homme de barre de manœuvrer fréquemment le gouvernail. [Le cuirassé] représentait le type de bâtiment de combat individuellement le plus puissant en raison (...) de sa vitesse (...), de sa flottabilité et de sa stabilité, qui étaient aussi grandes que possible (Le Masson, Mar., 1951, p. 15).[À propos d'un aéronef] Capacité d'un aéronef à retrouver une assiette de vol normale après une modification inopinée (d'apr. Thies Aéromodélisme 1984). Le pilote fait des embardées et ne gouverne pas régulièrement au cap donné, surtout si la stabilité de route de l'aéronef est mauvaise (A.-B. Duval, Hébrard, Nav. aér., 1928, p. 49).[À propos d'une automob.] Bonne tenue de route. Par qualité des pneus il faut d'ailleurs entendre aussi bien la résistance à l'usure et aux fatigues de toutes sortes que leur impose la route, l'adhérence au sol, les caractéristiques qui donnent aux véhicules leur stabilité, que le silence et le confort (Tinard, Automob., 1951, p. 344).[À propos de véhicules ferroviaires] ,,Ensemble des phénomènes accompagnant la circulation des véhicules ferroviaires et ne présentant pas de caractère oscillatoire entretenu`` (Lar. encyclop. Suppl. 1975). B. − [Avec une idée d'absence de variation] 1. [Dans le temps] a) Capacité à conserver ses caractéristiques initiales, à ne pas subir de transformations plus ou moins spontanées. La conception évolutionniste de Lamarck (...) suppose que celles-ci [les espèces] passent de l'une à l'autre et qu'elles n'ont pas été l'objet de créations individuelles. L'espèce possède une stabilité provisoire en rapport avec la stabilité du milieu (Hist. gén. sc., t. 3, vol. 1, 1961, p. 542). b) Spécialement − AGRIC., GÉOL. Stabilité (d'un sol). Capacité de résister à l'action des agents de dégradation. La couverture herbacée accroît la stabilité structurale du sol et freine efficacement l'érosion (Boulay, Arboric. et prod. fruit., 1961, p. 93). − CHIM. Propriété d'un corps, d'un composé, qui est dans son domaine d'équilibre et ne peut être le siège d'aucune réaction spontanée (d'apr. Duval 1959). Au point de vue chimique, la stabilité de l'arsenic dans le stovarsol [produit pharmaceutique] est grande. On peut chauffer impunément à l'ébullition des solutions neutres légèrement acides ou légèrement alcalines (Ce que la Fr. a apporté à la méd., 1946 [1943], p. 74).Si nous envisageons la série des ions et la stabilité des assemblages qu'ils forment, celle-ci décroît à mesure que le diamètre de l'ion croît et que la valence décroît. Le tétraèdre constitué par l'aluminium et plus encore par le fer ferrique est beaucoup moins stable que celui constitué par le silicium (Caillère, Hénin, Minér. argiles, 1963, p. 32).Stabilité d'une suspension. Capacité d'une suspension à rester semblable à elle-même sans décantation, sinon lente, des particules. La méthode [des mesures de densités], si elle est d'un emploi commode, fait l'objet d'une critique assez sérieuse: elle est très sensible à la stabilité de la suspension (Caillère, Hénin, Minér. argiles, 1963, p. 81). − INDUSTR. AGRO-ALIM. Propriété d'une denrée à résister à l'action de facteurs extérieurs qui pourraient la faire évoluer. La stabilité est un des composants essentiels de la qualité des denrées (Clém.Alim.1978). − PÉTROCHIM. Qualité d'un produit pétrolier qui ne s'altère pas en cours de stockage ou d'utilisation. Éprouvette graduée bouchée émeri (...) pour le contrôle de la stabilité au stockage des émulsions bitumineuses pour routes (Catal. instrum. lab. (Prolabo), 1932, p. 238).La stabilité des essences exige des inhibiteurs contre la formation de gommes; celle des lampants et des huiles de graissage concerne avant tout la couleur, qui ne doit pas devenir plus foncée avec le temps (Lar. encyclop.). − PYROTECHNIE. Résistance d'une substance explosive à s'altérer spontanément. La stabilité ne peut être précisée que dans des conditions définies (Pyrotechnie1972).Les épreuves de stabilité (...) « épreuve de résistance à 110 C », ont pour objet d'évaluer le degré de stabilité de ces substances, soit à la fin de leur fabrication, soit au cours de leur conservation (GDEL). − PHYS. NUCL. Capacité à ne pas se désintégrer spontanément; fait de ne pas présenter de radioactivité mesurable. Les premières connaissances sur la stabilité des atomes ont été obtenues alors que la notion de noyau n'existait pas encore (...) la stabilité nucléaire exige un certain rapport entre la charge et la masse du noyau (Joliot, Curie, Radioact. artif., 1935, p. 3). 