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SEUIL, subst. masc.
A. − [Dans l'espace]
1. Dalle ou pièce de bois qui forme la partie inférieure de l'ouverture d'une porte. Synon. pas de la porte (v. pas2).Seuil de bois, de pierre; seuil surélevé. La servante qui lave le seuil à grande eau (Faure,Hist. art, 1921, p. 54).On l'emploie [le liais] pour des travaux de peu de hauteur mais devant être résistants: seuils, marches, appuis, éviers (Robinot,Vérif., métré et prat. trav. bât., t. 1, 1929, p. 71).
P. méton.
Entrée d'une maison, d'un bâtiment. Au seuil (de qqc.); barrer le seuil. Quand il est assis devant son seuil et cause avec les voisins, il faut qu'il jette un regard jusqu'au fond des pièces ouvertes, et qu'il assiste encore aux travaux de la maison (Faure,Hist. art, 1921, p. 56).Les femmes ont la manie du pas de porte; toujours ces interminables conversations d'adieu ou de bienvenue sur le seuil (Butor,Passage Milan, 1954, p. 48).
Franchir, passer le seuil. Entrer ou sortir. Teresa!... Que de fois j'ai passé le seuil de cette porte avec un cœur joyeux et bondissant comme un cœur de jeune homme! (Dumas père, Teresa, 1832, v, 3, p. 226).L'animal ne peut s'échapper que vers les portes de l'église. À peine en eut-il franchi le seuil que le prince des ténèbres s'en saisit (Fillon,Serrurier, 1942, p. 15).
Entrée, endroit par où l'on pénètre dans une pièce. Le petit, tombé sur les genoux, venait de se porter un second coup, qui l'avait jeté tout de son long sur le tapis. Il barrait le seuil de la chambre (Zola,Nana, 1880, p. 1444).
Loc. De seuil en seuil. De logis en logis. Tout le monde est en effervescence. L'ivresse gagne de seuil en seuil dans les villages traversés (Pesquidoux,Chez nous, 1921, p. 167).
2. SC. ET TECHN.
a) TECHNOL. Pièce qui forme la partie inférieure d'une ouverture et sur laquelle vient s'appliquer l'élément mobile. Seuil de pont-levis, de vanne. Le seuil du brise-lames est placé aussi bas que possible, c'est-à-dire un peu au-dessus du niveau des basses eaux (Bourde,Trav. publ., 1929, p. 231).
Seuil d'écluse. ,,Pièce de bois placée au fond de l'eau sous la porte d'une écluse`` (Ac. 1935).
Seuil de déversoir. ,,Partie inférieure horizontale, réglable ou non en hauteur, d'un déversoir`` (Minéral. 1972).
MAR. ,,Base ou fondation de l'entrée d'une cale sèche`` (Gruss 1878).
b)
α) GÉOGR., GÉOL. Élévation d'un terrain, d'un fond marin, fluvial ou glaciaire, qui sépare deux régions d'altitudes comparables. Le seuil de la Champagne, du Poitou. Ce sont des eaux vosgiennes qui ont raviné le seuil entre Toul et Commercy (Vidal de La Bl.,Tabl. géogr. Fr., 1908, p. 211).
β) GÉOMORPHOL., HYDROL. ,,Secteur peu profond dans le lit d'un cours d'eau, oblique par rapport à son axe et situé entre deux parties plus profondes ou mouilles`` (George 1984). Entre la côte nord-ouest du Spitzberg et la côte est du Groenland. À cet endroit, plusieurs explorateurs (...) croient qu'il existe un seuil (D'Orléans,À travers banquise, 1907, p. 6).Une large trouée entre le Groenland et la Norvège, trouée d'ailleurs où les fonds se relèvent sensiblement pour former plusieurs seuils (Rouch,Régions polaires, 1927, p. 12).
c) BIOL., ANAT. Seuil de l'hémisphère. ,,Ensemble des organes qui relient entre eux les deux hémisphères cérébraux`` (Méd. Biol. t. 3 1972). Les pédoncules cérébraux qui pénètrent par le seuil de l'hémisphère (Gérard,Anat. hum., 1912, p. 315).
B. − Au fig., littér.
1. [Dans le temps] Début, commencement, entrée dans une période nouvelle. Au seuil de l'adolescence, de la vieillesse; au seuil de l'année nouvelle; au seuil du XXesiècle. Les élèves (...) mis en demeure (...) d'opter, sur le seuil de la classe de troisième, pour les lettres ou les sciences (France,Vie fleur, 1922, p. 346):
Au seuil d'une vie nouvelle, qu'il voulait raisonnée et laborieuse, il avait éprouvé le besoin (...) de faire le bilan de ses acquisitions récentes. Martin du G.,Devenir, 1909, p. 77.
2. Limite marquant un passage vers un autre état, entrée dans une situation nouvelle. Seuil de la souffrance, de la patience; marquer un seuil; parvenir au seuil de (qqc.). Arrêtons-nous sur le seuil de la politique proprement dite (Cousin,Vrai, 1836, p. 400).Avez-vous remarqué quel dédoublement se produit chez les gens, au seuil de paroles qu'ils redoutent de prononcer? Ils (...) s'épandent en bavardages (Estaunié,Appel route, 1921, p. 63).
