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SENTINELLE, subst. fém.
A. −
1.
a) Soldat placé dans un poste avancé. Synon. guetteur.Chaque grand' garde ayant besoin d'être prévenue à temps de l'arrivée de l'ennemi, établira en avant d'elle des observateurs, des sentinelles, qui, ayant elles-mêmes besoin d'être soutenues et recueillies, demanderont en arrière des petits postes (Foch,Princ. guerre, 1911, p. 58).
P. métaph. D'autres [oiseaux de mer] se cantonnent sur un rescif, et, sentinelles vigilantes, élèvent pendant la nuit une voix lugubre, pour écarter les navigateurs (Chateaubr.,Génie, t. 1, 1803, p. 188).
Sentinelle double. Groupe de deux soldats faisant ensemble le guet. On organise la garde de la tranchée, en attendant qu'on ait des nouvelles de ce qu'ont fait les autres et de ce qui se passe en avant. Je vais te mettre en sentinelle double, avec Paradis, dans un trou d'écoute que les sapeurs viennent de creuser (Barbusse,Feu, 1916, p. 281).
Sentinelle perdue. Soldat placé dans une position avancée et dangereuse. (Dict. xixeet xxes.).
b) Soldat armé chargé d'assurer la garde d'un poste militaire, d'un lieu occupé par l'armée, etc. Synon. factionnaire.Poster, placer, poser, relever une sentinelle; la sentinelle présente les armes, monte la garde, veille; sentinelle attentive, endormie, farouche, inflexible; cordon de sentinelles; ligne des sentinelles; sentinelle en faction:
L'Allemand saute du camion, longe le mur, ouvre la porte d'une cabane. Les yeux du caporal brillent; il guette. Les sentinelles ont détourné la tête; il se jette à quatre pattes, se glisse sous les fils de fer, allonge la main; un hurlement: la sentinelle le couche en joue. Il veut reculer, l'autre sentinelle lui fait signe de rester immobile. Il attend, blême, la main encore tendue, le derrière en l'air. Sartre,Mort ds âme, 1949, p. 226.
c) P. anal. Personne placée en un endroit particulier pour épier, pour surveiller, pour garder. Synon. gardien, surveillant.Elle aperçoit à l'entrée la fille d'Adario, sentinelle vigilante qui observoit de loin les mouvements de son père (Chateaubr.,Natchez, 1826, p. 404).
Rem. Au masc. dans l'ex. suiv.: [Apollon] prend tous les dehors de l'antique Butès Qui d'Anchise autrefois fut l'écuyer fidèle, Et devant son palais vigilant sentinelle (Delille, Énéide, 1804, p. 263). ,,C'est probablement (...) l'embarras de la mesure qui [a] produit cette licence`` (Lav. Diffic. 1846).
2. Au fig. Ce qui garde, préserve. Quand Dieu voit nos fautes, il voit aussi nos repentirs; vous avez raison, ma chère maîtresse (...) Ô mon bel ange gardien, la jalousie est la sentinelle qui ne dort jamais (Balzac,Mém. jeunes mariées, 1842, p. 258).
3. Pop. ,,Excréments isolés qui salissent les abords de certaines voûtes, de certains parapets ou de certains gazons, semblant crier aux souliers aventureux: On ne passe pas ici`` (Larch. 1858, p. 511).
4. TECHNOL., IMPR. ,,Lettre qui tombe d'une page et reste debout sur le marbre lorsqu'on enlève la forme`` (Comte-Pern. 1974).
B. − [Dans des loc.]
1. [À propos d'un soldat] En sentinelle. Placé en faction pour exercer une surveillance, pour guetter. Mettre qqn en sentinelle; être en sentinelle. Nous ne sommes plus au temps où le soudard primait dans le monde et calottait le citoyen, au temps où l'on ôtait sa pipe devant un recru en sentinelle (Borel,Champavert, 1833, p. 210).Mon frangin, qui a ses quarante-trois ans pourtant, et qui habite près de Châlons, il a été convoqué à la gare. Paraît qu'ils lui ont fichu un vieux képi sur le crâne, des cartouchières sur son veston, un fusil dans la main, et hardi! Viens que je te poste en sentinelle au viaduc! (Martin du G.,Thib., Été 14, 1936, p. 508).
En sentinelle perdue. En faction dans une position exposée, dangereuse. J'aidais les camarades, j'espionnais, je me battais, je me mettais en sentinelle perdue ou à l'arrière-garde; mais je n'ai jamais versé le sang d'un homme qu'à mon corps défendant! (Balzac,Curé vill., 1839, p. 181).
P. anal. En se tenant immobile pour exercer une surveillance. Palmyre, la terrible servante de l'abbé Cognasse, était là, sur le seuil, en sentinelle sévère qui notait les bons chrétiens (Zola,Vérité, 1902, p. 229).Des ménagères (...) gardaient leurs emplettes sur les bras et leur regard allait rapidement à droite, à gauche; quelques-unes avaient posé leurs paquets par terre et se tenaient en sentinelle (Roy,Bonheur occas., 1945, p. 124).
P. métaph. Ce vieux corbeau, éternellement en sentinelle dans l'angle de la fenêtre, acheva de surexciter les esprits (Lorrain,Contes chandelle, 1897, p. 62).L'on rentre dans sa petite maison, l'on traverse ce jardinet qui fut si laid sous le ciel d'hiver (...) son peuplier en sentinelle vous souhaite la bienvenue (Morand,Bucarest, 1935, p. 126).
2. Faire sentinelle. Surveiller, guetter; p. méton., attendre longuement. La jeune femme marche doucement sans regarder derrière elle, et sans se douter qu'elle est suivie de loin par M. Monfignon qui, depuis deux jours, fait sentinelle devant la maison des Grospré (Kock,Âne M. Martin, 1862, p. 215).À différentes reprises, tout le long du voyage, ils aperçurent des cavaliers solitaires qui semblaient, en effet, faire sentinelle à l'abri d'énormes genévriers (Giono,Angelo, 1958, p. 209).
Prononc. et Orth.: [sɑ ̃tinεl]. Att. ds Ac. dep. 1694. Étymol. et Hist. 1. 1540 centinelle « soldat placé en faction pour faire le guet » (La Grise, trad. Guevara, III, 49 ds Hug.); 1546 sentinelle (Rabelais, Tiers Livre, éd. M. A. Screech, Prol., p. 10); 2. 1558 p. ext. faire la centinelle « faire le guet » (J. Grévin, La Trésorière, IV, 5, éd. E. Lapeyre, p. 73); 3. 1640 pop. (Oudin Curiositez: poser une Sentinelle . i. descharger son ventre en quelque lieu descouvert). Empr. à l'ital.sentinella, att. au sens 1 dep. 1518-25 (Firenzuola ds Tomm.-Bell.), dér. de sentire « sentir, entendre, écouter » (sentir*; v. A. Prati ds R. Ling. rom. t. 19, pp. 210-211 et FEW t. 11, p. 471b et 472b). Fréq. abs. littér.: 989. Fréq. rel. littér.: xixes.: a) 1 594, b) 1 762; xxes.: a) 876, b) 1 374. Bbg. Dauzat Ling. fr. 1946, p. 49. − Hope 1971, p. 149, 221. − Kemna 1901, p. 237. − Quem. DDL t. 27. − Wedgwood (H.). Fr. etymologies. Romania. 1879, t. 8, pp. 438-439.