| SÛR, SÛRE, adj. I. − Empl. prédicatif A. − [Le compl. décrit qqc. de l'ordre de l'événement ou de l'état] 1. [Le suj. de la prédication désigne la pers. qui assume le jugement] Qui tient pour vrai que ce que décrit le complément correspond à quelque chose dans le monde réel (passé, présent ou futur). Synon. assuré, certain, convaincu. a) Qqn est sûr de+inf.Je lui avouerai que je ne suis pas bien sûr, à présent, d'avoir jamais été à Carthage (Flaub., Corresp., 1863, p. 89).Lis, toi, je ne sais pas ce que je lis, je ne suis pas sûr de comprendre (Pourrat, Gaspard, 1930, p. 303): 1. S'il avait abjuré dès le lendemain de la mort d'Henri III, comme on l'en pressait, tant de hâte eût été suspecte. Il n'eût pas été sûr de désarmer les ligueurs et de rallier tous les catholiques...
Bainville, Hist. Fr., t. 1, 1924, p. 188. b) Qqn est sûr que.Laissez trois hommes ensemble après le dîner, vous pouvez être sûr que la conversation tombera sur les femmes, et que ce sera le plus vieux qui commencera (Dumas fils, Ami femmes, 1864, ii, 1, p. 93).Quand vous entendez fermer une porte avec un bruit de catastrophe, vous pouvez être sûre que c'est le silencieux Marc, Marc le muet. Il massacre toutes les portes et c'est sa manière à lui d'exprimer ses passions (Duhamel, Suzanne, 1941, p. 154). − En partic. ♦ [Le compl. est le pron. en] − Il n'est pas plus prêtre qu'il n'est espagnol, dit Contenson. − J'en suis sûr, dit l'agent de la brigade de sûreté (Balzac, Splend. et mis., 1844, p. 339). ♦ [Le compl. est du contraire] Thomas: Laissez donc; je suis ben sûr du contraire (Leclercq, Prov. dram., Savet. et financ., 1835, 4, p. 217). − Loc. Sois/soyez sûr(e) que, soyez-en sûr(e). [S'emploie pour témoigner à qqn son assurance à propos de qqc.] Elle se tourna vers Léonard: − Tu n'oublieras pas le salut, n'est-ce pas? − Non, tante, soyez-en sûre. − Alors, amusez-vous, mes enfants (Estaunié, Empreinte, 1896, p. 19).Vous estimez qu'il a une tête de tueur? Soyez sûr que c'est la tête de l'emploi (Camus, Chute, 1956, p. 1493). c) Qqn est sûr de qqc.
α) [Le subst. compl. est lié à un prédicat (verbe ou adj.) exprimant un événement ou un état] Ils sont sûrs de leur victoire. La baronne passerait alors tout son temps chez Hortense et chez les jeunes Hulot, il était sûr de l'obéissance de sa femme (Balzac, Cous. Bette, 1846, p. 94).C'est encourageant; faut-il qu'elle soit sûre de son triomphe pour se montrer si bonne! (Colette, Cl. école, 1900, p. 66).
β) [Le subst. compl. exprime un fait constaté ou supposé] D'ailleurs, sûrs d'une grande profondeur d'eau, ils peuvent marcher, louvoyer, obéir aux courans ou aux remous, jusqu'à ce que le beaupré de leurs vaisseaux touche les branches des arbrisseaux du rivage (Crevecœur, Voyage, t. 1, 1801, p. 253).Il n'était plus le maître... Ah! qu'importe, après tout? Anna, sûre de la mort éternelle, tendait son être dans la possession de cette dernière minute de vie (Rolland, J.-Chr., Buisson ard., 1911, p. 1400).
