| SAILLIR, verbe I. − Empl. intrans. A. − Vx ou littér. 1. [Le suj. désigne un liquide] Jaillir avec force. Quand Moïse frappa le rocher, il en saillit une source d'eau vive. Le sang saillissait de sa veine avec impétuosité (Ac.). 2. [Le suj. désigne une pers.] Sortir en s'élançant pour attaquer. Las d'être bloqués dans notre salle, nous prîmes la résolution de saillir dehors, l'épée à la main (Chateaubr.,Mém., t. 1, 1848, p. 211).Les capitaines français (...) craignaient (...) que sir John Talbot ne saillît de son camp et ne vînt venger ceux qu'il n'avait pas secourus (A. France,J. d'Arc, t. 1, 1908, p. 365). B. − 1. [Le suj. désigne une chose concr.] Former une saillie, être en relief. Synon. avancer, dépasser.Effort qui fait saillir les muscles, les veines. Vieux château (...); à peine si on voit quelques fragments de maçonnerie saillissant de dessous l'herbe et les broussailles (Flaub.,Champs et grèves, 1848, p. 365).Une galerie en arcades de glaces, coupées de panneaux réchampis de bleu d'où saillaient des consoles argentées soutenant magots et potiches (Morand,P. de Saligny, 1947, p. 127).V. figurer ex. 5, joint1A 3 a ex. de Van der Meersch. 2. P. anal. ou au fig., littér. Apparaître nettement par contraste. Synon. se détacher, ressortir. a) [Le suj. désigne une chose perceptible par les sens] [Une femme] blonde (...) s'enveloppe dans une étroite écharpe de gaze noire, qui, s'enroulant autour de son corps, laisse saillir la couleur blanche de la peau entre les spirales de la draperie (Flaub.,Tentation, 1849, p. 373).L'exécution est comme toujours incisive et sobre, d'un dessin serré, s'attachant à faire saillir la silhouette des corps (Huysmans,Art mod., 1883, p. 267).V. face ex. 25. b) [Le suj. désigne une chose abstr., un personnage] Jeanne d'Arc, Héloïse, Agnès Sorel (...) se détachaient comme des comètes sur l'immensité ténébreuse de l'histoire, où saillissaient encore çà et là (...) saint Louis avec son chêne, Bayard mourant, quelques férocités de Louis XI (Flaub.,MmeBovary, t. 1, 1857, p. 41).[Dans Pot-Bouille] les procédés grossissants qui, simplifiant la réalité, en font saillir outre mesure certains caractères, reviennent de dix pages en dix pages (Lemaitre,Contemp., 1885, p. 258).V. activisme ex. 1. II. − Empl. trans. [Le suj. désigne un mâle, le compl. d'obj. une femelle] S'accoupler avec. Synon. couvrir1, monter.Étendard, le taureau, occupé à saillir une vache dans la cour de la maison (Aymé,Jument, 1933, p. 208).Les éleveurs les plus attentifs (...) ont des chances (...) de voir leurs taureaux, verrats, ou béliers choisis par leurs voisins pour faire saillir leurs bêtes (Wolkowitsch,Élev., 1966, p. 80). Prononc. et Orth.: [saji:ʀ], (il) saillit [saji]; (il) saille [saj]. Sens I A, att. ds Ac. dep. 1694; sens I B, dep. 1718; 1935: ,,On ne l'emploie guère qu'à l'infinitif et à la troisième personne de quelques temps``. V. aussi Grev. Orth. 1962. Conjug. a) au sens de « jaillir », ind. prés.: il saillit, ils saillissent; imp.: il saillissait, ils saillissaient; passé simple: il saillit, ils saillirent; fut. simple: il saillira, ils sailliront; pas d'impér.; subj. prés.: qu'il saillisse, qu'ils saillissent; part. prés.: saillissant; part. passé: sailli, saillie. b) Au sens de « être en saillie, déborder », ind. prés.: il saille, ils saillent; imp.: il saillait, ils saillaient; passé simple: il saillit, ils saillirent; fut. simple: il saillira, ils sailliront; pas d'impér.: subj. prés.: qu'il saille, qu'ils saillent; subj. imp.: qu'il saillît, qu'ils saillissent; part. prés.: saillant; part. passé: sailli, saillie. Étymol. et Hist. A. 1. Verbe intrans. a) 1100 « jaillir avec force » (Roland, éd. J. Bédier, 1764); b) 1170-80 « sortir, s'élancer » (Wace, Chronique ascendante des ducs de Normandie, éd. A. J. Holden, III, 6483); 2. verbe trans. 1375 « couvrir la femelle (en parlant du mâle) » (Modus et Ratio, I, 23, éd. G. Tilander, t. 1, p. 45). B. 1. 2emoit. xiiies. saut ind. prés. 3epers. du sing. « être en saillie, déborder le mur » (Villard de Honnecourt, 18a, éd. H. R. Hahnloser, p. 49); 2. 1771 peint. « avoir beaucoup de relief, sembler sortir de la toile » (Trév.). Du lat. salire « sauter, bondir », « couvrir une femelle (dans la langue des éleveurs) ». Dans son sens premier, le lat. salire a été très tôt évincé par le verbe saltare « sauter » qui est bien représenté dans les lang. rom. Le -l- mouillé, régulier de la 3epers. du plur. saillent, lat. saliunt, a gagné tout le reste du verbe. Fréq. abs. littér.: 212. Fréq. rel. littér.: xixes.: a) 219, b) 365; xxes.: a) 325, b) 323. Bbg. Lanly (A.). Morphol. hist. des verbes fr. Paris, 1977, pp. 306-308. |