| SÉRIEUX, -EUSE, adj. et subst. I. − Adjectif A. − 1. [En parlant d'une pers.] Qui s'intéresse aux choses importantes; se montre réfléchi et soigneux dans ce qu'il fait. Synon. pondéré, posé, raisonnable, réfléchi, sage; anton. frivole, léger, inconséquent.Personne sérieuse; enfant, garçon, élève, employé, ouvrier sérieux. Il n'est pas permis à un homme raisonnable et sérieux d'avoir de pareilles hallucinations! (Maupass., Contes et nouv., t. 2, Horla, 1886, p. 1091).C'est une fille sérieuse, pondérée, réfléchie, elle n'a pas du tout l'air conspiratrice (Vailland, Drôle de jeu, 1945, p. 185). − Loc. verb. Rendre qqn sérieux. Synon. fam. lui mettre du plomb* dans la tête.[Dans une phrase exclam. à l'impér.] Soyons sérieux! Trêve de plaisanterie. Madame Aubin, qui s'est aussitôt dégagée: Voyons, soyons sérieux (Verlaine,
Œuvres compl., t. 4, L. Leclercq, 1886, p. 166). 2. P. méton. [En parlant de choses, notamment d'une production, d'une étude] Qui est accompli avec application et réflexion. Étude, recherche, théorie sérieuse. Cet immense sujet [la conquête de la terre par l'électricité] n'a encore donné lieu à aucun travail sérieux (M. Bloch, Apol. pour hist., 1944, p. 27). − Expr. [Dans une phrase nég. et éventuellement exclam.] Ce n'est pas sérieux! C'est une plaisanterie, ce n'est pas crédible. Elle haussa les épaules. − Voyons, ce n'est pas sérieux (Zola, Ventre Paris, 1873, p. 671). B. − [En parlant d'une pers.] 1. Sur qui on peut compter; digne de confiance. Chercher une personne sérieuse; chercheur, collaborateur, employé, historien, philosophe sérieux. Il est certain que la plus grande complaisance règne à la Bibliothèque nationale. Aucun savant sérieux ne se plaindra de l'organisation actuelle (Nerval, Filles feu, Angélique, 1854, p. 511). − Expr. [Dans une annonce matrimoniale ou une publication d'offre d'emploi] Pas sérieux s'abstenir (Dict. xxes.). − En partic. Acquéreur, client sérieux. Acquéreur, client qui présente, dans ses intentions d'achat, des garanties financières et morales. Enfin, peut-être ce soir vous aurez une petite fortune. Il se présente un acquéreur sérieux pour votre imprimerie (Balzac, Illus. perdues, 1843, p. 735).Il parlerait de la ferme à des clients sérieux et laisserait venir leurs propositions (Flaub., Bouvard, t. 1, 1880, p. 39). ♦ Adversaire, concurrent sérieux. Adversaire, concurrent avec lequel il faut compter. Sa participation à la production tant française qu'étrangère est importante, en particulier, en Italie où Hutchinson est un concurrent très sérieux de Pirelli (Industr. fr. caoutch., 1965, p. 40). 2. [P. méton.] a) [En parlant d'une collectivité] À qui on peut faire confiance. Entreprise, maison sérieuse. De l'argent dans une armoire qui ne produit rien! Il vaut mieux le mettre dans une banque sérieuse, lui faire produire quoi que ce soit (Tr. Bernard, M. Codomat, 1907, i, 5, p. 149). b) [En parlant d'un sentiment, d'une relation affective] Qui est sûr parce qu'il est profond et durable. Amitié sérieuse. Vous êtes donc marié? Lui dis-je, comprenant enfin qu'il s'agissait d'une liaison sérieuse et définitive (Fromentin, Dominique, 1863,p. 215).Ruffini parle du terrible danger d'un amour sérieux pour les quadragénaires, et de l'art avec lequel il faut savoir s'en garder (Amiel, Journal, 1866, p. 190). − Expr. C'est sérieux et, en empl. subst. masc. sing. à valeur de neutre, c'est du sérieux. − Avant de considérer ce Yann comme... ton Marcel, j'aimerais être sûre que c'est sérieux, dites-vous avec toute l'emphase maternelle dont vous êtes capable. (...) − (...) Pas un type comme ça, en passant... (N. de Buron, C'est quoi, ce petit boulot?Paris, Flammarion, 1988, p. 105). c) Expr. [Dans une phrase exclam. ou interr.] Alors, c'est sérieux? Est-ce vrai? Est-ce sincère, digne d'être pris en considération? Est-ce sérieux? demanda Brigitte; vous voulez partir cette nuit? (Musset, Confess. enf. s., 1836, p. 330). 