| SAVANT, -ANTE, adj. et subst. I. − Adj. postposé A. − [En parlant d'une pers. physique, morale ou d'une collectivité] 1. a) [Dans une lang. simple, parfois à connotation hypocor.] Qui sait beaucoup de choses, qui a un grand savoir, une grande érudition. Anton. ignare, ignorant, inculte.Gens savants; homme, artiste, écrivain savant; très savant pour son âge. Comme, dans la campagne, on n'est jamais savant sans être quelque peu sorcier, beaucoup pensaient que la mère Fadet en savait encore plus long qu'elle ne voulait le dire (Sand,Pte Fad., 1849, p. 68).Ceux qui sont devenus savants en se frottant de sociologie belge m'accuseront d'avoir l'esprit plutôt tourné vers la métaphysique que vers la science (Sorel,Réflex. violence, 1908, p. 66). − Péj. Femme savante. Femme pédante qui fait étalage de son savoir, de son érudition. En empl. appos. à valeur adj. Elle, du moins, était redevenue mondaine, un peu femme savante. Je ne les entendis bientôt plus parler que (...) de la première girafe qui vint en France en 1827 (Fargue,Piéton Paris, 1939, p. 120). ♦ En partic. Averti par l'expérience. Le matin, au jour (...) rendue savante par les expériences de ma mère, j'enlève les traces du sommeil avec des lotions d'eau froide (Balzac,Mém. jeunes mariées, 1842, p. 363). b) [P. méton.] Qui est constitué de personnes très instruites, très érudites. Compagnies savantes (vx); corps savants; monde savant. Nous trouvons toutes les congrégations savantes vouées aux lettres et à l'éducation de la jeunesse, par des articles exprès de leur institut (Chateaubr.,Génie, t. 2, 1803, p. 525).Le problème géographique qui tient toute l'Europe savante en suspens (Mérimée,Carmen, 1845, p. 4).V. hypothèse ex. 3. − Société savante. Société qui a pour finalité de s'occuper de travaux d'érudition, de savoir humaniste et de sciences expérimentales. En m'affiliant à l'une des sociétés savantes qui couvrent la capitale d'un réseau de cotisations plus ou moins volontaires, je ne savais pas à quels périls je m'exposais (Reybaud,J. Paturot, 1842, p. 275). − [P. méton. du subst.] Nous jugions notre époque savante, sceptique et peut-être plus vulgaire que d'autres qui l'ont précédée (Barrès,Cahiers, t. 11, 1917, p. 230). c) P. anal. (Animal) savant. (Animal) dressé à faire des tours, des exercices acrobatiques. Dresseur, montreur d'animaux savants; chien, singe savant; oiseaux savants. On voyait sur la piste une petite chèvre savante qui bien docilement mettait ses pieds sur quatre verres, puis sur deux, puis sur un seul. C'était Ganache qui la commandait doucement, à petits coups de baguette (Alain-Fournier,Meaulnes, 1913, p. 168).V. montreur ex. de Queneau. 2. a) [Suivi d'un compl. prép. précisant le domaine de compétence, la matière] Savant en, dans, sur qqc.Qui est compétent dans un domaine, qui s'y connaît, qui réussit bien. Synon. calé (fam.), connaisseur, doué, expert, ferré (fam.), fort1, maître2, versé.Savant en la matière; savant dans l'art de faire qqc. Hélène était d'une force si directe et si excitante, et d'une si profonde vertu en ce qu'elle faisait, en même temps si ingénieuse et si savante de volupté, que ma jeune force prit aussitôt un développement prodigieux et que cela devint entre nous une lutte (Jouve,Scène capit., 1935, p. 249): 1. Ni le polythéisme ancien, qui renfermait aussi une si grande part de vérité; ni l'Inde, si savante sur Dieu, ne comprirent les choses de cette manière. Le déva de l'Inde est un être supérieur à l'homme, nullement notre Dieu.