2. [Dans l'espace; avec une idée d'immobilité, de sédentarité] a) [À propos d'une pers.] Fait de ne pas être mobile, de ne pas changer constamment ou fréquemment de lieu de résidence. Le chef d'entreprise (...) devrait bien méditer sur les avantages multiples que peut lui conférer la création d'équipes sportives dans son personnel: rendement accru de la production, esprit de communauté, stabilité de la main-d'œuvre (Becquet, Organ. loisirs travaill., 1939, p. 69). − En partic. Fait de garder un même emploi. Stabilité professionnelle. Politique des anciennes compagnies de chemin de fer payant à leur personnel des salaires relativement faibles mais leur assurant en contre partie une parfaite stabilité d'emploi et d'importants avantages complémentaires (Meynaud, Groupes pression en Fr., 1958, p. 262).Quand on discute de l'amélioration de la situation des chercheurs dans le sens d'une amélioration de la stabilité, on se heurte toujours à cette crainte que la fécondité du chercheur ne s'épuise rapidement avec l'âge (Encyclop. éduc., 1960, p 267). b) [À propos d'un inanimé] Caractère de ce qui ne bouge pas, qui se maintient dans la durée. Le magicien est censé pouvoir procurer à ses clients la richesse, la santé. Les rites religieux peuvent aussi avoir cet effet, selon la croyance des fidèles, ou bien ils contribuent à la stabilité du monde, à la prolifération des espèces animales, ils assurent de bonnes récoltes (Jeux et sports, 1967, p. 802). − MUS., HARM. ,,Propriété qu'à une note ou un accord de créer une impression statique de repos`` (Mus. 1976). [Les] compositeurs modernes (...) se trompent parfois, faute de bien connaître les conditions de stabilité de l'édifice harmonique qu'ils construisent (Durutte, Esthét. mus., 1876, p. 353). C. − Au fig. 1. [À propos d'une pers.] Constance dans la conduite, les idées, les choix. Conférer, donner de la stabilité (à qqn). Maze a raison; ces femmes qui n'ont pas de sens manquent de stabilité, même dans l'intelligence. Elles sont capricieuses et décevantes (Chardonne, Épithal., 1921, p. 446). − P. méton. ♦ [À propos d'un affect, d'un comportement] Synon. de permanence.Les rythmes psychiques: entre le changement pur qui ne ramènerait jamais un être au même état, et l'identité pure qui le maintiendrait absolument égal à lui-même, le rythme assure un certain retour, et par suite, une certaine stabilité dans le changement (Mounier, Traité caract., 1946, p. 281): 2. En pensant l'univers et en nous pensant nous-mêmes, nous engendrons un ordre de l'être intermédiaire entre l'instantanéité de l'être des corps et la permanence éternelle de Dieu. Pourtant, l'homme passe lui-même sous cette frêle stabilité de sa mémoire, qui va sombrer à son tour dans le néant si Dieu ne la recueille et ne la stabilise.
Gilson, Espr. philos. médiév., 1932, p. 184. ♦ [À propos des faits soc., des instit. soc.] La forme du mariage n'est pas tout; il faut encore se préoccuper de sa stabilité. Il y a à cet égard de grandes différences, entre les diverses sociétés humaines (Tiers Monde, 1956, p. 164).Le plus fréquemment, la religion se présente au sociologue comme une puissance de stabilité, de bon ordre moral et social, comme une norme doublant d'une référence divine les règles terrestres du bien-vivre (Univers écon. et soc., 1960, p. 64-9). 2. [À propos d'un inanimé] a) Caractère de ce qui ne varie pas, de ce qui demeure au même niveau, à la même valeur. Le mot « dépôt » implique plus de stabilité que l'expression « compte courant », qui évoque l'idée d'un flux et d'un reflux, et admet la possibilité de soldes actifs ou passifs (Baudhuin, Crédit et banque, 1945, p. 165). b) Spécialement
α) ÉCON. [Avec une idée d'équilibre] Stabilité d'un marché, des cours (du pétrole, de la Bourse). Cet examen de la problématique des croissances liées aide à préciser liminairement la place qui revient à la théorie néo-classique dans l'interprétation des rapports entre stabilité financière et équilibre de la balance des paiements (Perroux, Écon. XXes., 1964, p. 521). ♦ Stabilité du pouvoir d'achat. Maintien de la quantité de biens ou services que peut procurer une unité monétaire à un moment donné. Dans des périodes de hausse de prix inflationniste, la fonction sociale de l'impôt − celle du « nivellement » des revenus et fortunes − doit être reléguée au second plan pour des raisons relatives à la considération des buts économiques et monétaires (stabilité du pouvoir d'achat de la monnaie, équilibre des balances extérieures) (Univers écon. et soc., 1960, p. 48-1). ♦ Stabilité de la monnaie, stabilité monétaire (par rapport à une autre, à d'autres monnaies). Fait pour une monnaie de ne pas subir de tensions à la hausse ou à la baisse, de ne pas subir de dévaluation ou de réévaluation. Stabilité du dollar, du franc. Alors que les classiques limitaient le rôle de l'État à la protection de la stabilité de la monnaie et à la gestion équilibrée des finances publiques, Keynes accorde à l'État un rôle décisif dans toute l'activité économique (Lesourd, Gérard, Hist. écon., 1968, p. 172). ♦ Stabilité des prix. Fait pour les prix de ne pas subir de trop fortes augmentations. Les progrès sont supposés acquis seulement moyennant l'instabilité; la stabilité des quantités et celle des prix, la stabilité des prix et celle des changes sont considérées comme incompatibles entre elles (Perroux, Écon. XXes., 1964, p. 570). ♦ Contrats de stabilité. ,,Accords passés entre les professions et les pouvoirs publics pour maintenir la stabilité des prix`` (GDEL).
