| SEUL, SEULE, adj. et subst. I. − Adjectif A. − [En fonction d'attribut] 1. [Souvent renforcé par tout] a) [En parlant d'une pers.] Sans compagnie, séparé des autres momentanément ou durablement. Je voulais lire la lettre tout seul, c'est pourquoi, malgré mon impatience, je la mis dans ma poche (Erckm.-Chatr.,Hist. paysan, t. 2, 1870, p. 92).V. ermitage B 1 ex. de Delécluze: 1. aïescha: Il faut le distraire... l'empêcher de penser... être toujours avec lui.
clotilde: Mais s'il préfère être seul?
aïescha: Justement: il ne faut pas qu'il soit seul. Il s'absorbe, il somnole: c'est très mauvais.
Lenormand,Simoun, 1921, 9etabl., p. 92. SYNT. Dormir, déjeuner, dîner seul; passer la nuit tout seul; être souvent, toujours seul; laisser qqn seul; rester seul cinq minutes, un instant, un moment; désirer, vouloir, avoir besoin (d')être seul, (de) rester seul. − En partic. ♦ Non accompagné. Sortir, se promener, voyager seul; partir tout seul. M. de Cambremer (...) vint, mais seul, en disant que la marquise était désolée, mais que son médecin lui avait ordonné de garder la chambre (Proust,Sodome, 1922, p. 1094). ♦ [Insiste sur l'isolement matériel dans un espace, dans un lieu] Seul à l'hôtel, à (une) table, dans sa chambre, dans son coin, dans un/son compartiment, dans le désert, dans une grande maison, dans le noir, dans une rue déserte. L'intolérable, c'est d'être perpétuellement dans l'attente d'un danger sournois; à deux, on prendrait ça à la rigolade... mais toute la nuit seul dans le grand appartement de mes parents, toutes les nuits seul, les nuits ne finissent pas en hiver (Vailland,Drôle de jeu, 1945, p. 95). ♦ Travailler, prier... seul (p. oppos. à avec qqn d'autre, en groupe, en équipe, en communauté). Les agents de maîtrise (...) surveillent et dirigent (...) des travaux effectués par des ouvriers (ou des ouvrières), travaillant seuls ou en équipe (Brunerie,Industr. alim., 1949, p. 127).Jouer seul. Jouer sans partenaire. Gabrielle (...) semble jouer toute seule à colin-maillard au milieu de la scène (Feydeau,Dame Maxim's, 1914, ii, 10, p. 53).Parler, rire (tout) seul. Parler, rire sans interlocuteur ou sans raison apparente. Une petite vieille aux joues roses, qui rit toute seule dès le matin (Bernanos,Joie, 1929, p. 669).Un homme assis en face de moi parlait seul et semblait très excité (Larbaud,Journal, 1934, p. 282).V. causer2ex. 2.Disposer, jouir, profiter seul de + subst. En disposer, jouir, profiter sans partager. Elle avait honte de jouir seule de leurs petits-enfants, des gambades vives de la petite Geneviève qui maintenant se roulait sur le sable avec impudence (Drieu La Roch.,Rêv. bourg., 1937, p. 189). b) [S'agissant de deux ou de plusieurs pers.] Sans témoin, sans d'autres personnes. Recevoir qqn seul; se voir seuls; seul en compagnie de qqn; seuls entre hommes; seuls face à face; seuls ensemble. Il n'était pas très facile de causer tranquillement. Ils étaient rarement seuls. Colette les gratifiait de sa présence, plus qu'ils n'auraient voulu (Rolland,J.