γ) [Le subst. compl. catégorise qqc. en fonction de ce qui va lui arriver] La couleuvre la fixait de ses yeux ronds et fixes, sûre de sa proie qu'elle ne quittait pas (Pergaud, De Goupil, 1910, p. 159).Il fut sûr de sa prise (Montherl., Bestiaires, 1926, p. 490). d) P. ell. Qqn est sûr.Savez-vous comment ils m'appellent à l'office, ces grands gaillards, de beaux hommes?... Le chameau. Hein? J'observe tout, j'entends tout, malheureusement je ne suis jamais sûre, vous comprenez? Jamais (Bernanos, Joie, 1929, p. 607). 2. [Constr. impers.: la pers. à l'origine du jugement est le locuteur de l'énoncé] Dont on tient pour certain que ce que décrit le complément se réalisera ou correspond à quelque chose dans le monde réel (passé, présent ou futur). Synon. assuré, certain; anton. douteux, incertain. a) C'est sûr, est-ce sûr? − Monsieur est de Molinchart, je te dis, Cadet; il n'est pas parisien. − Est-ce bien sûr que monsieur est de Molinchart? demanda le tailleur (Champfl., Bourgeois Molinch., 1855, p. 100).C'est absolument sûr qu'elle doit aller demain chez les Verdurin? − Absolument, mais je peux lui dire que cela vous ennuie (Proust, Prisonn., 1922, p. 101). − Ce qu'il y a de sûr, c'est que. Ce qu'il y a de sûr c'est qu'elle a manqué toute la seconde partie de la pièce (J.-J. Ampère, Corresp., 1825, p. 357). b) Le plus sûr est de. Dans ces querelles d'individus, pour être convaincu du bon droit de n'importe laquelle des parties, le plus sûr est d'être cette partie-là (Proust, Temps retr., 1922, p. 773). c) Il (n') est (pas) sûr que. Enfin, il est sûr qu'elle était ébranlée (Constant, Journaux, 1814, p. 414).Il n'est pas sûr que les prodigieux événements actuels, que ce brassage de peuples et de classes dans les camps, dans les prisons et dans les maquis, prolétarise la bourgeoisie (Mauriac, Bâillon dén., 1945, p. 413). − C'est pas sûr. J'aurais peut-être pu essayer (...) de traverser le port à la nage et puis une fois au quai de me mettre à crier « Vive Dollar! Vive Dollar! » C'est un truc. Y a bien des gens qui sont débarqués de cette façon-là et qui après ça ont fait des fortunes. C'est pas sûr, ça se raconte seulement (Céline, Voyage, 1932, p. 232).Fam. Pas sûr. − Ça ne peut pas réussir. (...) Broudier répondait: − Pas sûr, mon vieux! Il a fait ce métier-là dans les baraques foraines (Romains, Copains, 1913, p. 255). − Pop., fam. Sûr que.Sûr qu'il va se tromper. − Monsieur aurait joliment tort de ne pas venir, ce soir, car, rien qu'à voir madame, sûr que monsieur ne s'embêterait pas (Mirbeau, Journal femme ch., 1900, p. 51).S'il peut, sûr qu'il parlera (Bernanos, Mouchette, 1937, p. 1289). d) [Le suj. est un mot anaphorique]
α) [Le suj. est ce] Elle a une paillasse, c'est sûr, et l'argent dedans (Ponson du Terr., Rocambole, t. 5, 1859, p. 285).Tristan admire l'intelligence de Schwob. Lui, intelligent, est-ce bien sûr? (Renard, Journal, 1902, p. 757).(C'est) sûr et certain. On vous mettra au lit. C'est le lit qu'il vous faut, sûr et certain (Bernanos, Imposture, 1927, p. 504).
β) [Le suj. est rien] Tout dans ce monde est plein de renaissances. Maintenant, la terre est hideuse et stérile. Dans trois mois, elle sera revêtue de primevères. Rien n'est plus sûr (Renan, Drames philos., Jour an, 1886, p. 709). 3. Fam. [Empl. en commentaire; la pers. à l'origine du jugement est le locuteur de l'énoncé; indique qu'on tient pour certain que ce que décrit la proposition objet du commentaire correspond à quelque chose dans le monde réel (passé, présent ou futur)] Synon. certain. a) [En réplique] − A-t-on idée de cette putain qui déshonorait ma maison! − Sûr, c'en est une, ah! une vraie! répétèrent complaisamment Lise et Buteau (Zola, Terre, 1887, p. 187).− Elle me fait rire encore celle-là. − Pas moi. Je l'ai sec. − Ça te passera. − Pas sûr (Queneau, Loin Rueil, 1944, p. 176). b) [En fin ou en tête d'énoncé] Notre père m'a fait faire ces habits neufs que je porte, sans quoi je n'aurais jamais voulu venir aux noces; oh! non, sûr, je ne serais pas venu vous donner le bras avec mes habits de l'an dernier (Loti, Pêch. Isl., 1886, p. 49).− Je crois que j'ai tué un homme, dit-il. Ou il n'en vaut maintenant guère mieux, sûr! (Bernanos, Imposture, 1927, p. 1284). c) Empl. adv. Sans compter deux épidémies que les Iroquois (...) avaient apportées de chez eux. La nouvelle exposition ça serait sûrement encore bien pire. On aurait sûr du choléra (Céline, Mort à crédit, 1936, p. 92).Région. (Belgique). Il viendra sûr me voir pour Il viendra sûrement me voir. Fam. Sûr qu'il viendra me voir (HanseNouv.1987). B. − [Le compl. désigne qqc. de l'ordre de l'individu] 1. [Le suj. de la prédication désigne la pers. qui assume le jugement] (Qqn est) sûr de qqc. a) Qui tient quelque chose pour assuré. Synon. assuré de, certain; anton. douteux, incertain, problématique.
