| RUMEUR, subst. fém. A. − Gén. au sing. Bruit confus produit par la présence d'un certain nombre de personnes qui parlent, crient ou s'activent plus ou moins loin. Synon. brouhaha.Rumeur assourdie, étouffée, joyeuse, lointaine, vivante; rumeur des conversations, des cris, des voix; rumeur d'une fête, d'une multitude, d'une salle; la rumeur s'apaise, bourdonne, s'assourdit, s'éteint, monte, se propage. Quel calme! J'entends monter, confondues en une rumeur vague, les conversations des promeneurs, les voix joyeuses des enfants qui jouent (Coppée, Bonne souffr., 1898, p. 32).Tous les espoirs (...) des hommes, toutes leurs joies mêlés aux rumeurs des métiers, aux rumeurs des champs, aux rumeurs des rues que les mille formes des marchés, des potagers, des rivières, des bois éparpillent (Faure, Espr. formes, 1927, p. 115). − En partic. ♦ Bruit confus et produit par une assemblée, par une foule mécontente et qui réagit en protestant à des nouvelles, à des événements. Synon. agitation, tumulte.Rumeur menaçante; rumeur de la populace; la rumeur gronde; des rumeurs s'élèvent. Le général en chef fit demander au Sénat de Gênes le passage de la Bochetta (...). La rumeur fut extrême à Gênes; les conseils se mirent en permanence (Las Cases, Mémor. Ste-Hélène, t. 1, 1823, p. 348).Une rumeur se fit, de mécontentement, couvrant la parole du tambour (Jouve, Scène capit., 1935, p. 14). ♦ Bruit confus et assez fort produit dans une assemblée, par une nouvelle, un événement. La rumeur, excitée par mon entrée dans la salle d'audience [de la Cour d'Assises] ne s'apaisa que lentement. Et puis elle se renouvela, sourde et confuse, aux dehors de la barrière que les curieux n'avaient pu franchir (Nodier, Fée Miettes, 1831, p. 125).Là-bas, sur les bancs [des enfants] s'élève une rumeur que je connais bien: la rumeur des accidents de culotte (Frapié, Maternelle, 1904, p. 51). ♦ Loc. adj. En rumeur(s) (rarement au plur.). Troublé, agité. Le village, la ville est en rumeur. Où va-t-elle aujourd'hui [l'émeute]? De ses sombres clameurs Va-t-elle épouvanter le sénat en rumeurs? (Barbier, Ïambes, 1840, p. 28).Dès huit heures du matin, les rues Saint-Denis et Saint-Martin (...) étaient en rumeur; des courants de passants indignés les descendaient et les remontaient (Hugo, Hist. crime, 1877, p. 43).Loc. adv. En trouble, en émoi. Pendant ce temps le tocsin mettait toute la ville en rumeur (Tharaud, Trag. de Ravaillac, 1913, p. 12). B. − P. anal. 1. Bruit sourd, confus ou lointain d'origine naturelle ou produit par des objets ou des mécanismes. Rumeurs des cloches, de la forêt, de la mer, d'une musique, d'une usine. Le murmure d'une petite fontaine, située au pied de la terrasse, brodait sur la large rumeur du Viézon grossi par les pluies (Amiel, Journal, 1866, p. 219).À la place où ils posaient le pied, la striduleuse rumeur des grillons s'interrompait pour reprendre un peu plus loin (Chardonne, Épithal., 1921, p. 86). 2. Bruit assourdi provenant du corps humain. La rumeur sifflante que ses artères scandaient à ses tempes (Genevoix, Raboliot, 1925, p. 273).Le bruit de la respiration (...) se complique d'une sorte de rumeur du haut de la bouche, qui n'est pas un ronflement (Romains, Hommes bonne vol., 1932, p. 37). C. − Souvent au plur. Nouvelle sans certitude qui se répand de bouche à oreille, bruit inquiétant qui court. Synon. bruit, murmure, on-dit.Rumeur calomnieuse, contradictoire, flatteuse, infâme, sinistre; rumeur(s) de gloire, de guerre, de maladie, de suspicion; la rumeur annonce, circule, monte, se propage; croire la rumeur; démentir, étouffer une rumeur. Cette version confirmait si bien les rumeurs populaires, qu'il devint évident pour tous que c'était la pure vérité (Ponson du Terr., Rocambole, t. 3, 1859, p. 309): Il court sur La Fontaine une rumeur de paresse et de rêverie, un murmure ordinaire d'absence et de distraction perpétuelle qui nous fait songer sans effort d'un personnage fabuleux, toujours infiniment docile à la plus douce pente de sa durée.
Valéry, Variété[I], 1924, p. 59. ♦ Rumeur publique. Opinion généralement défavorable du plus grand nombre. Être accusé par la rumeur publique. Le père, désigné par la rumeur publique, s'est disculpé (Mirbeau, Journal femme ch., 1900, p. 174).Il paraît que tu bois beaucoup, c'est la rumeur publique qui le dit (Triolet, Prem. accroc, 1945, p. 189). − PSYCHOSOCIOL. ,,Bruit qui court transmis de bouche à oreille avec toutes les déformations introduites par chaque individu`` (Mucch. Psychol. 1969). La rumeur se déforme dans les relais et (...) son contenu s'appauvrit, mais certains éléments sont sélectionnés et accentués, la distorsion s'opérant dans le sens des intérêts, des sentiments et des opinions de ceux qui les transmettent (Morf.Philos.1980). REM. Rumoreux, -euse, adj.,rare. Qui fait entendre une rumeur, des bruits sourds. Le flot rumoreux, fervide (...) Renverse et démolit sous ses brusques saccades Disques, môles massifs, barrages, estacades (Pommier, Océanides, 1839, p. 33). Prononc. et Orth.: [ʀymœ:ʀ]. Att. ds Ac. dep. 1694. Étymol. et Hist. 1. 1100 rimur « bruit (produit par une armée en marche) » (Roland, éd. J. Bédier, 817); 2. 1264 rumeur « bruit qui court, nouvelle sans certitude » (Bibl. de l'Éc. des Chartes, XXX, 563 ds Barb. Misc. 28, p. 349); 1756 les rumeurs publiques (Voltaire, Ess. hist. gén. et mœurs, p. 326); 3. 1407 « bruit sourd et menaçant d'une foule, annonçant quelque disposition à la révolte » (Journal de Nicolas de Baye, I, 195 ds Barb., loc. cit.); 4. 1651 « bruit confus de voix qui s'élèvent » (Scarron, Roman Comique, I, 12 ds DG). Du lat. rumor, acc. rumorem « bruits vagues », « propos colportés ». Fréq. abs. littér.: 1 679. Fréq. rel. littér.: xixes.: a) 1 151, b) 2 405; xxes.: a) 3 166, b) 2 965. |