-Chr., Nouv. journée, 1912, p. 1506).Une affaire finissait, et les juges devaient rester seuls dans la salle du conseil pour délibérer (Vercel,Cap. Conan, 1934, p. 80). ♦ Seul avec + subst.Dîner, sortir seul avec qqn; vivre seul avec sa mère; s'assurer qu'on est bien seul avec son visiteur; p. anal. seul avec soi-même, avec la nature, avec ses pensées, ses souvenirs, ses regrets, sa peine, sa peur, sa tristesse. Geneviève: Mon mari, lui qui m'a abandonnée... qui me laisse ici seule... Le chevalier: Seule... avec moi? Geneviève: Seule avec mon désespoir (Dumas père, Chev. Maison-Rouge, 1847, iii, 7etabl., 5, p. 109).Lorsque ce dernier entra, la Maheude, qui était seule avec les enfants, remarqua tout de suite qu'il avait les mains vides (Zola,Germinal, 1885, p. 1290). − Loc. adv. inv. Seul à seul. Synon. de en particulier, en tête à tête.C'était la pensée de ce voyage seul à seul avec Vanessa qui m'avait décidé (Gracq,Syrtes, 1951, p. 88).[Peut varier en genre, le 1erseul se mettant gén. à la pers. de celui qui parle] Nous étions seul à seule et marchions en rêvant, Elle et moi (Verlaine,Poèmes saturn., 1866, p. 61).Sœur Perpetua et la novice devaient avoir chaque mois une heure d'entretien seule à seule (Jouve,Paulina, 1925, p. 174).Empl. subst. masc. Le seul à seul de l'amour (Blondel,Action, 1893, p. 268). c) P. anal. [En parlant des choses] À l'écart de ses semblables. Lorsqu'un arbre est seul, il est battu des vents, et dépouillé de ses feuilles (Lamennais,Paroles croyant, 1834, p. 110). − [En parlant d'une substance] Qui n'est pas associée, mélangée. Beaucoup d'oxydes et même des corps simples (sélénium, tellure, or) sont introduits en traces, seuls ou en mélanges, pour développer des colorations variées (Cl. Duval, Verre, 1966, p. 43). − Au fig. Regarde dans l'œil de l'homme passer quelquefois l'intelligence, avec son cortège d'absurdités et de bêtes familières. Rarement elle est seule. Jamais longtemps (Valéry,Tel quel II, 1943, p. 190). ♦ Proverbe. Un malheur* ne vient jamais seul. 2. a) [Souvent renforcé par un adv. d'intensité]
α) Qui n'a pas ou n'a plus de famille, dont personne ne partage la vie quotidienne; p. ext., qui n'a de lien avec personne, qui n'a pas d'obligation vis-à-vis de qui que ce soit. Quinette vivait seul depuis quatre ou cinq ans; sa femme l'ayant abandonné (Romains,Hommes bonne vol., 1932, p. 81).Il était merveilleusement seul depuis des mois, malgré les camarades de faculté, quelques liaisons rapides (...), une espèce d'amitié d'hôpital avec une étudiante qui n'était rien pour lui (Aragon,Beaux quart., 1936, p. 248).
β) Qui souffre d'isolement par manque d'amitié, d'affection, de relations. Son père est mort, plus seul, plus triste, plus abandonné qu'il n'avait vécu (Sandeau,Mllede La Seiglière, 1848, p. 126).Me voici seul, tout seul au monde! Ouvre-moi tes bras secourables! Toi, du moins, maraud du diable, tu ne m'auras pas trahi! Sais-tu ce que c'est qu'être seul, tout seul au monde? (Milosz,Amour. init., 1910, p. 200).V. abandonné ex. 4. SYNT. Demeurer, se retrouver, vieillir (tout) seul; (se sentir) un peu, très, moins, de plus en plus, absolument, affreusement, bien, complètement, entièrement, fort, horriblement, si, tellement, terriblement seul; seul dans la vie, sur la terre; seul dans le malheur. b) Dont les préoccupations sont éloignées de celles du plus grand nombre; qui se singularise par sa position, par ses choix, par ses actes. Les créateurs intellectuels (...) sont très seuls. Aucun parti, aucune instance politique ne s'emploie à les défendre (Le Figaro, 19-20 janv. 1952, p. 6, col. 2): 2. Degas s'est toujours senti seul, et l'a été dans tous les modes de la solitude. Seul par le caractère; seul par la distinction et par la particularité de sa nature; seul par la probité; seul par l'orgueil de sa rigueur, par l'inflexibilité de ses principes et de ses jugements...
