| SCIE, subst. fém. A. − Outil (ou machine) muni d'une lame métallique à tranchant denté, de forme rectiligne ou circulaire, servant, grâce à un mouvement de va-et-vient ou de rotation, à entamer et à couper un matériau dur (bois, pierre, métal...). Dépourvu d'instrument, il se contentait d'appeler: « Avez-vous des scies à repasser, v'là le repasseur » (Proust, Prisonn., 1922, p. 119): ... il commença la destruction totale de son magasin. Il y vécut des mois, la hache et la scie en main, comme un bûcheron, abattant des poutres, débitant, taillant, dans un écroulement de toutes les charpentes.
Van der Meersch, Invas. 14, 1935, p. 202. SYNT. Scie édentée; scie passe-partout; scie sauteuse; scie à mains, à bras, à chaînette, à dosseret; scie à bois, à métaux; scie à grecquer (rem. s.v. grecque), à tronçonner; scie de boucher, de charpentier, de chirurgien, de menuisier; grincement d'une scie; affûter, graisser une scie; donner de la voie à une scie. 1. En partic. a) CARR. Scie (de tailleur de pierre). Lame d'acier dentelée pour les pierres tendres ou sans dents pour les pierres dures, qui, par un mouvement de va-et-vient, entame et divise peu à peu la pierre. Scie de marbrier. Avec la scie sans dents, la coupe [de la pierre dure] est facilitée par du sable que l'on verse dans la rainure en même temps que de l'eau pour éviter l'échauffement (Lambertie, Industr. pierre et marbre, 1962, p. 65). b) CUIS., en compos. Couteau-scie. Couteau à lame dentée. Le couteau-scie électrique (Le Nouvel Observateur, 26 avr. 1976, p. 97, col. 3). c) CÉRAM. Fil de fer avec lequel le potier détache son ouvrage du tour. (Dict. xixeet xxes.). d) JOAILL. Plaque de fer ronde dont se sert le lapidaire pour user les pierres (Dict. xixeet xxes.). e) TECHNOLOGIE ♦ Moulin à scie. Moulin possédant une scie, dont le mécanisme est mis en mouvement par la force de l'eau, et servant à débiter les troncs d'arbres. Un moulin à scie montre ses humbles constructions pittoresquement placées, sa provision de longs sapins sans écorce, et son cours d'eau pris au torrent (Balzac, Méd. camp., 1833, p. 1). ♦ Scie anglaise. ,,Scie composée d'une petite lame très étroite qu'on manœuvre avec une pédale et qui sert à découper des pièces de bois très minces`` (Forest. 1946). ♦ Scie égoïne*. ♦ Scie à chantourner. Scie à lame étroite et mince servant à découper un modèle dessiné sur du bois. Lorsque le peintre a dessiné son profil [de châssis] le machiniste le découpe à la scie à chantourner (Moynet, Machinerie théâtr., 1893, p. 78). ♦ Scie à refendre*. ♦ Scie à guichet ou scie passe-partout. ,,Scie à main, à lame pointue`` (Forest. 1946). ♦ Scie à ruban. Scie dont la lame est constituée par un ruban d'acier tendu, que l'on manœuvre sur deux parties, de manière à produire un mouvement continu et à sens unique. La scie à ruban est employée pour faire des sections minces et longues dans les pièces métalliques et dans les pièces de bois (Gorgeu, Machines-outils, 1928, p. 129). ♦ Scie mécanique. Scie mise en mouvement par une machine. Dans tout l'atelier, on n'entendait que le bruit des marteaux et de la scie mécanique (Camus, Exil et Roy., 1957, p. 1601). ♦ Scie alternative. ,,Scie dont le porte-lame est animé d'un mouvement alternatif vertical ou horizontal, ce mouvement étant rectiligne sur toute la course ou sur une partie seulement de celle-ci`` (Métro 1975). La scie alternative est employée pour découper des ouvertures dans les planches (Gorgeu, Machines-outils, 1928, p. 137). ♦ Scie circulaire. Scie dont la lame est composée d'un disque d'acier à bord denté auquel on communique un mouvement rapide de rotation. Les placages déroulés sont (...) obtenus au moyen d'une scie circulaire qui débite des feuilles prises dans la même partie du tronc (Viaux, Meuble Fr., 1962, p. 16). ♦ En compos. Scie-cloche. ,,Scie dont la lame affecte la forme d'une circonférence constituant la base d'un cylindre en vue de découper des cercles`` (Termes nouv. Sc. Techn. 