α) [Le compl. désigne qqc. en tant que résultat ou point d'aboutissement d'un événement] L'armée prussienne envahissait la France. On n'était pas sûr du résultat des élections (Bainville, Hist. Fr., t. 2, 1924, p. 71).Il frappa trois coups pour obtenir le silence, se carra dans un fauteuil, et, la voix bien posée, sûr de ses effets: − Yvonne, tout est-il prêt pour recevoir nos invités? (Dabit, Hôtel Nord, 1929, p. 173). − Locutions ♦ (Être) sûr de son fait. (Être) certain de ce qu'on affirme. Il me répondit qu'il était sûr de son fait et ajouta que je lui avais même dit que son vrai nom était Gandin (Proust, Sodome, 1922, p. 956). ♦ (Être) sûr de son coup, de son affaire. (Être) certain que ce qu'on fait correspondra à ce qu'on a voulu. Il n'est pas à trois pas, se dit-il, mais à cette distance je suis sûr de mon coup (Stendhal, Chartreuse, 1839, p. 52).Il me suivait, en retard d'un demi-pas. Tranquille, cette fois, têtu, sûr de son affaire, sûr de ma faiblesse (Duhamel, Journal Salav., 1927, p. 116).
β) [Le compl. désigne qqc. en tant qu'instance partic.] Je suis sûr de la date de sortie, examen de la fin de 1799 (Stendhal, H. Brulard, t. 1, 1836, p. 263).Il les examinerait plus tard, quand il serait tout à fait sûr de l'identité des deux femmes (Bourget, Actes suivent, 1926, p. 60). b) Être, se sentir sûr de qqn/qqc.Avoir confiance en quelqu'un/quelque chose.
α) [Le compl. désigne une pers.] Je ne suis pas sûre de ma femme de chambre (Musset, Chandelier, 1840, i, 1, p. 18).Il était trop sûr d'Odette, dit Albert (Chardonne, Épithal., 1921, p. 208). − En partic. (Être) sûr de + pron. réfl.(Être) confiant dans ses réactions. Elle répondit, en femme sûre d'elle: « Je ne demande pas mieux » (Maupass., Contes et nouv., t. 1, Hérit., 1884, p. 511).Comme mon sentimentalisme bête est d'un petit garçon en face de ce bel égoïsme bien organisé et sûr de soi! (Larbaud, Barnabooth,1913, p. 216).Trop sûr de + pron. réfl.Déterminé jusqu'à l'excès. Vous me sembliez trop fort, trop assuré, trop sûr de vous-même. Cette manière de serrer les dents! (Claudel, Part. midi, 1906, i, p. 994). − [En commentaire] Joseph prit son stylo et commença de lire la liste, d'un œil attentif (...). Il disait à voix basse: « Janville, sûr! Teyssèdre, sûr! Pujol, sûr! Pierquin, sûr! De Praz... ah! De Praz, douteux... » (DuhamelPassion J. Pasquier, 1945, p. 198).
β) [Le compl. désigne une capacité, une aptitude, une propriété] Être sûr de sa force. Elle chantait ainsi, sûre de sa beauté, L'implacable Déesse aux splendides prunelles (Leconte de Lisle, Poèmes barb., 1878, p. 44).Il fronça les sourcils. La douleur grandissait, tranquille, sûre de sa force (Rolland, J.-Chr., Aube, 1904, p. 9).