Valéry,Degas, 1936, p. 176. ♦ Seul contre tous. L'esprit public était imprégné de l'idée (...) que chaque individu disposait comme d'« espaces réservés » de droits sacrés qu'il pouvait revendiquer, fût-il seul contre tous (Vedel,Dr. constit., 1949, p. 185). c) [Dans des cont. philos., métaphys., exprime la condition de l'homme dans son rapport avec Dieu, autrui ou le monde] Qu'il [Ponge] referme le monde sur lui-même avec tout ce qui s'y trouve, du même coup il se trouve dehors, hors du monde, en face des choses, seul (Sartre,Sit. I, 1947, p. 288).[Dans l'Exil et le Royaume de Camus] L'homme est seul au sein d'un univers indifférent, seul au milieu des autres hommes, menant dès sa naissance, par le fait même d'exister, une existence séparée des autres existences (La Table Ronde, févr. 1960, p. 22). 3. [Gén. suivi d'un compl. prép. de] Synon. de unique. a) [Le compl. indique la catégorie dont un individu se distingue] Seul dans son genre; seul de sa race, de sa génération, de ses contemporains; seul en son temps, entre tous. Leur maison avait ceci d'étrange, que (...) sa cour était claire et que les pavés en étaient non seulement balayés, mais même lavés. Elle était seule de son espèce dans ce quartier ancien où les maisons disparaissaient sous une couche de crasse séculaire (Triolet,Prem. accroc, 1945, p. 121). b) [Le compl. est un inf.] Être seul à comprendre, à connaître qqc. Tout parvenu peut faire de son intérieur un musée, mais l'homme sensible est seul à savoir que la beauté n'est pas fonction de l'argent (Arts et litt., 1935, p. 84-4). B. − [En fonction d'épith.] 1. [Placé après le n.] a) [En parlant d'une pers.]
α) Qui n'est pas accompagné de son conjoint ou d'un compagnon. Des danses du ventre, des déshabillés en lingerie et des french cancans, qui attiraient une clientèle de messieurs seuls (Sadoul,Cin., 1949, p. 18).
β) Qui n'est pas ou n'est plus marié. Mesures susceptibles d'améliorer la situation de la femme dans les divers domaines de la vie sociale (amélioration des conditions de travail de la mère, aide aux femmes seules (...)) (Meynaud,Groupes pression en Fr., 1958, p. 77).
γ) Qui souffre d'isolement. Synon. isolé.Un regard d'une tristesse indescriptible, la tristesse des êtres seuls (Green,Journal, 1951, p. 109).
δ) Dont les préoccupations sont différentes de celles du plus grand nombre. Synon. isolé.Napoléon est le symbole de l'homme seul, affrontant le monde humain et en venant à bout (J.-R. Bloch,Dest. du S., 1931, p. 249).
ε) En partic. Cavalier* seul. Au fig. Faire cavalier* seul. b) [En parlant d'une chose]
α) [En parlant d'un lieu] Où l'on est séparé des autres. Isoler avec la plus grande rigueur de tout le monde extérieur ces malades [atteints d'anorexie mentale]; chambre seule, suppression des visites, du courrier, des lectures et de la TSF (Quillet Méd.1965, p. 492).
β) Considéré isolément, sans qu'il soit besoin de considérer autre chose. Synon. à lui/elle tout(e) seul(e) (infra I C 1 b).Les journaux anglais donnent le menu du repas [d'une fête]. Il paraît que le banquet seul a coûté 6.000 francs (Hugo,Corresp., 1862, p. 412).La fièvre toute seule n'est rien, ce n'est qu'un signe (Gracq,Syrtes, 1951, p. 100).
γ) DANSE. Pas seul. V. pas2.MUS. Voix* seule. 2. [Placé avant le n.] À l'exclusion de tout autre. Synon. unique. a) [Sans déterminatif] Par moment, seul habitant de ces solitudes, un oiseau, espèce de héron indéterminé, s'enlevait et planait dans l'air, comme suspendu à un fil, pour se reposer sitôt que nous étions passés (Benoit,Atlant., 1919, p. 62). b) [Placé entre l'art. et le nom; renforce l'art.]