3. En partic. Qui est réservé dans son comportement amoureux. Synon. fam. rangé.Femme sérieuse; garçon, homme sérieux. Une jeune fille sérieuse prise surtout chez son fiancé les avantages de l'esprit (Mauriac, Baiser Lépreux, 1922, p. 167). C. − [En parlant d'une pers.] Qui ne manifeste aucune gaieté. Synon. froid, grave; anton. enjoué.Sa maternité future la rendait plus sérieuse, même un peu triste, comme si des inquiétudes l'eussent tourmentée (Flaub., Éduc. sent., t. 2, 1869, p. 205). ♦ Loc., fam. Sérieux comme un pape. V. pape1A 1. − [P. méton.] Air sérieux; voix sérieuse. Elle a de beaux yeux gris dans un visage sérieux. Je ne l'ai vue rire qu'une fois, toute sa personne respire l'honnêteté, la douceur et cette gentillesse française qui m'était d'autant plus chère qu'elle n'était pas commune (Green, Journal, 1940, p. 14). D. − [En parlant de choses] 1. Qui mérite d'être pris en considération en raison de son importance. Activité, chose sérieuse. Me voilà lancé dans les affaires d'État, les affaires sérieuses pour lesquelles j'ai toujours eu du goût (Scribe, Bertrand, 1833, iii, 1, p. 171).Je voulais justement, ce matin, vous entretenir d'une affaire sérieuse, très sérieuse... Enfin de celles que nos ancêtres appelaient des affaires de famille (Bernanos, Joie, 1929, p. 637). − Loc. verb. ♦ Faire sérieux. Donner une impression de qualité. Il faudrait habiter ces étables voûtées, ces cavernes où l'on se sent parfaitement à l'abri; non pas ces murs droits, ces angles comme là-haut qui font carton, qui font pas solide, qui font pas sérieux, qui font 1843, moderne (Giono, Roi sans divertiss., 1947, p. 27). ♦ Parfois p. iron. ou p. antiphr. Venons-en aux/pensons aux choses sérieuses! Parlons de(s) choses sérieuses! En venir à un sujet digne d'intérêt. Et puis il se remettait en branle... − Alors dis donc Ferdinand! C'est pas tout ça!... Parlons à présent des choses sérieuses!... Si tu allais voir l'imprimeur?... (Céline, Mort à crédit, 1936, p. 499). ♦ Avoir de sérieuses raisons de croire, de penser que. Avoir des motifs fondés et importants de croire, de penser. La victoire de Pascal est une victoire dangereuse, et si nous n'avions point déjà eu quelques sérieuses raisons de le penser, M. Berth et M. Sorel nous en fourniraient d'excellentes (Massis, Jugements, 1923, p. 285). ♦ C'est très sérieux. C'est très important; il convient de ne pas le négliger. Écoute-moi bien... Brotonneau, c'est très sérieux. Tu ne sais pas... tu ne peux pas savoir combien cette heure est grave pour moi (Flers, Caillavet, M. Brotonneau, 1923, ii, 4, p. 15). 2. Qui compte par son intensité, son importance qualitative, quantitative; de taille, d'importance. Synon. considérable.Sérieuse attention, étude, précaution; concurrence, difficulté, inquiétude, objection sérieuse; sérieux avantage, appui, effort, progrès; sérieux doute, inconvénient, obstacle, problème; un doute sérieux; un sérieux coup de poing; de sérieuses références, réserves. Anne était rentrée la veille (...) mais personne n'était bien gai. Anne avait pris un sérieux coup de vieux et elle buvait trop de whisky (Beauvoir, Mandarins, 1954, p. 549): Tous les vieux auteurs chrétiens sont d'accord pour nous apprendre que la nouvelle religion n'apporta aucune amélioration sérieuse dans la situation du monde.
