| SENTENCE, subst. fém. A. − Maxime énonçant de manière concise, une évidence, une vérité chargée d'expérience ou de sagesse et renfermant parfois une moralité. Belle sentence. Les poètes retirent plus vite leurs héros de la lutte, et ne les traînent pas après la victoire dans l'ornière des jours ingrats. Ceux qu'aiment les Dieux meurent jeunes, disait la sentence antique. − Oui, mais (...) c'est là notre désir et non la volonté de Dieu (Amiel,Journal, 1866, p. 105).La sentence de Diderot est absurde qui dit: « Il n'y a que le méchant qui soit seul ». Non, « l'amour-propre, principe de toute méchanceté, s'avive et s'exalte dans la société qui l'a fait naître et meurt faute d'aliment dans la solitude (...) » (Guéhenno,Jean-Jacques, 1952, p. 307). − Proverbe, fam. Ne parler que par sentences. ,,Affecter de parler gravement et par lieux communs`` (Ac. 1935). B. − 1. Décision rendue sur une question litigieuse par l'autorité compétente. Prononcer, lire une/la sentence; exécution de la sentence. Voyez ce Christ en croix. La voilà, la chose jugée (...). C'est à l'autre bout de la salle qu'il faudrait placer l'image, afin qu'avant de rendre sa sentence le juge eût devant les yeux l'exemple d'erreur judiciaire (Clemenceau,Iniquité, 1899, p. 209).Un peuple, un gouvernement, un souverain même (...) se sentiraient moins touchés (...) s'ils avaient à s'incliner devant la sentence d'une Cour internationale décidant au nom de l'intérêt collectif des États (Martin du G.,Thib., Épil., 1940, p. 925). a) DR., vieilli. Décision de justice, jugement. Sentence pénale. Le maire de Véretz a fait publier par le curé, au prône de la paroisse, une sentence de la police correctionnelle de Tours contre le nommé Clavier-Blondeau (Courier,Lettres Fr. et Ital., 1819, p. 890).Jamais il ne parlait d'un jugement du tribunal de commerce sans le nommer la sentence des consuls (Balzac,Mais. chat, 1830, p. 11). − En partic. ♦ Jugement rendu et dont on fait appel. Après (...) viennent deux juges des orphelins, chargés (...) de la nomination des tuteurs et curateurs, et généralement de toutes les discussions relatives aux successions: on peut appeler de leur sentence à Goa (Voy. La Pérouse, t. 2, 1797, p. 327). ♦ Sentence (capitale, fatale, de mort). Jugement de condamnation à mort. Aboulias fut mené au pacha, et condamné à être pendu. La sentence fut exécutée; mais, la corde ayant cassé, le malheureux Aboulias tomba au pied de la potence (Lamart.,Voy. Orient, t. 1, 1835, p. 194).Dès que les deux captifs eurent été amenés devant le roi, leur conducteur fit les plus grands efforts pour exciter contre eux sa colère, et lui arracher, avant toute réflexion, une sentence capitale et un ordre d'exécution à mort (Thierry,Récits mérov., t. 2, 1840, p. 231). b) Vieilli. [À propos de quelques tribunaux des pays étrangers, se dit de toutes les décisions, jugements (d'apr. Ac. 1835, 1878)] 2. Vieilli. Jugement rendu par Dieu sur les hommes, sur les pécheurs, sur les créatures. Sentence originelle, primitive. Adam confesse son crime; Dieu prononce la sentence: « Homme! tu mangeras ton pain à la sueur de ton front; tu déchireras péniblement le sein de la terre; sorti de la poudre, tu retourneras en poudre. − Femme, tu enfanteras avec douleur » (Chateaubr.,Génie, t. 1, 1803, p. 288).La manière d'agir de cet animal cauteleux trahit un être supérieur, spirituel et invisible, qui pousse au mal, et la sentence divine contre le tentateur atteint cet être fourbe et dissimulateur plus que l'animal, dont il avait pris la forme (Théol. cath.t. 4, 11920, p. 323). 3. DR. CANON. Jugement, de nature contentieuse ou criminelle, rendu par une juridiction ecclésiastique et clôturant une procédure régulièrement conduite. Sentence du pape. Cependant Leudaste, mis hors de la loi par une sentence d'excommunication, et par un édit royal qui défendait de lui procurer ni gîte, ni pain, ni abri, menait une vie errante, pleine de périls et de traverses (Thierry,Récits mérov., t. 2, 1840, p. 297).Une première sentence de l'officialité ou tribunal de l'archevêché, devant lequel il y eut débats et plaidoiries contradictoires, les débouta encore une fois (Sainte-Beuve,Port-Royal, t. 5, 1859, p. 546). C. − 1. Opinion, avis solennellement formulé, faisant autorité et auquel on se range. Sentence arbitrale: Le président du local et le directeur ne peuvent-ils se mettre d'accord, ils recourent à un arbitre (...). L'arbitre impartial tranchera. La procédure peut paraître lourde. Son avantage réel est non seulement qu'on est sûr d'aboutir à une sentence non discutable, mais que cette sentence fait jurisprudence pour les rapports entre les parties...