1983). 2. Expressions a) Trait de scie. Marque tracée sur le matériau destiné à être scié; entaille de la scie qui divise petit à petit le matériau. La scie [à ruban] doit être perpendiculaire à la surface de la table: sinon le trait de scie n'est pas d'équerre par rapport à la face d'appui (Gorgeu, Machines-outils, 1928, p. 131). ♦ P. métaph. Nous nous glissâmes dans une calanque, large à peine de quelques mètres et si profonde qu'elle paraissait un trait de scie dans la masse du plateau (Gracq, Syrtes, 1951, p. 159). − P. méton. Chacune des sections faites par la scie dans le matériau. Cette voie de bois a été coupée à trois traits de scie; donc en quatre morceaux (Ac.1835-1935). b) Bran* de scie (vx). c) P. méton. ♦ Fer de scie (vieilli). ,,Réunion de deux scieurs de long manœuvrant ensemble une scie`` (DG). ♦ Scie forestière. Chantier mobile de sciage se déplaçant en forêt, de coupe en coupe. (Dict. xxes.). 3. a) Loc. adj. En (dents de) scie. Dont la forme présente une alternance régulière de creux et de pointes. Il y a quelques arcades romanes et une porte murée, entourée des ornements en scie qui caractérisent le roman (Michelet, Journal, 1834, p. 143).Un touriste français arrivant de Douvres en automobile, entre à Londres par le pont de Westminster et voit se déployer devant lui la surface en dents de scie du parlement (Morand, Londres, 1933, p. 220). − Au fig. Qui présente une alternance de hauts et de bas. [L'utilisation du Triamtérène (substance chimique diurétique)] permettra aussi d'éviter le déroulement capricieux, en dents de scie, de l'amaigrissement, (...) que l'on peut observer quand ces salurétiques sont pris sans discernement (R. Schwartz, Nouv. remèdes et mal. act., 1965, p. 34). b) ÉLECTRON. Dent de scie. Forme de signaux de relaxation à montée rapide et à décroissance linéaire, obtenus à partir d'un générateur d'oscillations de relaxation (d'apr. Électron. 1963-64). La dent de scie idéale pour un balayage, (oscillographe ou télévision) est une montée rapide (front raide) et une descente proportionnelle au temps (Électron.1963-64). B. − P. anal. 1. ENTOMOLOGIE a) Vx. Mouche à scie. Dans la larve d'une mouche à scie (...) dont la tête est grosse, large et munie d'yeux, le cerveau est très-large et court (Cuvier, Anat. comp., t. 2, 1805, p. 324). b) Subst. fém. plur. ,,Dans l'oviscapte (v. ovi-2) des Hyménoptères Tenthrédinoïdes [v. tenthrède], la paire médiane de plaques dentées`` (Séguy 1967). 2. ICHTYOL. Poisson(-)scie ou, absol., scie. Poisson marin au museau prolongé par un rostre en forme d'épée portant de part et d'autre une rangée de 20 paires de dents robustes, et dont la longueur peut varier jusqu'à 10 m. Laissez donc tranquilles ces malheureux cétacés. Ils ont bien assez de leurs ennemis naturels, les cachalots, les espadons et les scies, sans que vous vous en mêliez (Verne, Vingt mille lieues, t. 2, 1870, p. 137).On essayait ensemble de pêcher des poissons-scies, ces manières de requins qui pullulaient devant la case (Céline, Voyage, 1932, p. 198). 3. MUS. Scie (musicale). ,,Lame d'acier souple vibrant quand on la frotte avec un archet ou quand on la frappe avec un petit maillet`` (Mus. 1976). Les cithares-en-terre, aux tiges de rotin ou de bambou, ayant de commun avec la scie musicale de n'être pas, à vrai dire, susceptibles de tension (Schaeffner, Instrum. mus., 1936, p. 151).Un jeune aveugle (...) joue de l'accordéon, accompagné par un homme plus âgé qui joue de la scie avec un archet (Green, Journal, 1949, p. 281). 4. NAV. Scie (de gondole). Lame de fer dentelée, haute et large, fixée à l'avant des gondoles. (Dict. xixeet xxes.). 