γ) [Le compl. désigne un moyen] − Fatima est vivante, dit Don José. − Vivante... − Mais c'est impossible! s'écria Zampa, je suis sûr de ma drogue (Ponson du Terr., Rocambole, t. 4, 1859, p. 242).MmeLigneul (...) ne se sentit pas sûre des arguments qu'elle pouvait donner pour justifier la continuation de l'entreprise (Drieu La Roch., Rêv. bourg., 1937, p. 61). 2. [Le locuteur est la pers. qui assume le jugement] Qqc. est sûr a) [Le suj. désigne un processus, un événement] Dont le résultat ne fait aucun doute. Synon. assuré, certain; anton. douteux, incertain.L'affaire est sûre. Hier soir, en rentrant à six heures, je trouve dans mon cabinet Mirbeau et Thadée. − Votre élection est sûre, me dit Mirbeau (Renard, Journal, 1907, p. 1136).Étienne, on sait qu'il balade son or dans sa ceinture. Il s'en vante. Le coup est sûr. Du pain tout cuit (Van der Meersch, Invas. 14, 1935, p. 178). − En partic. [Après un verbe d'opinion] On avait jugé plus sûr de scinder les difficultés pour les résoudre l'une après l'autre (Sainte-Beuve, Port-Royal, t. 4, 1859, p. 293). b) [Le suj. désigne une activité] Qui produit son effet de manière attendue et réglée. Synon. assuré; anton. chaotique, déréglé.Avoir un pas sûr; un trot sûr. Son commerce est sûr, son esprit indulgent (Duranty, Malh. H. Gérard, 1860, p. 65). c) [Le suj. désigne une pers.] Dont l'action, l'activité est fiable, sur lequel on peut compter. Anton. douteux.Ton cousin est-il un homme assez sûr pour qu'on puisse lui confier une lettre avec certitude qu'elle sera remise? (Flaub., Corresp., 1846, p. 342). d) [Le suj. désigne un moyen] Dont l'usage correspond à ce qu'on attend. Synon. fiable, efficace.La table est le plus sûr thermomètre de la fortune dans les ménages parisiens (Balzac, Cous. Bette, 1846, p. 53).La porte de sa cave est sûre, Il en tient dans son poing la clé, Mais, par le trou de la serrure, Un filet d'air froid a soufflé (Sully Prudh., Vaines tendr., 1875, p. 166). − En partic. [Le suj. désigne un organe des sens] Qui fonctionne d'une manière efficace et précise. Son pied est sûr. e) En partic. [Le suj. désigne un lieu] Où l'on ne risque rien, où ce qui s'y trouve est à l'abri du danger. Anton. dangereux, à risque.Les parages ne sont pas sûrs. Les campagnes étaient peu sûres, les grands chemins non tracés (Sainte-Beuve, Port-Royal, t. 1, 1840, p. 201): 2. Il regarda autour de lui: « L'endroit est absolument sûr? Aucune chance que notre conversation soit surprise? Qui habite au-dessus? − Un professeur de piano très inoffensif, dit Dubreuilh. Et les gens d'en dessous sont en vacances. »
Beauvoir, Mandarins,1954, p. 296. II. − Empl. épith. [La pers. qui assume le jugement est le locuteur de l'énoncé] A. − [En parlant de qqc. qui n'est pas de l'ordre de l'individu] 1. [En parlant d'un processus, d'un événement] Dont l'issue, le résultat ne fait aucun doute, qui se produira ou qui est conforme à l'effet escompté. a) [En postposition] Synon. assuré, certain; anton. douteux, incertain. − (...) Et le mariage aura lieu.− Vous me le promettez? − Je n'entreprends que les affaires sûres (Ponson du Terr., Rocambole, t. 5, 1859, p. 222).Il y a cent pour cent à gagner dans l'affaire dont je te parle. C'est un placement sûr. Tu sais bien que je ne voudrais pas te mettre dedans (Zola, Curée, 1872, p. 595). − En partic. [Le subst. qualifié désigne le résultat d'un processus] Le genêt, la fleur lumineuse de cette nature sombre. De l'or dans du charbon. Contraste facile, effet sûr (Renard, Journal, 1904, p. 905). − Loc. À coup sûr. D'une manière certaine, inéluctable. À coup sûr, Sigognac n'était point vaniteux et son orgueil de gentilhomme méprisait ce métier de baladin à quoi la nécessité l'obligeait (Gautier, Fracasse, 1863, p. 264).C'est un artiste, à coup sûr. Mais il est un peu brute (Duhamel, Désert Bièvres, 1937, p. 110). b) [En antéposition] Synon. assuré, certain; anton. incertain.Si la calomnie y mêla du poison, ce fut un lent et sûr empoisonnement (Sainte-Beuve, Port-Royal, t. 5, 1859, p. 533).Meyrignac devait revenir à mon oncle Gaston: satisfait de ce sûr destin, celui-ci se voua à l'oisiveté (Beauvoir, Mém. j. fille, 1958, p. 35). 