3. DR., ÉCON. Niveau, point critique à partir duquel les phénomènes économiques risquent de créer des déséquilibres dans l'ensemble de l'économie (d'apr. cida 1973). Seuil de rendement (Wellhoff Comm. 1977). Tout se passe comme si l'essor du mouvement ouvrier avait atteint une sorte de seuil de « rendement décroissant » qui expliquerait en partie le « plateau » de ses effectifs depuis quelques années (Traité sociol., 1967, p. 489).
Seuil de rentabilité. ,,Volume d'activité pour lequel la somme des marges brutes couvre exactement les frais de structure`` (Manag. 1971).
4. En compos., PSYCHOPÉDAG. Niveau-seuil. V. niveau II C 2 b.
C. − SC. Limite.
1.
a) PHYS., ÉLECTR. Limite (inférieure ou, très rarement, supérieure) au-delà de laquelle un phénomène physique ne provoque plus de réaction. Seuil minimum, maximum; seuil relatif; seuil thermique, photoélectrique; effet de seuil; seuil de courant, d'énergie. La raie se termine là où l'éclairement de la plaque tombe au-dessous du seuil de sensibilité de la plaque (Schatzman,Astrophys., 1963, p. 50).
Seuil électrique. ,,Le courant ou le voltage le plus faible nécessaire pour déclencher une réaction minimale perceptible`` (Méd. Biol. t. 3 1972). Lorsqu'on élève progressivement l'intensité du courant, le seuil est atteint d'abord par le courant d'ouverture puis par le courant de fermeture (Camefort, Gama,Sc. nat., 1960, p. 189).
Seuil galvanique (Méd. Biol. t. 3 1972). Synon. de rhéobase (s.v. rhéo-).
Seuil d'un récepteur. ,,Dans un récepteur (en principe radioélectrique), limite au-dessous de laquelle il ne délivre aucun signal détectable dans le bruit`` (Muller 1980).
b) PHYS. NUCL.
Seuil de réponse (aux impulsions). ,,Valeur minimale de l'amplitude d'une impulsion nécessaire pour qu'un circuit déterminé associé à un détecteur de rayonnement remplisse sa fonction en réponse à cette impulsion`` (Nucl. 1975).
Seuil nucléaire d'énergie. ,,Énergie cinétique minimale d'une particule incidente, pour laquelle une réaction nucléaire est possible`` (Nucl. 1975). Seuil d'énergie d'une particule.
Seuil de luminescence. ,,Longueur d'onde maximale, ou fréquence minimale, de la radiation capable de provoquer la luminescence d'une substance`` (Méd. Biol. t. 3 1972).
En appos. Fréquence seuil. Lorsque la fréquence est supérieure à la fréquence seuil, les électrons expulsés par l'action de la lumière (photoélectrons) sortent de la matière avec une énergie cinétique d'autant plus grande que la fréquence dépasse davantage la fréquence seuil (L. de Broglie,Théorie quanta, 1959, p. 95).
c) INFORMAT. ,,Niveau à ne pas dépasser`` (Ging.-Lauret 1982).
Seuil d'impulsion. ,,Valeur minimum en dessous [sic] de laquelle l'impulsion perd sa signification et risque d'être confondue avec un parasite`` (Ging.-Lauret 1982).
2. PHYSIOL., PSYCHOPHYS. Niveau d'intensité minimale d'un stimulus, capable de produire une sensation. Seuil sensoriel; seuil d'audibilité, d'excitabilité, d'excitation, d'intensité, de perception, de réponse, de stimulation. Une différence génétique dans le seuil de la sensibilité aux hormones aboutit à supprimer dans une espèce le dimorphisme sexuel (Cuénot, J. Rostand,Introd. génét., 1936, p. 41).Seuil d'acuité visuelle pour les stimulations lumineuses de la rétine, seuil d'acuité tactile pour les stimulations cutanées (Piéron,Sensation, 1945, p. 51).
Seuil absolu (d'une sensation). ,,Intensité minimale du stimulus suffisante pour produire une sensation`` (Méd. Biol. t. 3 1972). Les recherches sur les seuils absolu et relatif de sensibilité (...) ont fait l'objet des études de nombreux chercheurs (Hist. gén. sc., t. 3, vol. 2, 1964, p. 206).
Seuil de sensation à la douleur. ,,Seuil à partir duquel un stimulus agissant sur les récepteurs sensibles à la douleur provoque une sensation douloureuse perceptible, la stimulation d'autres récepteurs et les facteurs subjectifs étant autant que possible éliminés`` (Méd. Biol. t. 3 1972).
Seuil différentiel. ,,Intensité la plus basse à laquelle deux stimuli déterminent deux sensations distinctes`` (Méd. Biol. t. 3 1972). Synon. minimum différentiel (ibid.).La question a paru pouvoir se poser du fait d'un abaissement du seuil différentiel dans des cas de double stimulation, portant sur des appareils récepteurs différents (Piéron,Sensation, 1945, p. 383).