5. PATHOL. Bruit de scie. ,,Bruit semblable au grincement de la scie qu'on perçoit par l'auscultation, dans certaines maladies du cœur`` (DG). C. − Au fig., fam. 1. a) Chanson, phrase musicale, à la mode et souvent répétée. Synon. rengaine.La dînette achevée, on chanta quelques ballades d'Hugo, puis on passa à quelques unes de ces interminables scies d'atelier, (...) leurs couplets versant toujours la même bêtise (Gautier, Hist. romant., 1872, p. 106).Il tapotait sur le piano un galop d'Offenbach, ou chantonnait une scie de café-concert (Rolland, J.-Chr., Foire, 1908, p. 679). b) Phrase souvent répétée, plus ou moins amusante ou absurde; formule fastidieuse ou exaspérante par son usage répété. C'était − avec quelques autres scies, telles que: (...) « Tout ça n'est rien, tant qu'on a la santé », − c'était une de ces absurdes phrases-clichés, (...) que les habitués du lieu se renvoyaient à tout propos avec des sourires d'initiés (Martin du G.Thib., Pénitenc., 1922, p. 842). 2. Chose ou personne ennuyeuse. Ah bien! nous n'allons pas nous amuser!... c'est une vraie scie, ce bonhomme-là (Gyp, Éduc. prince, 1890, p. 206).Être enfermé quand Paris existe, quand il y a tant de choses à faire, mener sa petite vie de bigote campagnarde, quelle scie, quelle scie! (Bernanos, Lettres inéd., 1904, p. 1724). − Arg. Femme légitime. Maintenant, on causait des femmes. Bibi-la Grillade, le dernier dimanche, avait mené sa scie à Montrouge, chez une tante (Zola, Assommoir, 1877, p. 622). 3. Moquerie, blague faite à quelqu'un. C'était de tous les consommateurs le seul qui avait pu résister au vacarme effroyable que faisaient les bohémiens. Les scies les plus farouches l'avaient trouvé inébranlable, il restait là toute la soirée, fumant sa pipe (Murger, Scènes vie boh., 1851, p. 123). ♦ Faire, monter une scie à qqn. Lui faire une blague, se moquer de lui. Voyons, tu me fais une scie, Couturat... tu ne peux pas me mettre à la porte comme cela... comme un chien... à propos de bottes... (Goncourt, Ch. Demailly, 1860, p. 376). Prononc. et Orth.: [si]. Homon. si, ci, sis, six (six francs). Att. ds Ac. dep. 1694. Étymol. et Hist. I. 1. a) Ca 1200 sie « lame d'acier dentelée avec laquelle on coupe des matières dures, comme le bois, la pierre, etc... » (Simon de Freine, Vie St Georges, 673 ds
Œuvres, éd. J. E. Matzke, p. 83); 1538 scie (Est.); d'où expr. 1314 com dens de see (Henri de Mondeville, Chir., 148 ds T.-L.); 1838 fig. en dents de scie (Hugo, Ruy Blas, I, 2, p. 342); b) 1676 « lame de fer sans dents pour débiter la pierre » (Félibien); 1690 chir. (Fur.); 1812 pot. « fil de fer avec lequel le potier détache l'ouvrage du tour » (Mozin-Biber t. 2); 2. a) 1555 « sorte de poisson » scie de mer (Belon, Observations de plusieurs singularitez ds FEW t. 11, p. 367a); b) 1768 mouche à scie (Valm.); 3. 1838 scie de gondole (A. de Musset, Nouv. le Fils du Titien, ch. IV ds Littré); 4. 1928 mus. (Cœuroy, Mus. contemp., p. 153). II. 1. a) 1808 « plaisanterie, mystification » (Hautel); b) 1808 « chose ennuyeuse, obscure » (ibid.); en partic. c) 1831 « chose ennuyeuse par sa répétition » (Sue, Atar-Gull, p. 8); 1864 « id. en parlant d'un air de musique, d'une chanson » (Labiche, Point de mire, III, 2, p. 442); 2. 1851 « personne ennuyeuse » (Land.). Déverbal de scier1*. Fréq. abs. littér.: 392. Fréq. rel. littér.: xixes.: a) 498, b) 865; xxes.: a) 600, b) 421. DÉR. Sciotte, subst. fém.a) Vx. ,,Petite scie à main, sans dents, que l'on emploie pour scier le bout des bandes de marbre ou pour détacher, par un trait, une partie de la masse à tailler`` (Chabat 1881). Sciotte tournante. ,,Morceau de tôle enroulé en cylindre, qui est mû par un fût de manière à enlever un noyau dans un bloc de marbre`` (Chabat 1881). b) Région. (Québec). Petite scie à main. Les vallées boisées où les attendaient la hache et la sciotte (H. Bernard, Les Jours sont longs, 1951, p. 65 ds Richesses Québec 1982, p. 2099).− [sjɔt]. − 1reattest. 1765 (Encyclop. t. 10, p. 79b, s.v. marbre); de scie, suff. -otte*. BBG. − Sicard-Lussier (Th.). Mécanisation forestière. Néol. Marche. 1982, n o32, pp. 43-45, 164-165; 1982, n o33, pp. 44-45. |