2. [En parlant d'un geste, d'un mouvement] Qui se déroule de manière contrôlée ou qui produit son effet de manière attendue et réglée. a) [En postposition] Synon. assuré, ferme1; anton. chaotique.Au tableau des sciences doit s'unir celui des arts qui, s'appuyant sur elles, ont pris une marche plus sûre, et ont brisé les chaînes où la routine les avait jusqu'alors retenus (Condorcet, Esq. tabl. hist., 1794, p. 184). b) [En antéposition] Synon. assuré, ferme1.Il marmonna quelques syllabes, puis d'un sûr élan: Mon maître qui vous porte un amour sans égal (Romains, Copains, 1913, p. 80). 3. [En parlant d'une capacité] Qui agit efficacement, sur lequel on peut compter. a) [En postposition] Synon. juste, fiable; anton. chancelant, défaillant, incertain.Il a un instinct, un jugement très sûr. Il avait la voix bonne, la mémoire sûre, et l'imagination assez lettrée pour ajouter à son rôle ces répliques qui naissent de l'occasion et donnent de la vivacité au jeu (Gautier, Fracasse, 1863, p. 177).La malveillance, quand les règles fixes d'un goût sûr ne lui imposent pas de bornes équitables, trouve tout à critiquer (Proust, Sodome, 1922, p. 944). − En partic. [En parlant d'une attitude, d'une manière d'être] Qui montre une satisfaction exagérée. Synon. fat.Un petit homme en redingote, d'une vie étriquée, d'un contentement sûr et complet (Barrès, Cahiers, t. 5, 1907, p. 150). b) [En antéposition] Synon. fiable; anton. défaillant, incertain.Une sagacité d'argentier dans le choix de la meilleure monnaie de change, un sûr discernement de la valeur qui ferait prime sur le marché politique (Vogüé, Morts, 1899, p. 48).Il n'oublie jamais les conditions de la réussite. Un sûr instinct bourgeois l'avertit du moment où le rêveur va patauger (Massis, Jugements, 1923, p. 200). 4. [En parlant d'un objet de connaissance] Qui est conforme à ce qui existe. Synon. certain; anton. incertain, douteux.Je parviendrais à savoir des choses sûres, indubitables, et que je pourrais me prouver à volonté (Stendhal, H. Brulard, t. 1, 1836, p. 377). B. − [En parlant de qqc. de l'ordre de l'individu] 1. [En parlant d'une pers. en tant qu'elle est typiquement associée à une activité] Dont l'action, l'activité est fiable, sur lequel on peut compter. Une telle disposition fait des conservateurs peu sûrs et des révolutionnaires peu redoutables (Massis, Jugements, 1923, p. 10). a) [En postposition] − (...) Est-ce une personne qui a agi dans un sentiment chrétien? − C'est une amie sûre et intelligente qui s'est renseignée dans le pays (Drieu La Roch.,Rêv. bourg.,1937,p. 36).De toute sa vie, Sigismond n'a eu qu'un seul allié sûr, le marquis d'Este (Montherl., Malatesta, 1946, iii, 5, p. 503). b) [En antéposition] Lord Wilmorie (...) vous a (...) ouvert un crédit de cinq mille francs par mois chez M. Danglars, un des plus sûrs banquiers de Paris (Dumas père, Monte-Cristo, t. 1, 1846, p. 819).Je vous confie, comme à un très-vieux et très-sûr ami, cette peine qui est, au fond de ma vie, (...) une grande amertume (Bloy, Journal, 1903, p. 181). 2. [En parlant de qqc. utilisé comme un moyen] Qui agit, fonctionne de manière conforme à ce qu'on est en droit d'attendre, qu'on peut utiliser avec confiance. a) [En postposition] Synon. fiable, efficace, assuré; anton. chancelant, douteux.Un charme sûr; un moyen sûr; donner un fondement sûr à quelque chose. La pensée du roi était fixée, et à ce sujet les indices sûrs ne nous manquent pas (Sainte-Beuve, Port-Royal, t. 5, 1859, p. 517).Chez eux on trouve les appuis sûrs, les hommes de confiance, les pierres angulaires de toute société (Mounier, Traité caract., 1946, p. 251). − Loc. De source sûre. De source fiable, autorisée. Il ne peut plus y avoir de troubles. On me l'annonce de source sûre, les prix viennent de baisser (Pourrat, Gaspard, 1930, p. 81). − En partic. [En parlant d'une partie, d'un organe du corps] Synon. ferme; anton. mal assuré, défaillant.Tersky. Il saisit d'un bras sûr le perfide assassin (Constant, Wallstein, 1809, iv, 3, p. 112). b) [En antéposition] Synon. éprouvé, efficace, solide.Il n'aura pas de plus sûr appui que moi-même (Duhamel, Maîtres, 1937, p. 181): 3. Elle aurait voulu que j'achète une de ces cuirasses que de précoces mercantis avaient hâtivement fabriquées et qu'on pouvait porter sous sa capote. Sûre protection, prétendaient-ils, contre les balles et les shrapnells.