Reynaud,Syndic. en Fr., 1963, p. 216. − En partic. Sentence d'absolution. Absolution. Puisse le souverain juge, dit-il, ratifier la sentence d'absolution qu'en son nom je viens de prononcer sur une âme captive de Satan (Barrès,Colline insp., 1913, p. 335). 2. Opinion, décision, avis, empreints de solennité, émis par une personne ou un groupe de personnes, sollicités de se prononcer. Alexandre Brongniart réédita la sentence sans appel du tout-puissant Cuvier dans les Annales des sciences naturelles. Le refus de Cuvier de croire à la contemporanéité de l'Homme et des Mammifères fossiles du Quaternaire suffisait ainsi pour que toutes ces recherches soient enveloppées de réprobation (E. Hamy) (Hist. gén. sc., t. 3, vol. 1, 1961, p. 557). − P. iron. Mon grand-père même me condamna, la sentence fut que pendant trois jours je ne dînerais pas à table (Stendhal,H. Brulard, t. 1, 1836, p. 144). − Appeler de la sentence de qqn. ,,Ne pas vouloir s'en tenir à sa décision, à son jugement.`` (Ac. 1835-1935) ,,J'appelle de votre sentence, ou simplement, j'en appelle`` (Ac.1835-1935). Prononc. et Orth.: [sɑ
̃tɑ
̃:s]. Att. ds Ac. dep. 1694. Étymol. et Hist. 1. Ca 1155 « maxime, opinion exprimée d'une manière dogmatique » (Wace, Conception ND, 264 ds T.-L.); 2. a) ca 1175 « jugement de Dieu sur les hommes » la sentence de mort (Benoît de Ste-Maure, Ducs Normandie, 25979, ibid.); cf. fin xiies. sentence de dampnation (Li sermon saint Bernard, éd. K. Vollmöller, p. 3, ligne 16); b) ca 1175 plus gén. « jugement » (Id., ibid., 2351, ibid.); en partic. xiiies. « décision d'une juridiction ecclésiastique qui clôt une procédure contentieuse ou criminelle » (Arch. des miss. scientif., 2esérie, t. III, p. 299 ds Littré); c) 1283 p. ext. « jugement d'un tribunal quelconque » (Philippe de Beaumanoir, Coutumes Beauvaisis, éd. A. Salmon, § 1280); d) ca 1470 « opinion, avis » (Georges Chastellain, Chron., éd. Kervyn de Lettenhove, t. 3, p. 417). Empr. au lat. class.sententia « sentiment, opinion, avis, vote, suffrage, sens, signification, maxime, pensée exprimée », dér. de sentire « penser, juger, se rendre compte », v. sentir. Fréq. abs. littér.: 813. Fréq. rel. littér.: xixes.: a) 1 918, b) 920; xxes.: a) 897, b) 787. Bbg. Quem. DDL t. 5. − Wentzlaff-Eggebert (H.). Réflexion als Schlüsselwort in La Rochefoucaulds Réflexions ou sentences et maximes morales. Z. fr. Spr. Lit. 1972, t. 82, pp. 217-242. |