α) Un/une seul(e) + subst. Il suffit du commandant, de quelques officiers et sous-officiers, de quelques soldats d'élite pour que subsistent, parmi ces souffrances, une seule pensée, un seul but: tenir (Bordeaux,Fort de Vaux, 1916, p. 245).V. dépeuplé II A ex. de Lamartine. SYNT. (Être l'homme, la femme) d'un seul amour, d'une seule passion, d'un seul rêve; (sans hésiter) un seul instant; (sans prononcer) un seul mot; (sans) un seul regard; d'un seul côté; une seule fois, un seul exemplaire, un seul volume; (vivre dans) une seule pièce; (peser sur) une seule tête; une seule voix (de différence). − Dans des loc. adv. D'un seul bloc, d'un seul bond, d'un seul élan, d'un seul geste, d'un seul jet, d'un seul mot, d'une seule pièce, d'un seul tenant, d'une seule traite. Jean mesura d'un seul regard le désert de sa vie (Mauriac,Baiser Lépreux, 1922, p. 151). ♦ Fam. Comme un seul homme. Synon. de unanimement.− Dans ta famille il y a probablement d'autres impérialistes?... − Pas du tout! Sauf l'oncle Adolphe, qui a été ambassadeur sous Louis-Philippe, y sont tous légitimistes, comme un seul homme (Gyp,Souv. Ptefille, 1928, p. 42).D'un seul coup ou d'un seul coup d'un seul. En une fois. Le matador, avec sa grande épée, doit tuer d'un seul coup (Michelet,Journal, 1831, p. 95).Alors c'est d'accord, décida Pierrot, on y va ce soir d'un seul coup d'un seul. Toi, dit-il à Martial, tu nous précéderas en éclaireur avec ta bagnolle... Nous, on suivra avec un bahut qu'on piquera à la nuit (A.D.G.,Les Panadeux, 1971, p. 131 ds Bernet-Rézeau 1989).Synon. de brusquement, soudainement, tout d'un coup.Je vois tout drôle alors d'un seul coup!... Je peux plus voir (Céline,Mort à crédit, 1936, p. 388).[Gabin:] L'angoisse, la trouille, le trac, appelez ça comme vous voudrez, m'a pris d'un seul coup d'un seul (A. Brunelin,Gabin, Paris, J'ai lu, t. 2, 1989 [1987], p. 67). − [Renforcé par même* ou par unique*] Un seul et même*; (un) seul et unique*. − [Renforce une nég.] Entre eux, du reste, pas un seul mot d'amour, pas même un grain de cette menue galanterie qui est devenue presque une monnaie banale dans les conversations mondaines (Theuriet,Mariage Gérard, 1875, p. 67).[Associé à ne... pas/plus/point] Dès qu'on quittait le port français [de Tunis], on ne voyait plus un seul arbre (Gide,Journal, 1896, p. 69).[En tête de prop. ou de phrase] Pas un seul jour nous n'avons cessé de marcher vers le but que nous a fixé le devoir (De Gaulle,Mém. guerre, 1954, p. 422). − [Renforce une restriction] N'avoir qu'une seule envie, ne faire qu'une seule remarque. Il n'y avait qu'une seule expression qui à tous leur fût commune: l'absence de fierté (Montherl.,Célibataires,1934, p. 837).
β) Le, la, les (ou autre prédéterm.: poss., dém.) + seul + subst. Je suis une âme incomprise, la dernière des grisettes, le seul survivant de la vieille race des troubadours (Flaub.,Corresp., 1872, p. 336).Ma seule joie était de les voir, ma seule anxiété de les attendre (Proust,Sodome, 1922, p. 1126). SYNT. a) Le seul avantage, danger, défaut, ennui, inconvénient, indice, moyen, parti (possible), point commun, témoin; la seule cause, différence, difficulté, explication, indication, issue, occasion, ombre au tableau, parade, route, solution, vérité, victime, voie. b) Mon seul ami, crime, désir, espoir, luxe, mérite, plaisir, recours, refuge, regret, souci, soulagement, tort; ma seule ambition, aspiration, chance, consolation, distraction, force, passion, richesse, satisfaction. − [Suivi d'un rel. entraînant le subj.] Les hommes de son genre s'accoutument à tout, même à la mort, et surtout à la mort des autres, dès qu'elle fait partie de cette seule vie qu'ils sachent vivre: la vie courante (H. Bazin,Vipère, 1948, p. 92).[Parfois suivi de l'ind. pour insister sur la certitude, la réalité d'un fait] La grève, c'est le seul acte qui peut encore nous sauver tous (Martin du G.,Thib., Été 14, 1936, p. 497). C. − [Dans des constr. attributives ou avec la fonction d'épith. mais avec une valeur adv.] 1. En appos. [Seul exclut toute pers. ou toute chose autre que celle qu'il représente] Synon. de seulement, ne... que. a) [En tête d'une phrase ou d'une prop. sub.; séparé ou non par une virgule] Seul, le bruit de mes pas sur la pavé résonne (Samain,Chariot, 1900, p. 50): 3. L'étoile Polaire jouit d'une certaine renommée, comme tous les personnages qui se distinguent du commun parce que, seule parmi tous les astres qui scintillent au sein de la nuit étoilée, elle reste immobile dans les cieux.