Guéhenno, Journal homme 40 ans, 1934, p. 149. 3. [En parlant d'un lieu] Où l'on ne craint rien, qui se trouve à l'abri du danger. Anton. risqué. a) [En postposition] Retraite sûre. On trouverait à Délos un mouillage infiniment plus sûr (About, Grèce, 1854, p. 176).Je connais un chemin sûr pour aller jusqu'à la croix (Bosco, Mas Théot., 1945, p. 292). − Loc. Mettre (qqc.) en lieu sûr. Mettre (quelque chose) à l'abri du danger. On mit en lieu sûr et au sec les armes et les munitions (Verne, Enf. cap. Grant, t. 3, 1868, p. 69). b) [En antéposition] Ils pourraient facilement arriver aux jardins du couvent, dont les arbres suffisamment touffus offraient de sûrs abris (Balzac, Langeais, 1834, p. 345).Rassuré sur la victoire finale, je voyais dans mes tribulations le plus sûr chemin pour y parvenir (Sartre, Mots, 1964, p. 105). 4. [En parlant de qqn, de qqc. en tant que réalisant une possibilité] Sur lequel on peut faire fond. Synon. certain, ferme.Mon cher ami, je vous envoie par une occasion sûre la note ci-jointe qui émane d'un homme considérable qui a lui-même souffert une partie des indignités qu'il raconte (Tocqueville, Corresp.[avec Reeve], 1852, p. 131).C'était M. Trintignan. Il gloussait, la voix juteuse: « Bonne nouvelle, Monsieur le Président. Nous avons un preneur sûr pour nos lentilles du Chili » (Duhamel, Passion J. Pasquier, 1945, p. 243). 5. [En parlant d'un objet de connaissance] Auquel on peut croire, sur lequel on peut faire fond. Synon. certain, indubitable; anton. incertain. a) [En postposition] Écrivez-moi toujours Rue du Nord, 64, à Bruxelles. C'est l'adresse sûre (Hugo, Corresp., 1861, p. 353). b) [En antéposition] L'aspect des symptômes, dont l'expérience et l'observation m'ont donné la sûre indication (Sénac de Meilhan, Émigré, 1797, p. 1701).Est-il jamais trop tard pour reconnaître, guidé par de sûrs avis, une erreur involontaire? (Bernanos, Soleil Satan, 1926, p. 128). III. − Empl. en loc. A. − Fam. Bien sûr. [Pour indiquer à propos d'une constatation ou d'une conclusion qui vient d'être énoncée ou va l'être, que le locuteur l'avait déjà faite ou tirée auparavant] 1. [Le conclusion ou la constatation a été énoncée par le locuteur lui-même] a) [En tête d'énoncé] Synon. certes.Ils sont seuls et déjà le jour baisse, en octobre, la nuit vient vite... Bien sûr, je ne redoute rien de grave (Mauriac, Asmodée, 1938, iv, 6, p. 154). − Bien sûr que. Elle me défendait, elle, quoique tout de même elle m'allongeât des claques... Ah! bien sûr que je n'étais pas si malheureuse, là-bas, avec les bêtes (Zola, Rêve, 1888, p. 15). b) [En incise] Synon. certes.C'est un reproche qu'on me fait souvent, de n'être pas un garçon!... Et personne, bien sûr, ne le regrette autant que moi! (Gyp, Souv. pte fille, 1927, p. 113).Ma solution, bien sûr, ce n'est pas l'idéal (Camus, Chute, 1956, p. 1548). c) [En fin d'énoncé] Il y a seulement un greffier dans un coin, et, derrière moi, six gardes rouges qui ne comprennent que le cantonais, revolver au poing, bien sûr (Malraux, Conquér., 1928, p. 96). 2. [Dans un dialogue; la conclusion ou la constatation est en liaison avec ce qu'a dit l'interlocuteur] Synon. vieilli pardi.