Seuil d'audition minimal, seuil d'audition maximal. Champs entre lesquels s'étend le champ auditif normal où l'audition est relativement bonne (d'apr. Thinès-Lemp. 1975). Le seuil maximum d'audition (ou seuil de la douleur) correspond à l'intensité maximale supportable par l'oreille (Thinès-Lemp.1975).Le seuil minimum d'audition correspond au minimum d'énergie sonore requise pour que l'oreille humaine perçoive le stimulus sonore (Thinès-Lemp.1975).
Seuil de sensation à la douleur. ,,Seuil à partir duquel un stimulus agissant sur les récepteurs sensibles à la douleur provoque une sensation douloureuse perceptible, la stimulation d'autres récepteurs et les facteurs subjectifs étant autant que possible éliminés`` (Méd. Biol. t. 3 1972).
Seuil d'intelligibilité. ,,Intensité (exprimée en dB) à partir de laquelle, en audiométrie vocale, 50 % du message est correctement compris par un sujet`` (Thinès-Lemp. 1975).
Seuil de vision, seuil visuel. ,,Valeur du stimulus que l'on convient de considérer comme la limite perceptible`` (Mill. Vision 1981).
Seuil lumineux. ,,Intensité lumineuse minima perceptible`` (Méd. Biol. t. 3 1972). Seuil lumineux brut, seuil lumineux différentiel (Méd. Flamm. 1975).
3. BIOLOGIE
a) UROL. Seuil d'élimination (rénale), seuil rénal. ,,Concentration minimale d'une substance dans le sang à partir de laquelle elle passe dans l'urine`` (Méd. Biol. t. 3 1972). Seuil rénal du sucre (Méd. 1966). Les substances avec seuil ne sont éliminées par le rein qu'à partir du moment où leur taux dans le sang atteint une certaine concentration (Ce que la Fr. a apporté à la méd.,1946 [1943], p. 210).En 1896, Klemperer a introduit la notion d'un seuil d'excrétion, qui n'intervient que dans le cas rare et très particulier du diabète d'origine rénale (Bariéty, Coury,Hist. méd., 1963, p. 762).
b) Seuil écologique. ,,Température à laquelle commencent certains phénomènes biologiques`` (Lar. agric. 1981). Il arrive enfin que des graines de plantes supérieures germent dans un lieu situé très au-dessous du seuil de lumière autorisant la vie du végétal adulte (Gèze,Spéléol. sc., 1965, p. 143).
4. PHARMACOL. Seuil d'activité d'une drogue. Seuil correspondant à la dose minimale active (d'apr. Thinès-Lemp. 1975).
Prononc. et Orth.: [sœj]. Att. ds Ac. dep. 1694. Étymol. et Hist. 1. Ca 1170 suil « pièce de bois ou dalle de pierre au bas de l'ouverture d'une porte » (Rois, éd. E. R. Curtius, I, V, 4, p. 12); 1176 suel (Chrétien de Troyes, Cligès, éd. A. Micha, 2251); en partic. 1552 « endroit par où on pénètre » ici « entrée du port » le cap au seuil (Rabelais, Quart Livre, éd. R. Marichal, ch. XXII, ligne 15); 2. déb. xiiies. soil « châssis d'une fenêtre » (Raoul de Houdenc, Vengeance Raguidel, 2127 ds T.-L.), attest. isolée; a) 1392 suez « pièce formant la partie inférieure d'une ouverture et sur laquelle vient s'appliquer l'élément mobile » ici « pièce de bois au fond de l'eau sous la porte d'une écluse » (6 mai, Chirogr., A. Tournai ds Gdf. Compl.); b) 1886 océanogr. (Loti, Pêch. Isl., p. 252); c) 1906 géogr. (Pt Lar.); d) 1907 « levée de terre destinée à défiler le sol du champ de tir des coups de plein fouet » (Nouv. Lar. ill.); 3. 1630 [éd.] « limite marquant le passage à un état différent » sueil de la mort (D'Aubigné, Méditation sur les Psaumes ds Œuvres compl., éd. E. Réaume de Caussade, t. 2, p. 167); 4. a) 1865 psychol. seuil de la conscience (ds Année sc. et industr., 1866, p. 332); 1908 seuil différentiel (ch. Lalo, Esthét. mus. sc., p. 64); b) 1904 physiol. seuil de l'excitation (Nouv. Lar. ill.); c) 1924 biol. seuil d'excrétion du sucre (Legendre ds Nouv. Traité Méd. fasc. 7, p. 417). Du lat. d'époque impériale solea « sandale, garniture de sabot », et à basse époque « sorte de plancher » influencé pour le genre et le sens par solum, v. sol. Fréq. abs. littér.: 3 852. Fréq. rel. littér.: xixes.: a) 3 543, b) 6 850; xxes.: a) 6 898, b) 5 539. Bbg. Archit. 1972, p. 80.