| SILHOUETTE, subst. fém. A. − ARTS (dessin, peint.) 1. a) ,,Dessin de profil, exécuté selon la forme de l'ombre projetée d'un visage`` (Bég. Dessin 1978). ♦ Dessiner à la silhouette. ,,Dessiner d'après la projection de l'ombre d'un objet`` (Bég. Dessin 1978). b) ,,Contour d'un objet vu de côté`` (Bég. Dessin 1978). ♦ Portrait, profil à la silhouette ou absol. silhouette. Portrait, profil exécuté en suivant simplement le contour du visage (d'apr. Bég. Dessin 1978). 2. ,,Portrait de profil découpé dans un papier noir appliqué sur un fond clair`` (Nér. Hist. Art 1985). − P. anal. Silhouette peinte. Figure peinte sur une mince planche de bois et découpée (d'apr. Nér. Hist. Art 1985). Aujourd'hui ces silhouettes peintes subsistent dans le domaine publicitaire (silhouettes de cuisiniers portant le menu à la porte des restaurants) ou dans les mises en scène théâtrales (Nér.Hist. Art1985). − P. anal. Toute forme découpée. Ce procédé [la mosaïque] (...) consiste à découper dans un morceau de cuir trés exactement, une silhouette, et à remplacer par une autre silhouette, découpée tout aussi exactement dans un autre morceau de cuir (Closset, Trav. artist. cuir, 1930, p. 35).Une méthode couramment employée en organisation rationnelle consiste à découper dans du carton un peu fort des silhouettes de chaque machine ou appareil à une échelle donnée (Brunerie, Industr. alim., 1949, p. 151). 3. Figure schématique ou stylisée (en particulier dessin) d'une personne, d'une chose. Synon. croquis, esquisse.Dessinateur, il [Kôrin] couvrit ses albums de ces puissantes silhouettes dont chacune renferme, en un trait jeté d'un coup, sans relever la main, toute la signification spécifique de l'objet synthétisé, et par delà l'objet tous les échos qu'il éveille dans l'univers deviné (Faure, Hist. art, 1912, p. 216). B. − P. méton. 1. a) Ombre projetée dessinant nettement un contour. Ma silhouette sur le mur blanc en plâtre d'une maison en face (Flaub., Champs et grèves, 1848, p. 396).Lorsque son balancement se rapprochait du fanal, la silhouette de sa tête se perdait au plafond (Malraux, Cond. hum., 1933, p. 411). b) Forme aux contours plus ou moins nets qui se détache en noir sur fond clair. Pendant un moment nous suivîmes la silhouette brune des deux cavaliers, dont la tête encapuchonnée se dessinait à trente pas de nous, sur un ciel encore éclairé de rouge; puis la silhouette elle-même devint plus vague, le ciel en s'assombrissant la fit évanouir (Fromentin, Été Sahara, 1857, p. 223).Les silhouettes des arbres sombres qui se découpaient sur la bande lumineuse de l'horizon (Gracq, Syrtes, 1951, p. 58). − Loc. verb. Faire silhouette. Se détacher en sombre sur fond clair. Un chariot avec un homme et des chevaux, faisant presque silhouette sur la clarté équivoque d'un crépuscule (Baudel., Salon, 1845, p. 44). c) Forme dont les contours se détachent sans qu'on puisse distinguer les détails. La silhouette d'un clocher. Ils regardaient, en silence, les vagues silhouettes des voitures, des ombres, des promeneurs (Villiers de L'I.-A., Contes cruels, 1883, p. 187).Il vit très loin, minuscule déjà, une silhouette qui fuyait, disparaissait (Van der Meersch, Invas. 14, 1935, p. 368). − Loc. adj. En silhouette. Qui se détache par ses formes schématiques mais sans qu'on puisse en discerner les détails. Dans le miroir du rétroviseur, je vois tout le groupe, en silhouette, qui salue de la main (T'Serstevens, Itinér. esp., 1963, p. 328). 2. Aspect, allure générale d'un corps humain, d'un objet considéré sur le plan esthétique. Silhouette élégante, légère, lourde, mince, séduisante; affiner sa silhouette; la silhouette d'une voiture de sport. C'est rare, une belle silhouette. C'est avec les silhouettes que les Japonais ont fait ce qu'ils ont de mieux, les ombres chinoises (Giraudoux, Apollon, 1942, 3, p. 39).Des mannequins comme Jean Shrimpton étaient là, avec le visage et la silhouette de l'emploi (Réalités, oct. 1966, p. 95, col. 2). − Au fig., le plus souvent dans le vocab. pol. Image, personnalité que l'on s'efforce de donner de soi. Synon. profil.Parfaire sa silhouette. Il lui faut [à François Mitterrand] apparaître comme « l'homme de l'unité », essayer de reprendre la silhouette politique qu'il s'était façonnée pendant la campagne présidentielle (Le Nouvel Observateur, 21 déc. 1966, p. 8, col. 2). 