Flammarion,Astron. pop., 1880, p. 771. − [Avec inversion du suj.] Seule a abouti à la gloire la colonne du temple qui est née à travers vingt générations de son usure contre les hommes (Saint-Exup.,Citad., 1944, p. 636). b) [Placé après un n., un pron. ou un verbe] Les canards plongeant leurs cols d'azur dans l'eau tranquille y faisaient seuls des rides (Gautier,Rom. momie, 1858, p. 255).Au centre d'une place, un minuscule jet d'eau glougloutait pour moi tout seul. J'avais tout, pour moi tout seul, ce soir-là (Céline,Voyage, 1932, p. 48).N'est-ce pas la mer, la mer seule qui a fait les groupements politiques du monde phénicien, du monde carthaginois, du monde grec, et même (...) du monde romain? (Brunhes,Géogr. hum., 1942, p. 298).V. anachorète ex. 1. ♦ À lui/elle, moi... tout(e) seul(e). Synon. en lui-même, par lui-même.On en a fait [de Rabelais] (...) un encyclopédiste ou plutôt toute une encyclopédie à lui tout seul (L. Febvre,Sur Rabelais, [1931] ds Combats, 1953, p. 259). − Expr. Dieu seul le sait. [Exprime l'impuissance à savoir qqc., l'inquiétude face à une cause inconnue] Avant tout (...), il faut que je voie cette funeste créature. Quelle sorte de personne vais-je trouver? Dieu seul le sait (Theuriet,Mariage Gérard, 1875, p. 187). c) [Placé avant un n.] Pour quels amateurs les quelque 60.000 manieurs de pinceaux, recensés dans la seule ville de Paris, peindraint-il des « tableaux »? (Arts et litt., 1936, p. 72-8).Il devait penser comme moi que les concessions ne seraient probablement pas réciproques, mais viendraient de ma seule personne (Sagan,Bonjour tristesse, 1954, p. 129). − Littér. La seule Madame de Matefelon, qui ne perdait point la tête, s'avisa, le soir, de faire observer à Ninon que, en somme, on avait pris un parti bien promptement (Boylesve,Leçon d'amour, 1902, p. 60). d) [Renforce une loc. causale, finale, cond.] Par le seul effort de l'imagination; dans le seul but, pour le seul dessein, à (la) seule fin de (faire qqc.); pour cette seule cause, par la raison seule, par le seul motif, sous le seul prétexte, sous la seule réserve; pour, par, en cela seul que. Qui peut, dans le disparate du monde, par la seule vertu de son génie, tailler un visage nouveau et les forcer [les hommes] de tourner les yeux en sa direction et de le connaître? (Saint-Exup.,Citad., 1944, p. 570).Du fait seul que le bonheur a glissé dans le passé, le souvenir du bonheur ne résonne qu'avec un accompagnement de regret de tristesse (Durry,Nerval, 1956, p. 28).V. fin1B 1 ex. de Zola et Gide, idée I A 1 d ex. de Hugo et ex. 7. 2. Sans aide. a) [En parlant d'une pers.] Sans assistance physique ou morale; p. ext., sans avoir recours à d'autres personnes. J'ai appris, tout seul, à prononcer le latin à peu de chose près comme les anciens Romains le prononçaient (Larbaud,F. Marquez, 1911, p. 127).Mes jambes ne me soutiennent plus. Viens, aide-moi à me soulever, je ne peux plus me lever seul (Montherl.,Malatesta, 1946, iv, 9, p. 535). SYNT. Se déplacer, marcher (tout) seul; se tenir (tout) seul en équilibre; nager seul; comprendre, travailler (tout) seul; décider, s'occuper (tout) seul de qqc.; se lancer seul dans une expédition, tenter seul de faire qqc.; assumer, entreprendre qqc. (tout) seul; mener, soutenir seul un combat; lutter seul contre qqc.; supporter seul une douleur; subvenir seul à ses dépenses; régler seul ses comptes, tenir tête, se débrouiller (tout) seul; se sortir, se tirer seul d'affaire, d'un mauvais pas. − Expr. fam., gén. dans la lang. parlée. Tout seul comme un grand. [À propos d'un enfant] Comme un enfant plus âgé, comme une grande personne. Tout seul, comme un grand, Nicolas est parti à la colo (J.