| SISYPHE, subst. masc. I. − Littér. [P. réf. à Sisyphe, personnage de la myth. gr., condamné par Hadès à rouler perpétuellement un énorme rocher jusqu'en haut d'une montagne, d'où il retombait sans cesse] Personne vouée à une tâche surhumaine, à un labeur stérile ou qui semble ne pouvoir aboutir à rien de positif. Quand on voit (...) les difficultés de son existence, cette lutte acharnée et épuisante à laquelle l'obligent, sans répit, les circonstances catastrophiques où il doit vivre, (...) on comprend que ce Sisyphe qui s'obstine à rouler jusqu'au haut son rocher, ne soit pas un modèle pour académie de dessin (Rolland,Beethoven, t. 1, 1937, p. 59).Il y a là (...) des Sisyphes qui travaillent éternellement (...) à remonter la roche croulante, c'est-à-dire à redéfinir la même douzaine de mots dont les combinaisons constituent le trésor de la Connaissance Spéculative (Valéry,Variété V, 1944, p. 132). ♦ P. métaph. Le soir, j'ai toujours, sous le roc des ténèbres, (...) Vu retomber le jour, Sisyphe de la nuit (Hugo,Toute la lyre, 1885, p. 164). − Roche(r) de Sisyphe. Difficulté morale ou intellectuelle très éprouvante, insurmontable; situation psychique extrêmement pénible, caractérisée par l'ennui, la tristesse, le découragement, le désespoir, un sentiment d'absurdité. C'est en vain que les souverains et les vieilles aristocraties multiplieraient leurs efforts pour s'y opposer [aux mouvements de la régénération moderne]: c'est la roche de Sisyphe qu'ils tiennent élevée au-dessus de leurs têtes; mais (...) tout leur croulera dessus (Las Cases,Mémor. Ste-Hélène, t. 2, 1823, p. 51).On s'épuise. Mais je voudrais tant avoir fini ce roman! Ah! quels découragements quelquefois, quel rocher de Sisyphe à rouler que le style, et la prose surtout! ça n'est jamais fini (Flaub.,Corresp., 1853, p. 362). − Travail, œuvre, etc. de Sisyphe. Travail interminable et ardu, qu'il faut toujours recommencer, pour un résultat nul ou incertain. Un homme se façonne à son sort (...). Aussi, le docteur Poulain après dix ans de pratique, continuait-il à faire son métier de Sisyphe, sans les désespoirs qui rendirent ses premiers jours amers (Balzac,Cous. Pons, 1847, p. 164).Ces hauteurs, elle [la population] les délaisse aujourd'hui, rebutée par le travail minutieux et pénible qu'exigent les terrassements en gradins (...). Ce travail de Sisyphe n'est plus à la portée ni du goût des habitants (Vidal de La Bl.,Princ. géogr. hum., 1921, p. 88). II. − P. anal., ZOOL. Insecte coléoptère noir des régions tempérées et chaudes d'Europe, Afrique et Asie, de la famille des Scarabéidés, qui se caractérise par un corps trapu, terminé en pointe, par des pattes postérieures très longues et qui fabrique des boules d'excréments, les roulant devant lui avant d'y déposer une larve. D'autres Scarabéides établissent leur galerie de ponte directement sous la masse excrémentielle (...) (Sisyphes (...)); la galerie se termine par une grande chambre larvaire et les deux sexes y transportent les excréments destinés à la larve; ceux-ci sont modelés par la mère, en forme de boule (Zool., t. 2, 1963, p. 718 [Encyclop. de la Pléiade]). Prononc. et Orth.: [sizif]. Att. ds Ac. 1878. Étymol. et Hist. 1. 1552 « homme voué à un travail pénible et sans cesse renouvelé » (Ronsard, Amours ds
Œuvres compl., éd. P. Laumonier, t. 4, p. 50, 14), att. chez Ronsard, puis 1875 (Lar. 19e); 2. 1807 zool. Sisyphe (Latreille, Genera Crustaceorum et insectorum, t. 2, p. 79). 1 de Sisyphe (lat. Sisyphus, gr. Σ
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ς) fils d'Éole condamné à monter éternellement au sommet d'une montagne un rocher qui dévale aussitôt; 2 empr. au lat. zool. sisyphe « id. » 1807 (Latreille, loc. cit.), du lat. Sisyphus (supra), prob. en raison du comportement de l'insecte avec sa boule d'excrément. |