| SITUER, verbe trans. A. − Empl. trans. 1. − Situer qqc. a) [Avec prép. ou loc. prép.]
α) Fréq. au passif. Établir la place qu'occupe une chose dans l'espace; mettre en un lieu, disposer, établir dans une certaine position. Un cloître est fort bien situé auprès d'une église; il ménage heureusement la transition de la tranquillité du sanctuaire à l'agitation de la cité (Gautier,Tra los montes, 1843, p. 155).Il faudrait, pour qu'une théorie scientifique fût définitive, que l'esprit pût embrasser en bloc la totalité des choses et les situer exactement les unes par rapport aux autres (Bergson,Évol. créatr., 1907, p. 208). − En partic. Localiser, indiquer, inscrire. [Le prospecteur] observe et décrit minutieusement les affleurements et indices rencontrés, sans oublier de les situer sur la carte (D.C.F.G.1976).
β) Établir la place qu'occupe une chose dans le temps. La portée du réalisme − Qu'on la situe aux origines de l'art humain ou qu'on suive son développement au long de cette peinture occidentale qui fut son lieu d'élection, la volonté de reproduire la réalité visible n'apparaît jamais comme le but de l'art (Huyghe,Dialog. avec visible, 1955, p. 162). b) [Sans prép. ou loc. prép.] Définir, préciser de façon concrète ou abstraite la forme, le contenu d'une chose. J'ai vu monter contre mes positions deux attaques convergentes. Permettez-moi de les situer pour mieux diriger mes ripostes (Maurois,Dialog. commandement, 1924, p. 146): La disponibilité n'est pas sans provoquer une certaine irritation du lecteur qui, voulant situer la pensée d'un auteur, s'y use les dents, vu qu'au moment qu'il croit la tenir il découvre qu'elle comprend aussi bien son contraire; irritation qui n'est pas sans amuser celui qui la cause.
Benda,Fr. byz., 1945, p. 33. 2. Situer qqn.Établir la place que tient une personne dans un ensemble hiérarchique, social, politique, etc. a) Qqn ou qqc. situe qqn (aux yeux de qqn).Comme si Mmede Guermantes avait voulu faire comprendre à Gilberte qui était à peu près son père, le lui « situer » par un de ces traits caractéristiques à l'aide desquels (...) on invoque le parrainage particulier d'une certaine personne (Proust,Fugit., 1922, p. 581).Notre jeune monsieur, voilà qui me situait délicatement entre le Maître et les domestiques, qui était à la fois aimable et déférent (Arnoux,Chiffre, 1926, p. 87). b) Qqn situe qqn (grâce à qqc.).Octave ne m'avait jamais parlé du passé d'Armande, ni de sa famille, et son air de noblesse était si dégagé, son accent si pur que je ne savais où la situer (Chardonne,Romanesques, 1937, p. 61). 3. Situer qqn dans.Déterminer les limites dans lesquelles s'inscrit l'activité d'une personne. Il est certain que si la pensée n'est pas un pouvoir toujours meurtrier, elle n'est pas non plus un pouvoir toujours bienfaisant, par cela seul qu'elle situe l'homme dans une indépendance relative et fait de lui « un empire dans un empire », suivant la formule célèbre de Spinoza (Bourget,Essais psychol., 1883, p. 118). B. − Empl. pronom. 1. [Le suj. désigne une chose] Trouver sa place dans des limites spatiales ou temporelles. L'âge d'or pour elles [des femmes] se situe à leurs vingt ans où l'on découvre, à la trentaine où l'on savoure et apprécie (Arnoux,Roi, 1956, p. 63).C'est dans ces niveaux que se situe l'intercalation dolomitique (vers 2.600 m) contenant de l'eau chlorurée calcique sursaturée à une pression de 520 Kg/cm2environ (D.C.F.G.1976). − [Le suj. désigne une chose abstr.] L'autoritarisme est, lui aussi, une fausse énergie de faible. Il se situe généralement aux frontières de la névrose, et il alterne souvent dans la même famille avec les maladies du scrupule (Mounier,Traité caract., 1946, p. 511). 2. [Le suj. désigne une pers.] a) Prendre, se donner telle ou telle place (en fonction du jugement que l'on porte sur soi-même, par rapport à telle ou telle organisation politique, sociale, etc.). Si on lui parlait de son courage, Guillaume hausserait les épaules. Mais on le trahirait aussi en célébrant sa modestie. Il se situe bien au delà de cette qualité médiocre. S'il hausse les épaules, c'est par sagesse (Saint-Exup.,Terre hommes, 1939, p. 166).[M. de L., candidat aux élections] se veut un homme vraiment « indépendant » (...) et se situe lui-même entre l'U. N. R. et le Centre démocrate (Le Monde, 1ermars 1967). b) [Dans une philos. existentielle] Se définir, préciser sa position à l'égard des engagements que tout homme est censé prendre dans sa vie. La fonction du critique est de critiquer, c'est-à-dire de s'engager pour ou contre et de se situer en situant (Sartre,Sit. I, 1947, p. 231).Pour savoir qui tu es et ce que tu veux faire, il faut que tu décides comment tu te situes dans le monde (Beauvoir,Mandarins, 1954, p. 254). Prononc. et Orth.: [sitɥe], (il) situe [-ty]. Att. ds Ac. dep. 1694. Étymol. et Hist. 1. Part. passé déb. du xives. [ms.] sittué « placé, posé en un certain endroit par rapport à l'exposition, à l'aspect, au voisinage, etc. » (doc. ds Roisin, Coutumes de Lille, éd. Brun-Lavainne, p. 222); 2. trans. a) 1565 [éd.] « placer par la pensée en un lieu » (Calvin, Sermons, Genève, J. Durant, p. 151); b) 1681 « mettre effectivement ou par la pensée à une certaine place dans un ensemble, une hiérarchie, à un certain point de la durée » (Bossuet, Disc. sur l'hist. univ., p. 3); 3. réfl. a) 1704 « se donner une certaine attitude » (Id., De la connaissance de Dieu et de soi-même, p. 80); b) α) 1709 « se placer, se mettre en un certain lieu (d'une personne) » (Regnard, La Provençale, p. 287);
β) 1952 « s'insérer dans un ensemble » (M. Crozier, in les Temps mod., n o76, févr. 1512 ds Quem. DDL); c) 1823 « être placé en un certain lieu » (Boiste). Empr. au lat. médiév.situare « placer en un lieu, établir, assigner », dér. du lat. class. situs « situation ». Fréq. abs. littér.: 470. Fréq. rel. littér.: xixes.: a) 4, b) néant; xxes.: a) 218, b) 1 862. DÉR. Situable, adj.Qui peut être situé. Ces vents et ces marées, c'est-à-dire les forces ou obstacles actuels, sont figurables sans trop d'artifice sur l'espace de comportement, mais il n'en est pas de même pour l'idéal qui les contrebalance, car il n'est situable nulle part, sans être pourtant un utopique nowhere. Par quelque biais qu'on le prenne, le problème de l'action psycho-biologique est insoluble si l'on ne fait intervenir la dimension hyper-géométrique (Ruyer,Cybern., 1954, p. 118).− [sitɥabl̥]. − 1reattest. 1720 (Leibniz, Clarke, Newton, Rec. de diverses pièces sur la philos., la relig. naturelle, l'hist., les math., t. 1, p. 59); de situer, suff. -able*. |