-J. Sempé, R. Goscinny,Les Vacances du petit Nicolas, 1985 [1962], p. 90 ds Bernet--Rézeau 1989).[À propos d'un adulte] Avec aisance, habileté, sans le secours de personne. − Et le juge, demandai-je, il était aussi dans la combine? − Oh non, se marra Abel, lui y est entré tout seul, comme un grand (A.D.G.,Joujoux sur le caillou,1987,p. 177, ds Bernet--Rézeau 1989).Il/elle s'est fait(e) tout(e) seul(e). [Expr. admirative à l'égard de qqn dont la réussite soc. est manifeste et construite sur son travail personnel] Je me suis faite toute seule, moi! À seize ans, en sortant du lycée, je commençais déjà mon apprentissage chez un grand couturier! Et depuis, je n'ai pas arrêté (Bourdet,Sexe faible, 1931, ii, p. 397).Tu as trouvé (deviné) cela (ça) tout seul. [Moquerie à l'adresse de qqn qui vient de dire qqc. que l'on juge bête] Tu as l'air d'une effrontée coquine, et j'ai bien envie de te balafrer la figure devant ton galant. − Mon galant! dit-elle, tiens, tu as deviné cela tout seul? Et tu es jaloux de cet imbécile-là? (Mérimée,Carmen, 1847, p. 59). − SPORTS (hipp., cycl.). Gagner tout seul. Gagner dans une course sans avoir à lutter. E. a gagné tout seul par plus de cent mètres (Le Sport vélocipédique, 14 mai 1886ds Petiot 1982). b) [En parlant d'une chose] Sans intervention humaine. Je croyais déjà que le feu s'était éteint tout seul, ou qu'il l'avait éteint, lui, quand une des fenêtres d'en bas creva sous la poussée de l'incendie (Maupass.,Contes et nouv., t. 2, Horla, 1886, p. 1122).À mon avis elle [une pierre qui lui est arrivée dessus] n'a pas roulé toute seule... L'endroit était trop bien choisi (Ramuz,Gde peur mont., 1926, p. 88). − Dans des loc. figées et gén. dans la lang. parlée. [Le plus souvent dans des tours nég.; exprime que qqc. ne se fait pas sans effort ou présente des difficultés, pose problème] Ça ne pousse pas tout seul; ça ne va pas se passer tout seul. [Les choses] ne se font pas toutes seules ; ça ne pousse pas tout seul. Oh! j'ai un tas de besogne, aujourd'hui! − Oui, n'est-ce pas? Les choses ne se font pas toutes seules (Zola,Assommoir, 1877, p. 378).Dites donc, et vos parents? Ça n'avait pas l'air de marcher tout seul. Vous faisiez un bruit! (Hermant,M. de Courpière, 1907, iii, 11, p. 27).[Dans un énoncé affirmatif ; exprime que qqc. se fait sans difficulté] Mandolina va venir (...) c'est l'instant de lui couler mon petit speech (...). En l'accompagnant de quelques billets de mille (...) ça ira tout seul (Labiche,Choix gendre, 1869, 5, p. 365). II. − Substantif A. − [Avec valeur de pron. indéf.] Un seul. Une seule personne, une seule chose. Un seul sur les deux enfants; un seul d'entre eux; un seul de vos regards; un seul à la fois; pour ne parler que d'un seul; à l'exception d'un seul. Il fallait qu'elle mourût pour tous, plutôt que de vivre pour un seul (Nerval,Filles feu, Dédic. à A. Dumas, 1854, p. 497).Elle entrouvrit un œil, un seul comme si elle avait essayé de retenir dans l'autre son sommeil (Beauvoir,Mandarins, 1954, p. 277). ♦ Pas un seul. [Placé en tête ou en fin de phrase ou de prop., sert à insister sur le contenu d'une nég.] Synon. de aucun.Pas un seul ne vous écoutera; vous verrez la droite bâiller, le ministère se moucher, le centre aller à ses affaires (Courier,Pamphlets pol., Au réd. « Censeur », 1820, p. 41).Je ne prendrai pas un coup, Maria, pas un seul! (Hémon,M. Chapdelaine, 1916, p. 93). ♦ Gouvernement d'un seul. Synon. de monarchie.Monarchie ou gouvernement d'un seul, oligarchie ou gouvernement de quelques-uns, démocratie ou gouvernement de tous (Traité sociol., 1968, p. 5). B. − Le, la, les + seul. [La pers. ou la chose