Renan,Avenir sc., 1890, p. 480. ♦ P. iron. Cet homme veut un article dans le journal, et le voilà sûr de l'obtenir. Ah! maudits provinciaux! à Paris, je ne serais pas soumis à toutes ces vexations. On y est plus savant en charlatanisme (Stendhal,Rouge et Noir, 1830, p. 494). − Littér. Savant à + inf. ou subst.Madame, les linots et les petits pinsons N'ont garde de chanter près des hautes maisons, Car là sont rossignols, oiseaux de Canarie, Plus savants à jeter une âme en rêverie (Brizeux,Marie, 1840, p. 82).À la cordialité de leur salut [des travailleurs de la terre] on voyait que c'était un bon maître. Quelquefois il s'arrêtait, donnant un ordre ou un conseil, car il était très savant aux choses de l'agriculture et du jardinage (Gautier,Rom. momie, 1858, p. 248). b) Absol. Qui est expert dans sa spécialité. Je veux seulement examiner si, comme on l'a dit, le médecin savant, c'est à dire celui qui sera doué de l'esprit expérimental (Cl. Bernard, Introd. ét. méd. exp., 1865, p. 328). − [P. méton. du subst.; en parlant d'une partie du corps, d'un aspect de la physionomie ou du comportement] Main savante; œil, regard savant. Marchant toujours, il nouait l'« œil » où jouerait la boucle: il ne regardait pas ce que faisaient ses doigts, assez savants pour travailler seuls (Genevoix,Raboliot, 1925, p. 99). B. − [En parlant d'une chose, d'un aspect du comportement, d'un produit de l'esprit hum.] 1. a) Qui manifeste de la science, de l'érudition. ♦ [En parlant d'un produit de l'activité hum.] Études savantes; culture savante. On peut diviser (...) en trois classes principales les différents écrits historiques publiés en Allemagne: l'histoire savante, l'histoire philosophique, et l'histoire classique, en tant que l'acception de ce mot est borné à l'art de raconter tel que les anciens l'ont conçu (Staël,Allemagne, t. 3, 1810, p. 293). ♦ [En parlant d'une production de l'esprit hum.] Ouvrage savant; note, explication savante; commentaire, discours savant; recherches, théories savantes. J'ai compris des notions tirées de livres savants − comme sont le totémisme, le sacrifice − qu'elles engagent dans une servitude intellectuelle (G. Bataille,Exp. int., 1943, p. 206): 2. Le colonel, en quelques mots bien choisis, détruisit sans remède les suggestions savantes du docteur, puis, s'attablant devant le homard en conserve, il complimenta O'Grady sur ses cures miraculeuses.
Maurois,Sil. Bramble, 1918, p. 195. − En partic. Qui concerne les sciences exactes ou expérimentales. Il nous laisse l'image de sa solitude, dans une chambre pleine de livres et d'instruments savants, auprès de sa chandelle allumée (Béguin,Âme romant., 1939, p. 20). b) Qui relève de la haute science. Revue savante. Chaque ville de 3.000 âmes en Allemagne est un centre littéraire, avec imprimerie savante, bibliothèque et souvent université (Renan,Avenir sc., 1890, p. 502). − Spécialement ♦ ÉD. Édition savante. V. édition B. ♦ LING. [P. oppos. à populaire, vulgaire] Mot savant. V. mot I B 1.Terme savant. V. terme2.Formation savante. V. formation ex. 1.Dérivation savante (Grev. 1969, § 133-135). Composition savante (Grev. 1969, § 133-135). Langue savante. Langue scientifique issue du latin ou du grec, opposée à la langue populaire ou vulgaire. Sans qu'on puisse les soupçonner d'avoir littéralement traduit le latin savant trifolium hepaticum, les divers dialectes méridionaux lui ont, cependant, donné le nom d'herbe au foie (Gourmont,Esthét. lang. fr., 1899, p. 201). ♦ DÉFENSE. Armes savantes. L'artillerie et le génie (nécessitant des études mathématiques). Je voyais tous les matins passer à cheval la longue file des élèves de l'École d'application en petite ou en grande tenue, selon les jours, des sous-lieutenants des deux armes savantes (Verlaine,