− Vous connaissez le grand malheur de la Russie, Monsieur Joseph? − Oui, père Brainstein; c'est terrible! − Ah! fit-il, bien sûr! Mais ça rapportera beaucoup de messes à l'église (Erckm.-Chatr., Conscrit 1813, 1864, p. 28).Quand il se pencha sur sa femme pour l'embrasser, au moment de partir, elle lui souffla: − C'est du 15 que tu t'occupes? Elle avait deviné, bien sûr! (Simenon, Vac. Maigret, 1948, p. 113). 3. [La conclusion ou la constatation est la négation de ce qu'a dit l'interlocuteur] Bien sûr que non. − Si j'avais su ne pas rentrer, j'aurais mis ma robe et mes bas. − Tu ne rentres pas? − Non, bien sûr, dit-elle simplement (Bernanos, M. Ouine, 1943, p. 1478). B. − Vieilli, région ou pop. Pour sûr. [Pour indiquer que l'assertion dans le cont. immédiat corresp. à qqc. de réel aux yeux du locuteur] 1. [En tête d'énoncé] − Que vont-ils nous rapporter? dit Zéphine. − Pour sûr ce sera joli, dit Dahlia (Hugo, Misér., t. 1, 1862, p. 180).Il vint à ma rencontre, et brusquement: − Ah ben! Monsieur Lacase! Pour sûr qu'on ne vous attendait pas à cette heure! (Gide, Isabelle, 1911, p. 663). 2. [En incise] Cependant, sous les arbres trempés, un léger frisson la prenait, et elle songeait, hésitante encore, qu'elle était pour sûr en train de pincer quelque bonne maladie (Zola, Assommoir, 1877, p. 702). 3. [En fin d'énoncé] Il m'répétait que j'étais belle fille, que j'étais plaisante... que j'étais de son goût... Moi, il me plaisait pour sûr (Maupass., Contes et nouv., t. 2, R. Prudent, 1886, p. 644).Un autre jour, Pauline aurait regardé deux fois à la dépense du docteur, mais la veille de l'élection, il ne se ferait pas payer, pour sûr (Aragon, Beaux quart., 1936, p. 126). Prononc. et Orth.: [sy:ʀ]. Ac. 1694, 1718: seur (1718 « on prononce sur »); dep. 1740: sûr. Homon. sur (prép. et adj. sur), sure (fém. de l'adj.). Étymol. et Hist. I. A. 1. 1100 « qui est en sécurité » (Roland, éd. J. Bédier, 562: Soürs est Carles, ne crent hume vivant); 2. 1176-81 se dit d'un endroit où l'on ne court aucun danger (Chrétien de Troyes, Chevalier de la Charrete, éd. M. Roques, 2149); 1447 lieu seur et sauf (Cartulaire de l'abbaye de Flines, éd. K. Ewald, p. 337); 1549 en lieu seur (Est.); 1531 il n'y faict poinct seur (Marguerite d'Angoulême, Lettres, no97, éd. F. Genin, 1841, p. 278); 3. a) fin xiie-déb. xiiies. se dit de ce qu'il est impossible de mettre en doute (Jean Bedel, Del Couvoiteus et de l'envieus éd. Montaiglon et Raynaud, t. 5, p. 211: que ce fu veritez seüre); 1657 il est donc sûr que (Pascal, Les Provinciales, p. 330); 1679, 29 nov. il n'y a rien de si sûr que (Mmede Sévigné, Corresp., éd. R. Duchêne, t. 2, p. 753); 1689, 27 nov. ce qui est sûr, c'est... (Id., ibid., t. 3, p. 765); 1690, 30 juill. ce qu'il y a de sûr, c'est... (Id., ibid., p. 924); b) empl. subst. 1580 le plus seur (Montaigne, Essais, I, 5, éd. P. Villey et V.-L. Saulnier, p. 26); 1656, 20 mars (Pascal, op. cit., V, p. 84: je cherche le sûr); 4. 1215-35 « sur quoi l'on peut compter, fiable » (Le Roman de Tristan, éd. R.-L. Curtis, p. 209, 420-423: l'armerent des meillors armes et des plus seüres); 1655 remède sûr (Pascal, L'Esprit géométrique, p. 123); 5. fin xves. fig. « qui produit les résultats escomptés » (J. Molinet, Faictz et Dictz, éd. N. Dupire, t. 1, p. 342: Vous n'eustes point l'avys, notez ce point, De mettre a point une cheville seure, Pour, sans tomber, estre tousjours asseure);
