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SÉCULARISER, verbe trans.
I. − HIST., RELIG. CHRÉT.
A. −
1. Faire passer une personne de l'état régulier à l'état séculier, de l'état régulier ou séculier à l'état laïc. Ce père Patrault fut sécularisé par M. de Brienne, archevêque de Sens et cardinal de Loménie, qui en fit un de ses grands vicaires (Las Cases, Mémor. Ste-Hélène, t. 1, 1823, p. 80).Peu après, Jean-sans-Pitié se fit séculariser par le pape; après avoir versé le sang de tant de chrétiens pour rester évêque, il se démit de son évêché, et épousa Élisabeth de Luxembourg (Barante, Hist. ducs Bourg., t. 4, 1821-24, p. 389).V. sacristain ex. de Bernanos.
2. Part. passé en empl. adj. [En parlant d'une pers.]
a) Qui est passé de l'état régulier à l'état séculier, de l'état régulier ou séculier à l'état laïc. [Le père Ducros] moine cordelier sécularisé (Stendhal, H. Brulard, t. 1, 1836, p. 35).
[Dans le cadre de la promulgation de la loi 1901 en France excluant les congrégations de la liberté d'association; en parlant d'un membre d'une congrégation] Qui a adopté le costume civil et mène extérieurement une vie laïque. Religieuses sécularisées. Beaucoup de congréganistes partent pour l'étranger et les colonies (...); d'autres, « sécularisés » (...) rouvrent des écoles (L. Girard, M. Bonnefoux, J. Rudel, 1848-1914, 1962, p. 355).Empl. subst. fém. Écoute; je suis restée en correspondance à son sujet avec la sécularisée. Celle-ci, avec les emberlificotements habituels et les ronds de plume ecclésiastiques, m'a fait comprendre que l'enfant pensait à la vie religieuse (La Varende, Indulg. plén., 1951, p. 333).
b) Qui vit dans le siècle, qui a l'apparence d'une personne laïque. L'abbé de Pernon, un doux et excellent homme, sécularisé dans toute sa personne, toujours vêtu d'un habit gris clair (Sand, Hist. vie, t. 2, 1855, p. 323).
3. Empl. pronom. réfl. [Le suj. désigne une pers.]
a) Passer de l'état régulier à l'état séculier, de l'état régulier ou séculier à l'état laïc. Ces carmes l'avaient persécuté [l'abbé] dans sa jeunesse, et le prieur avait fini par le forcer à se séculariser (Sand, Mauprat, 1837, p. 268).
b) Adopter les mœurs du siècle. Le lendemain, le mystificateur (...) fut métamorphosé (...) en un prêtre à lunettes vertes qui se serait sécularisé (Balzac, Rabouill., 1842, p. 577).
B. −
1. Faire passer une institution, un établissement religieux de l'état régulier à l'état séculier. Ce chapitre, ce monastère a été sécularisé (Ac.1835-1935).
Empl. pronom. réfl. Peu à peu, le monastère primitif soumis à la règle de Saint-Benoît s'est sécularisé (...). L'abbaye est devenue un chapitre de dames nobles (Remiremont, Hist. de la Ville et de son Abbaye, Vagney, G. Louis, 1985, p. 95).
2. Transférer un bien d'Église dans le domaine public. Catherine II avait sécularisé une grande partie des biens de celle-ci [l'Église orthodoxe] (Lefebvre, Révol. fr., 1963, p. 49).
Part. passé en empl. adj. Londres tira profit de la Réforme. (...) le Roi et l'aristocratie s'approprient les biens du clergé (...) la maison des Templiers sécularisée devient le Temple (Morand, Londres, 1933, p. 14).
C. − Soustraire une fonction, une institution sociale à la domination, à l'influence religieuse, ecclésiastique; la mettre entre les mains des laïcs, des pouvoirs publics. Synon. laïciser.L'Assemblée législative sécularisa l'état-civil en confiant la tenue des registres aux municipalités (Baradat, Organ. préfect., 1907, p. 218).
II. − Donner à quelque chose un caractère laïc, non religieux; adapter quelque chose au siècle, à la vie du siècle. Malgré la tonsure destinée à son fils, Jeanne de Saint-Savin ne voulut pas que cette éducation sentît la prêtrise, et la sécularisa par son intervention (Balzac, Enf. maudit, 1831, p. 377).La conclusion paradoxale, mais significative, de Nietzsche est que Dieu est mort à cause du christianisme, dans la mesure où celui-ci a sécularisé le sacré (Camus, Homme rév., 1951, p. 93).
Part. passé en empl. adj. Son idée de la révolution [enveloppe] une transposition sécularisée de l'idée du jugement dernier et du royaume de Dieu (Maritain, Human. intégr., 1936, p. 66).
Empl. pronom. La danse sacrée se sécularise. Elle devient, de religieuse, courtoise (Levinson, Visages danse, 1933, p. 232).
Prononc. et Orth.: [sekylaʀize], (il) sécularise [-ʀi:z]. Ac. 1694, 1718: seculariser; dep. 1740: sé-. Étymol. et Hist. 1. 1586 « faire passer à l'état séculier » (P. Crespet, La Pomme de Grenade mystique, 98 r ods R. Philol. fr. t. 45, p. 149); en partic. 1671 « rendre à la vie laïque des personnes qui appartiennent à la vie ecclésiastique » (Pomey); 2. 1680 en parlant des biens (Rich. t. 2). Dér. sav. de séculier*; suff. -iser*. Fréq. abs. littér.: 27.