Sorel, Réflex. violence, 1908, p. 126. − En partic. Qui peut être fâcheux dans l'avenir; qui compte par la menace qu'il fait peser. Péril, risque sérieux; atteinte, maladie sérieuse. Aujourd'hui, la cause des cartels est gagnée: la concurrence anarchique dans la complexité des intérêts combinés ne peut plus redevenir un danger sérieux (Aragon, Beaux quart., 1936, p. 196). ♦ Loc. verb. C'est sérieux. C'est grave. C'est assez sérieux. Il faudra prendre des calmants. Je vais te faire une ordonnance (Maupass., Pierre et Jean, 1888, p. 377).Empl. subst. masc. sing. à valeur de neutre. C'est du sérieux (fam.). Les mauvaises raisons c'est rien pour moi. Ce que j'ai, c'est du sérieux et ça compte; ça m'est entré dedans petit à petit comme un fil d'eau, et, maintenant, c'est gros et lourd sur mes jambes et ça m'empêche d'être heureux au soleil (Giono, Baumugnes, 1929, p. 12). 3. Qui concerne un sujet important. Discussion sérieuse; propos, sujet sérieux. Et les lectures sérieuses, et Montaigne, les fortes études et le dessin! Que devient tout cela au milieu d'une vie si folâtre? (Flaub., Corresp., 1865, p. 167).Gurau n'hésite pas à lui parler politique. D'ailleurs, elle est à son aise dans les conversations sérieuses (Romains, Hommes bonne vol., 1932, p. 124). − HIST. LITTÉR. [P. réf. notamment à Diderot et à sa conception du théâtre] Le genre sérieux. Genre qui se caractérise par l'intérêt porté aux valeurs importantes. Cette forme du travail à deux, assez commune au Vaudeville, à la bouffonnerie, au drame mouvementé, a passé aussi dans le genre sérieux (A. Daudet, Crit. dram., 1897, p. 184). II. − Substantif A. − [Corresp. à supra I C] État de celui qui ne rit pas, qui demeure grave. Reprendre son sérieux. En réalité, j'ai peut-être plus de volonté que de plaisir, − et dans la vie, comme dans ce que j'écris, j'aurais bien ri, tout compte fait, pour ne pas ennuyer les gens avec mon sérieux (Léautaud, Journal littér., 1, 1906, p. 327). ♦ [P. méton.] Le nez en crosse d'évêque s'avançait entre deux joues qui dans le plus grand sérieux avaient toujours l'air de pouffer (Morand, Homme pressé, 1941, p. 13). − Loc. verb. Garder, tenir son sérieux. Résister à l'envie de rire ou de sourire. Il faut que (...) je garde mon sérieux lors de mes plaisanteries (Gide, Journal, 1890, p. 17).Elle a mis sa main belle et grande devant sa bouche et ses yeux gris (...) et on voit qu'elle tient son sérieux (Toulet, Tendres mén., 1904, p. 94). B. − 1. [Corresp. à supra I A et B] Qualité d'une personne qui agit avec soin et réflexion, sur qui on peut compter. Manquer de sérieux. Pour conduire avec moi la voiture qui devait les ramener, il fallait quelqu'un de sérieux qui ne nous versât pas dans un fossé (Alain-Fournier, Meaulnes, 1913, p. 19). − [P. méton.] Apparemment intimidés par le pseudo-sérieux des questions posées, les spécialistes de la critique cinématographique, louent à l'envi pour leurs vertus politiques des films auxquels ils seraient bien en peine de trouver le moindre mérite cinématographique (Le Nouvel Observateur, 26 janv. 1976, p. 51, col. 2). 2. En partic. Retenue dans les entreprises ou les relations amoureuses. L'attitude de l'hétaïre a des analogies avec celle de l'aventurier; comme celui-ci, elle est souvent à mi-chemin entre le sérieux et l'aventure proprement dite (Beauvoir, Deux. sexe, t. 2, 1949, p. 398). 3. Esprit de sérieux. Esprit par lequel tout est (parfois exagérément) accompli avec gravité et application. On ne saurait donc opposer purement et simplement l'esprit de jeu à l'esprit de sérieux et à l'exigence du travail, comme une démission des responsabilités humaines (Jeux et sports, 1967, p. 1165). − PHILOS. [P. réf. aux existentialistes] Conformisme opposé à l'angoisse libératrice. Il faut remarquer que le jeu, en s'opposant à l'esprit de sérieux, semble l'attitude la moins possessive, il enlève au réel sa réalité (Sartre, Être et Néant, 1943, p. 660). C. − [Corresp. à supra I D 1] Caractère d'une chose digne d'intérêt. − Loc. verb. ♦ Prendre qqc. au sérieux. Lui prêter de l'importance. La condition essentielle d'un spectacle de