α) 1662 c'est un jeu sûr pour (Pascal, Pensées sur la Religion, p. 53); 1679 à jeu sûr (Cardinal de Retz, Mémoires, t. 1, p. 242); id. jouer à jeu sûr (Id., ibid., t. 2, p. 539);
β)1686 à coup sûr (P. Bayle, Comment. Philos. Paroles J.-C., p. 457); 1770 parier à coup sûr (Abbé F. Galiani, Dialogues sur commerce Bleds, p. 201); 1782 jouer à coup sûr (Mercier, Tableau de Paris, t. 1, p. 246);
γ) 1738 affaire sûre (J.-B. D'Argens, Lettres juives, p. 188) . B. 1. 1100 « qui a reçu une garantie » (Roland, 549: soürs est Carles, que nuls home ne crent); 2. ca 1165 sëurs de + subst. « qui sait d'une manière certaine » (Benoît de Ste-Maure, Troie, éd. L. Constans, 21268: sëurs puet estre de la mort); spéc. 1680 seur de son fait (Rich.);
α) ca 1170 sëure que (Chrétien de Troyes, Erec et Enide, éd. M. Roques, 4332); 1176 certainne et seüre que (Id., Cligès, éd. A. Micha, 3087); 1751 ne pas être sûr que (l'abbé Prévost, Lettres angloises, t. 3, p. 462);
β) 1655 être sûr de + inf. (Pascal, L'Esprit géométrique, p. 144); 1674, 29 janv. sans être sûr de + inf. (Mmede Sévigné, op. cit., t. 1, p. 684); 3. a) 1176-81 se dit d'une personne en qui on a confiance (Chrétien de Troyes, Chevalier du Lyon, éd. M. Roques, 4784: Et cele qui estoit seüredel meillor chevalier del monde); b) 1690 être sûr de soi (Le Père G. Daniel, Voiage au monde de Descartes, p. 114). C. 1. Ca 1165 « sur qui on peut compter » (Benoit de Ste-Maure, op. cit., 28949); 1481-91 seurs chiens (Jacques de Brezé, La Chasse, éd. G. Tilander, p. 31); 2. a) 1549 « qui agit avec efficacité » (Est., s.v. main: main seure); 1672, 5 févr. fig. (Mmede Sévigné, op. cit., t. 1, p. 431: les voilà retombés en main sûre et chrétienne); b) 1690 (Fur.: ce cheval est seur du pied, il ne bronche point); 3. 1685 « qui ne se trompe pas » goût sûr (La Fontaine, Philemon et Baucis, 165); 1719 jugement sûr (La Motte, Fables, 102); 1754 un coup d'œil sûr (Ch. Bonnet, Essai de psychol., p. 134). II. A. Adv. 1160-70 (Béroul, Tristan, éd. E. Muret, 2442). B. Loc. adv. 1. ca 1160 estre a seür (Eneas, éd. J. J. Salverda de Grave, 1510); ca 1170 tot a seür (Chrétien de Troyes, Erec et Enide, éd. M. Roques, 2775); 2. 1176 savoir de seür (Id., Cligès, 1985); 3. 1665 pour sûr (La Fontaine, Contes, Le Mari confesseur, éd. H. Regnier, t. 4, p. 104); 1888 pour sûr que (Courteline, Train 8 h. 47, p. 173); 4. 1782 bien sûr (Laclos, Liaisons dangereuses, p. 96); 1886 bien sûr que (Zola, L'Œuvre, p. 173); 5. 1783 sûr, très sûr (Jacquot et Colas duellistes, 39 ds Quem. DDL t. 19); 1846 pas sûr (Dumas père, Monte-Cristo, t. 1, p. 492); 6. 1791, 24 juin sûr que (H. Ferrières, Correspondance ds Rec. textes hist., p. 35). Du lat. securus « libre de soucis » d'où « confiant, assuré », en parlant de choses « qui ne cause pas de soin, de souci », comp. de sē
prép. arch. marquant la privation et cura « soin, souci ». Bbg. Casagrande (J.). Sûr et certain en fr. et en angl. Fr. mod. 1974, t. 42, pp. 121-132. − Poirier (Cl.). L'Anglicisme au Québec et l'héritage fr. Trav. de Ling. québécoise. 2. Québec, 1978, p. 50. − Quem. DDL t. 19. |