représentée par le,... seul se distingue de toutes les autres] Quels embarras il fait avec ses qui, ses que, ses aussi bien et ses tout de même que! Est-il assez content de parler la bonne langue, la meilleure, la seule! (Lemaitre,Contemp., 1885, p. 226). − [Suivi d'un rel. entraînant le subj. et qqf. l'ind. ou le cond.] Vous êtes la seule qui m'ayez témoigné de l'intérêt (Sue,Atar-Gull, 1831, p. 33).Tu es la seule qui me plaise (Flaub.,MmeBovary, t. 2, 1857, p. 165).Gise est la seule qui pourrait vous comprendre (Martin du G.,Thib., Épil., 1940, p. 842). Rem. En fonction d'attribut et avec un pron. pers. comme suj. dans la princ., l'usage préfère gén. l'accord en personne du verbe de la sub., avec le suj. de la princ. et non avec l'antécédent du rel. supra. ex. de Sue et de Martin du Gard. − [Suivi d'un inf. compl. prép. à] Les Deux-Magots ont disparu et peut-être suis-je le seul au monde à me rappeler la grande peinture à l'huile qui servait d'enseigne et représentait une jeune Chinoise entre deux de ses compatriotes (France,Pt Pierre, 1918, p. 50). ♦ [P. ell. du compl. prép., dans la lang. parlée; à l'adresse d'une pers. à qui il arrive qqc. de malheureux ou de désagréable, en manière de plainte ou d'iron.] Vous n'êtes pas le seul! Tu as faim, tu as faim? Le beau malheur. Tu n'es pas le seul, tu sais, en ce bas monde. Il y en a d'autres. Et qui te valent bien! (Aragon,Beaux quart., 1936, p. 371). − [Placé avant un adj. ou un part. adj.] La liberté morale est la seule importante, la seule nécessaire (Joubert,Pensées, t. 1, 1824, p. 356).[P. ell. de l'art. déf.] Être seul apte, habilité à; être seul capable, digne, susceptible, en état, à même, en mesure de. Non qu'il se méfiât de son père; mais il exigeait d'être seul responsable de sa vie (Malraux,Cond. hum., 1933, p. 208). Prononc. et Orth.: [sœl]. Att. ds Ac. dep. 1694. Étymol. et Hist. 1. Fin xes. sols « qui ne reçoit pas d'aide, d'appui étranger » (Passion, éd. D'Arco Silvio Avalle, 157); 1176 seul (Chrétien de Troyes, Cligès, éd. A. Micha, 1543); 2. ca 1050 « qui n'est pas avec d'autres » tut sul (Alexis, éd. Chr. Storey, 61); 1165 sol a sol (Benoît de Ste-Maure, Troie, 20364 ds T.-L.); 3. a) ca 1050 « unique, avec idée de restriction sur le nombre » un sul faitur (Alexis, prol.); 1687 comme un seul homme (Bossuet, Oraison du Prince de Condé ds Oraisons funèbres, éd. J. Truchet, p. 391); b) ca 1100 « unique, irremplaçable, avec une idée de restriction portant sur l'identité, la nature d'une chose ou d'une personne » (Roland, éd. J. Bédier, 3154); 4. 1559 « (souvent en tête de phrase) personne d'autre que, rien d'autre que » (J. Grévin, La Pastorale, éd. L. Pinvert, p. 200: Car seule tu le peux); cf. 1560 (Id., Olimpe, p. 247: Seule vous me causez ce douloureux martire); 5. a) 1580 « par lui-même, sans considération du reste » (Montaigne, Essais, éd. P. Villey et V.-L. Saulnier, livre I, XXI, p. 98: du seul coup de son imagination); b) 1657-62 lui seul « sans qu'il soit besoin d'un autre » (Pascal, Pensées, éd. L. Lafuma, n o99-80, p. 511); 6. a) 1661 « qui a peu de relations, de partisans » seul contre tous (Molière, École des maris, I, 1, 54); b) 1657-62 « qui n'a pas de préoccupations communes avec son entourage » c'est un homme seul qui en juge (Pascal, op. cit., n o59, p. 507); c) 1680 être seul dans le monde (Sévigné, Corresp., éd. R. Duchêne, t. 3, p. 965). Du lat. class. solus « seul, unique; isolé, délaissé; solitaire, désert ». Fréq. abs. littér.: 75 306. Fréq. rel. littér.: xixes.: a) 112 643, b) 91 158; xxes.: a) 105 412, b) 111 910. Bbg. Keller (L.). Solo e pensoso, seul et pensif... St. fr. 1973, t. 17, pp. 3-14. |