3. TECHNOLOGIE a) Silhouette de tir. Cible découpée en forme de silhouette humaine mobile ou fixe, représentant une personne couchée, debout ou à genoux. Les silhouettes apparaissent pendant une durée de huit, six ou quatre secondes. À chaque apparition, le tireur doit placer une balle dans chaque silhouette (Jeux et sports, 1967, p. 1460). b) SERR. ,,Forme caractéristique de la section du panneton de la clé, perpendiculairement à la tige`` (Barb.-Cad. 1971). C. − Au fig. 1. a) Vieilli. Portrait sommaire fait d'un personnage. Des silhouettes sociales, des aperçus sur l'espèce française et sur l'espèce anglaise, tout nouveaux et qui n'ont pas moisi dans les livres (...) des satires de deux minutes, des pamphlets d'un mot (Goncourt, Journal, 1858, p. 463).Six personnes qu'il venait d'introduire. Celles-là méritent (...) quelques lignes de silhouette (Ponson du Terr., Rocambole, t. 2, 1859, p. 31). ♦ Faire la silhouette de qqn. En faire le portrait sommaire. [Tourguéneff] nous fait la silhouette bizarre de son éditeur de Moscou (Goncourt, Journal, 1878, p. 884). b) Personnage dépeint et analysé sommairement. La silhouette conductrice (ce n'est pas un personnage puisque il n'a strictement aucune épaisseur et que d'ailleurs M. Le Clézio aurait honte de créer un personnage) est baptisée Hogan (Le Figaro littér., 18 août 1969, p. 19, col. 1): ... voyant sur le théâtre cette silhouette, faite de rengaines et de grossissements bêtes, sans originalité et qui ne vit pas, je songe, encore une fois, combien le théâtre est un moyen de peinture grossier, sans possibilité d'observation vraie et fine, d'intime histoire d'une société.
Goncourt, Journal, 1863, p. 873. 2. SPECTACLES. ,,Petit rôle; figurant ayant à dire quelques phrases`` (Giteau 1970). M. Philippe Hériat a consenti à jouer dans ce film ce qu'en terme de métier on appelle silhouette, c'est-à-dire un tout petit rôle épisodique, non dépourvu cependant d'interêt, car généralement la « silhouette » demande un certain effort de composition (Mon Ciné, 7 mai 1925ds Giraud 1956).Être figurant, c'est se lever tôt et attendre toute une journée pour passer devant la caméra. Parfois, consécration suprême, vous prononcez quelques mots: vous voilà « silhouette » (Télérama, 1ersept. 1982, p. 24). Prononc. et Orth.: [silwεt]. Ds Martinet-Walter 1973 qq. prononc. [-lu-]. Ac. 1835, 1878: silhouette, silouette; 1935: silhouette. Prop. Catach-Golf. Orth. lexicogr. 1971, p. 217: silouette. Étymol. et Hist. 1. 1763 portraits à la silhouette « dessins au trait de profil exécutés en suivant l'ombre projetée par un visage ou un corps » (Du Laurens, L'Arétin moderne, 61 ds Quem. DDL t. 12); 1781 à la silhouette « d'une façon incomplète, éphémère » (Mercier, Tableau de Paris ds Havard t. 4); 1788 subst. fém. (Journal de Paris, 28 janv., ibid.); 2. 1840 « forme aux contours plus ou moins nets qui se profile en noir sur un fond clair » (Hugo, Rayons et ombres, pp. 515-516); 3. 1888 « allure ou ligne générale d'un corps humain » (Maupass., Pierre et Jean, p. 382); 4. 1904 silhouettes de tir (Nouv. Lar. ill.); 5. 1925 cin. et théâtre « petit rôle épisodique mais plus important que ceux de la figuration » (Mon ciné, loc. cit.). Du n. de l'homme politique français Étienne de Silhouette [1709-1767], contrôleur général des finances en mars 1759 qui voulut promouvoir de grandes réformes, mais échoua complètement laissant le souvenir d'actions mal conduites et incomplètes; ce serait donc pour le ridiculiser que l'on dénomma à la silhouette (supra 1781), ce qui présentait un aspect mesquin ou inachevé. À cette explication, il faut ajouter que M. de Silhouette avait l'habitude de tracer dans son château ces sortes de profils (cf. J.O. du 29 août 1869, p. 1154, 3ecol. ds Littré). Fréq. abs. liitér.: 1 202. Fréq. rel. littér.: xixes.: a) 214, b) 1 714; xxes.: a) 2 247, b) 2 658. Bbg. Migl. Nome propr. 1968 [1927], p. 92, 183, 332, 334. |