Œuvres compl., t. 5, Confess., 1895, p. 3). 2. a) Qui est difficile d'accès au profane, qui requiert beaucoup d'art, de science. Synon. ardu, compliqué, difficile, élaboré; anton. naïf, populaire, spontané.Musique, poésie savante; art savant. Mais malgré tant de diversions, l'image obsédante d'Anne délicieuse hantait son cerveau, comme une peinture savante et mordante persiste sous les vains badigeons de l'iconoclaste (Miomandre,Écrit sur eau, 1908, p. 164).Ils savent ce qui se cache de vent derrière les rythmes savants et les sonores rengaines lyriques (Gide,Faux-monn., 1925, p. 1199). b) P. ext., fam. Difficile à comprendre. Synon. ardu, compliqué, dur, fort1, profond, subtil; anton. clair, facile, simple.Un problème de géométrie savant (Lar. Lang. fr.). Ce bouquin est bien trop savant pour moi (Rob.1985). 3. Qui est fait avec compétence; qui manifeste de l'art, de l'habileté consciente et réfléchie, acquise par l'étude. Calcul, jeu savant; combinaison, construction, courbe, cuisine, politique, préparation savante. Cela se rabattait sur les oreilles, comportait une mentonnière compliquée, et quand c'était mis au point, grâce à un système savant de crochets et d'agrafes, cela ne laissait que les yeux seuls à nu (Vercel,Cap. Conan, 1934, p. 70). II. − Adj. antéposé. [À valeur intensive, exprimant une qualité intrinsèque du subst., la qualité de l'adj. lorsqu'il est postposé n'étant que supposée] A. − [En parlant d'une pers.] Qui possède, à un degré extrême, un savoir acquis par de longues études; excellent dans sa partie. Savant artiste, écrivain; savant archéologue, botaniste, chimiste, entomologiste, naturaliste, paléontologiste, physicien. Nos savants théoriciens seraient fort embarrassés de se rendre compte d'une symphonie à cent parties exécutées avec autant d'ensemble et de méthode (Nodier,Fée Miettes, 1831, p. 170).Un savant homme est un savant; un homme savant n'est que savant (Guizot1864): 3. ... j'ai été frappé de voir que le déroulement normal des grèves comporte un important cortège de violences; quelques savants sociologues cherchent à se dissimuler un phénomène que remarque toute personne qui consent à regarder ce qui se passe autour d'elle.
Sorel,Réflex. violence, 1908, p. 59. B. − [P. méton.;] [en parlant d'une production de l'activité hum.] Qui manifeste de l'habileté acquise par l'étude, par une expérience réfléchie. Savants ouvrages, travaux; savantes recherches; savant calcul, dosage; savante combinaison, ordonnance, préparation; savante(s) étude(s); savantes leçons. M. Boucenne (...) qui se mêle de toute chose et de toute science (...) vient de donner un volume d'une savante Histoire de la procédure (Michelet,Journal, 1835, p. 168).V. étude I ex. de Renan: 4. Et c'était au long de sa cuisse nue le supplice d'un coup de soufflet persistant, quelque chose comme le ruissellement d'une éponge qu'on lui eût appliquée sur la hanche et pressurée avec une savante lenteur.
Courteline,Train 8 h 47, 1888, p. 163. III. − Subst. (le plus souvent masc.) A. − Personne de grande culture, de profonde érudition. Synon. clerc, érudit, humaniste, lettré, sage; anton. ignorant.Grand savant. − Jolis commerces! Et vous trouvez du plaisir à compter tout cela, monsieur le savant. − (...) La science est comme le feu; elle purifie tout. Il n'est rien dans l'échelle sociale qui ne soit de notre ressort. Moi qui vous parle, je sais le nombre des grains de blé qui existent dans nos greniers (Reybaud,J. Paturot, 1842, p. 271).Au fém., souvent p. iron. Point n'était besoin auprès d'elle, d'une savante jusqu'aux dents, tant Claribel surpassait son âge en finesse, en reparties, en intelligence (Bourges,Crépusc. dieux, 1884, p. 42).Toi, tu es une savante, tu as lu les classiques (Cocteau,Parents, 1938, ii, 1, p. 228). B. − Au masc. 1. Péj., vieilli. Savant en « us ». Savant qui se montre pédant. Je sais fort bien (répondis-je à mon savant en us) qu'on peut tout désenchanter à force d'érudition (Jouy,Hermite, t. 5, 1814, p. 33). 2. Personne qui se consacre par profession, à l'étude des sciences, et en particulier des sciences exactes et expérimentales; grande personnalité du monde scientifique. Blanchard (...) ferait un bien joli savant d'une comédie-bouffe. Cet homme, qui rapporte tout à l'Institut, s'est fabriqué un idéal de membre de l'Institut, qui lui défend de s'abonner à un journal qui n'est pas grave (Goncourt,Journal, 1887, p. 704): 5. Les syndicalistes résolvent parfaitement ce problème en concentrant tout le socialisme dans le drame de la grève générale; il n'y a plus ainsi aucune place pour la conciliation des contraires dans le galimatias par les savants officiels...