β) POL. [À propos d'un régime, d'une constitution] Caractère d'équilibre provenant de la pondération des pouvoirs, de ce qu'ils se contiennent mutuellement sans faire courir le risque de crise. La stabilité constitutionnelle, la puissance et la prospérité américaine ont valu à la Constitution américaine de nombreux admirateurs (Vedel, Dr. constit., 1949, p. 167). ♦ Stabilité gouvernementale. ,,Caractéristique d'un régime parlementaire dans lequel les changements gouvernementaux sont peu fréquents`` (GDEL). Stabilité ministérielle. ,,Continuité dans les titulaires de certains postes ministériels, même en cas d'instabilité gouvernementale`` (GDEL). Quant aux effets de l'existence du cabinet sur la hiérarchie classique et sur les relations entre l'administration centrale et le ministre, ils sont, à l'évidence, différents en période d'instabilité ou de stabilité ministérielle (Belorgey, Gouvern. et admin. Fr., 1967, p. 91). − [Dans le cont. des relations internat.] L'arme nucléaire introduit un facteur de stabilité absolument nouveau. Là où son action se fait sentir, les situations se figent, alors que, là où elle est absente, le bouleversement s'accélère (Beaufre, Dissuasion et strat., 1964, p. 203). c) P. anal., MÉTÉOR. Stabilité (hydrostatique). ,,État d'équilibre hydrostatique de l'atmosphère dans lequel une particule d'air écartée légèrement de son niveau initial est soumise à une force hydrostatique tendant à l'y ramener`` (Villen. 1974). Stabilité de l'atmosphère; zone de stabilité; stabilité absolue. Les régions d'entropie croissante sont des régions de stabilité (Delc.1926).Quand il y a dans l'atmosphère une inversion de température, cette inversion (...) donne une grande stabilité à la couche correspondante (Maurain, Météor., 1950, p. 120). Prononc. et Orth.: [stabilite]. Att. ds Ac. dep. 1694. Étymol. et Hist. 1. a) 1119 stabilitet « qualité de ce qui a une assiette ferme » (Philippe de Thaon, Comput, 983 ds T.-L.); b) 1832 « propriété d'un corps de revenir à son équilibre après de petites oscillations » (Raymond); c) 1862 aéron. (Presse sc. des Deux Mondes, II, 118 ds R. Ling. rom. t. 47, p. 202); 2. a) fin xiies. « fermeté, constance (de l'esprit, des sentiments) » (Règle de S. Benoit, ms. Sens, p. 162 ds Gdf. Compl.); b) 1406 « qualité de ce qui est durable (en parlant de la foi) » (Ord. [4 oct.], IX, 148, ibid.); 3. 1818 chim. (Thenard, Instit. Méd. acad. sc., t. 3, p. 444 ds Littré). Empr. au lat.stabilitas « solidité, fermeté, constance », dér. de stabilis (stable*). A remplacé l'a. fr. estabilité (1remoit. du xiies., estabilited, Psautier Oxford, 103, 6 ds T.-L.; 1121-34, estabilité, Philippe de Thaon, Bestiaire, éd. E. Walberg, 1509 et 2786). Fréq. abs. littér.: 360. Fréq. rel. littér.: xixes.: a) 468, b) 333; xxes.: a) 339, b) 748. Bbg. Dub. Pol. 1962, p. 426. − Quem. DDL t. 11, 21, 28. − Vardar Soc. pol. 1973 [1970], p. 310. |