marionnettes, c'est de ne pas apercevoir le fil. Les simples prennent la chose au sérieux, à peu près comme si ces pantins étaient des personnes réelles (Renan, Avenir sc., 1890, p. 464).Prendre son travail au sérieux. Accomplir quelque chose scrupuleusement, avec détermination. Anton. prendre qqc. à la légère. (v. léger V A 1 loc.). ♦ Prendre qqn au sérieux. Lui prêter de la considération, de la crédibilité. La bonne humeur, l'esprit inventif, l'amour neuf (...) de Didier s'affirment tels, que Cécile (...) ose regretter tout haut un mari qui prenait sa femme au sérieux et l'amour au tragique (Colette, Jumelle, 1938, p. 19). ♦ Se prendre au sérieux. Être imbu de sa personne ou (en parlant d'un enfant) jouer un rôle d'adulte. Assez heureux je suis d'avoir découvert dans la musique quelque chose de sauvage et de fort. L'homme au tambour a cent fois raison de se prendre au sérieux (Alain, Propos, 1921, p. 275). Prononc. et Orth.: [seʀjø], fém. [-ø:z]. Ac. 1694, 1718: serieux; dep. 1740: sé-. Étymol. et Hist. I. Adj. A. 1. 1370-71 « [en parlant d'une chose] qui est important, mérite considération, réflexion » (Oresme, Ethiques, éd. A. D. Menut, IV, 25, p. 272, note 13: une [vertu] est en gieux et l'autre en autres choses qui sont appellees serieuses); 2. 1580 « qui n'a pas pour objet l'amusement, la distraction » (Montaigne, Essais, I, XXVIII, éd. P. Villey et V. L. Saulnier, p. 195: en eschange de cet ouvrage serieux, j'en substitueray un autre [...] plus gaillard et plus enjoué); ca 1590 (Id., ibid., XXVI, p. 171: pensées serieuses d'un homme d'aage); 1664 littér. pièces serieuses [en oppos. à comiques] (de La Croix, Guerre com. ou Défense ,,Ecole des Femmes``, éd. Gay, p. 67 ds Livet Molière); 1690 stile sérieux [en oppos. à burlesque] (Fur.); 1757 genre sérieux (Diderot, Entretiens sur le ,,Fils naturel``, III ds
Œuvres, éd. A. Billy, p. 1244); 3. 1690 « qui n'est pas feint, auquel on peut ajouter foi » demande sérieuse (Fur.); 4. 1718 « périlleux, qui peut avoir des suites fâcheuses » l'affaire devient serieuse; [maladie] serieuse (Ac.); 5. 1862 « d'importance, qui compte » (Hugo, Misér., t. 2, p. 714: − Cinq cents francs! [...]: un fafiot sérieux!). B. 1. 1588 « [en parlant d'un personne] qui ne rit pas, ne manifeste aucune gaité » visage sérieux (Montaigne, op. cit., III, V, p. 867); 2. av. 1680 « qui prend en considération ce qui mérite de l'être » esprit serieux (La Rochefoucauld, Réflexions diverses, XVI ds
Œuvres, éd. L. Martin-Chauffier et J. Marchand, p. 528); 3. 1690 « rangé, sans écart de conduite » fille modeste et serieuse (Fur.); 4. 1872 « à qui l'on peut se fier » acheteur sérieux (Littré). II. Subst. 1. a) 1647 « comportement de celui qui ne plaisante pas, gravité » (Loret, Poésies burlesques, p. 101 ds Livet Molière: le serieux n'est pas mon élément), cf. 1647, Vaug., p. 255: Il y en a qui [...] font serieux substantif et disent..., il est dans un serieux, mais quoy que cette façon de parler soit très-frequente à Paris, elle ne laisse pas de desplaire à beaucoup d'oreilles delicates; 1707 garder son serieux (Lesage, Diable boiteux, Amsterdam, P. Mortier, 1747, t. 2, III, p. 72); b) 1664 littér. le serieux [oppos. au comique] (de La Croix, op. cit., p. 57 ds Livet Molière); 2. 1670 « qualité d'une personne appliquée, réfléchie » (Bossuet, Oraison funèbre d'Henriette d'Angleterre ds
Œuvres, éd. Vélat et Y. Champailler, p. 88); 3. « qualité de ce qui est digne d'attention, vrai, important » a) 1694 prendre une chose dans le serieux; au serieux « la croire vraie, bien qu'elle ait été dite en badinant » (Ac.); 1765-70 prendre (une chose) au serieux « la considérer comme importante » (J.-J. Rousseau, Confessions, I ds
Œuvres, éd. B. Gagnebin et M. Raymond, t. 1, p. 18); b) 1713 en venir au serieux (Hamilton, Gramm., 4 ds DG). Empr. au lat. médiév.seriosus « sérieux » (Pseudo-Boèce ds Blaise Lat. chrét.; ca 1225 ds Latham), dér. du class. serius « id. (en parlant d'une chose) », subst. sous la forme neutre serium « chose sérieuse ». Fréq. abs. littér.: 7 502. Fréq. rel. littér.: xixes.: a) 8 058, b) 14 027; xxes.: a) 11 280, b) 10 729. |