Sorel,Réflex. violence, 1908, p. 173. ♦ Le Dieu des philosophes et des savants. V. dieu 1reSection II B ex. 36.Savant de laboratoire. V. laboratoire I A 1 a. SYNT. Grand(s) savant(s); éminent, illustre savant; jeune, vieux savant; faux, vrai, véritable savant; savant distingué, éminent, illustre, de bonne foi, de premier ordre; assemblée, commission, groupe, congrès, pléiade de savants; efforts, expériences, méditations, travaux, recherches, découvertes de savants; un savant cherche, observe, découvre; aux yeux des savants; sous l'impulsion de savants; artistes et savants; savants et artistes; savants et littérateurs, et gens de lettres, et humanistes; savants et philosophes; philosophes et savants; savants du monde entier, de tous pays; curiosité, préoccupation des savants; congrès de savants. REM. 1. Demi-savant, subst. masc.V. demi- I B 4 a. 2. Savanterie, subst. fém.,fam., péj. Comportement de faux savant ou de pédant. L'attirail de la savanterie (comme elle la nommait) l'effrayait autant que celui de la galanterie (Sainte-Beuve,Nouv. lundis, t. 9, 1865, p. 416). 3. Savantifier, verbe trans.,fam., péj., rare. Donner un aspect savant, érudit à. Toute sympathie fut vite acquise ou conquise à et par le nouveau venu, qui ne tarda pas à savantifier, sans nul pédantisme, sa manière ample (Verlaine,
Œuvres compl., t. 5, Hommes d'auj. (A. Silvestre), 1885-93, p. 316). 4. Savantise, subst. fém.,fam., péj., rare. Science, savoir. MmeNecker, disserte, étale sa discipline et sa savantise (Proudhon dsGuérin1892). 5. Savantiser, verbe intrans.,fam., rare. Faire de la science, parler de science ou d'érudition. Il est (...) occupé à réfléchir, à causer, à disserter, à savantiser avec ce saint homme que vous voyez là, en habit de docteur, et on ne peut l'approcher (Flaub.,Smarh, 1839, p. 13). 6. Savantissime, adj.,fam., p. plaisant. ou p. iron. Très savant. Empl. subst. Tous farceurs, ces carabins! (...) Ils se défiaient à tel point de la vertu de leurs drogues que, si ce très cher [le malade] en réchappait, contrairement à leur attente, eux, savantissimes, ne seraient à peu près pour rien en cela (Cladel,Ompdrailles, 1879, p. 79). Prononc. et Orth.: [savɑ
̃], fém. [-ɑ
̃:t]. Ac. 1694: sçavant; 1718: sca-; dep. 1740: sa-. Étymol. et Hist. 1. a) Ca 1120 adj. « qui sait (d'une personne) » (Benedeit, St Brendan, éd. I. Short et B. Merrilees, 1030); b) 1694 livre savant (Ac.); 2. 1588 subst. un sçavant (Montaigne, Essais, livre II, chapitre 12, éd. P. Villey, p. 504). Anc. part. prés. de savoir*. Fréq. abs. littér.: 5 678. Fréq. rel. littér.: xixes.: a) 8 755, b) 7 716; xxes.: a) 9 181, b) 7 019. Bbg. Quem. DDL t. 28 (s.v. savant atomiste). − Ricken (U.). Gelehrter und Wissenschaft im Französischen. Berlin, 1961, 323 p. − Sas (L. F.). Semantic notes on the French noun savant. Fr. R. 1941, t. 14, pp. 195-201. |