| ROUÉ, -ÉE, part. passé, subst. et adj. I. − Part. passé de rouer2*. II. − Subst. et adj. A. − 1. Personne qui a subi le supplice de la roue. 50 feuilles à revoir, et elles m'arrivent avec la régularité des coups de barre qu'on donnait jadis aux roués (Balzac,Corresp.,1833, p. 436).Tous les suppliciés, foule morne et sanglante, (...) Roués meurtris et bleus, noyés aux chairs marbrées (Gautier,Albertus,1833, p. 179). 2. Adj., p. anal. Brisé de fatigue, de douleur. Longtemps encore il tint ses paupières closes, le corps roué, incapable du moindre mouvement (Genevoix,Avent. en nous,1952, p. 151). B. − 1. a) HIST. Les roués. Compagnons de plaisir du régent Philippe d'Orléans; ceux qui eurent la même conduite à cette époque. La débauche alors [sous Mazarin] était tout aussi monstrueuse qu'elle avait été au temps des mignons, ou qu'elle fut plus tard au temps des roués (Sainte-Beuve,Portr. femmes,1844, p. 6). b) Vieilli. Personne sans principes et sans mœurs, notamment dans les relations amoureuses mais généralement de manières distinguées et spirituelles. La corruption, les mauvaises mœurs, les élégances de roué sont naturelles et ne s'apprennent pas (Chateaubr.,Mém., t. 2, 1848, p. 704).Ayant fait quelque impression sur une ou deux modistes, il se considérait comme un roué (Drieu La Roch.,Rêv. bourg.,1937, p. 226).V. insolence ex. 1. − Empl. adj. Je passe pour un homme (...) fort insensible, roué même, et je vois que j'ai été constamment occupé par des amours malheureuses (Stendhal,H. Brulard, t. 1, 1836, p. 13). 2. P. ext. a) Personne rusée, sans scrupule, habile à tromper pour trouver son avantage. Ces roués de la Bourse, (...) ces hommes qui, depuis la révolution, ont érigé en principe qu'un vol, fait en grand, n'est plus qu'une noirceur, transportant ainsi, dans les coffres-forts, les maximes effrontées adoptées en amour par le dix-huitième siècle (Balzac,Marana,1833, p. 115).Oui, un petit roué, qui a abusé de votre bonté et comptait faire une excellente affaire en vous épousant (Duranty,Malh. H. Gérard,1860, p. 245). − Empl. adj. Un Luxembourg (...) tournant agréablement ses cupidités en railleries, roué, insolent, inhumain et fanfaron d'inhumanité (Sainte-Beuve,Nouv. lundis, t. 1, 1861, p. 327).Il est partout à la fois, naïf et cependant assez roué pour être toujours où je me trouve... (Miomandre,Écrit sur eau,1908, p. 64).[En parlant d'un animal] Elle lassera ses juges, les surmènera au cours des interminables audiences, les abandonnera recrus, comme une bête rouée promène des chiens novices (Colette,Vagab.,1910, p. 39). ♦ Expr. Roué comme (une) potence. V. potence C arg. ♦ [P. méton.] Leur fille était entre eux un lien, tout en faisant l'objet d'une rivalité sourde (...). L'enfant n'avait pas manqué de le sentir, avec la candeur rouée de ces petits êtres qui n'ont que trop de tendance à croire que l'univers gravite autour d'eux; et elle en tira parti (Rolland,J.-Chr., Amies, 1910, p. 1103).Rarement la parole humaine fut-elle plus éblouissante et plus rouée et sut-elle mieux couvrir et justifier l'insatiable désir (Guéhenno,Jean-Jacques,1950, p. 185). b) Adj. et subst. (Femme) très expérimentée dans le domaine de l'amour. Elle devint une maîtresse exquise, naturellement spirituelle, et rouée à plaisir. Ç'eût été, à Paris, une courtisane de grand mérite (Maupass., Contes et nouv., t. 1, Fen., 1883, p. 887). En se refusant, elle avait fouetté son désir, elle le rendait fou, capable de toutes les sottises. Une rouée, une fille de vice savant, n'aurait pas agi d'une autre façon que cette innocente (Zola,Bonh. dames,1883, p. 704). c) Adj. [En parlant d'un artiste] Qui fait preuve d'une très grande habileté dans son art. Les petits poètes actuels de vingt ans me semblent tellement roués dans leur art qu'ils me semblent noués (Goncourt,Journal,1867, p. 329).Volontiers j'appellerais l'auteur du Reliquaire et des Récits et élégies le plus adroit, le plus roué de nos rimeurs (Lemaitre,Contemp.,1885, p. 84).V. adroit ex. 11. Prononc. et Orth.: [ʀwe]. Ac. 1694: roué; 1718: roüé; dep. 1740: roué. Étymol. et Hist. 1. 1648 « homme qui a subi le supplice de la roue » (Scarron, Virgile Travesti, I, 68a ds Richardson, p. 246); 2. fig. 1690 « très fatigué » (Fur.); 3. 1remoit. xviiies. « débauché, digne du supplice de la roue, en faisant allusion aux compagnons de débauche du régent Philippe d'Orléans » (Saint-Simon, Mém., éd. Chervel et Regnier, t. 14, p. 209); 4. p. anal. 1780 « personne dont la conduite est désordonnée » (G. Mirabeau, Lettres, t. 4, p. 217); 5. 1833 « personne très rusée et peu scrupuleuse » (Balzac, loc. cit.). Part. passé adj. et subst. de rouer2*. Fréq. abs. littér.: 237. Fréq. rel. littér.: xixes.: a) 358, b) 428; xxes.: a) 353, b) 259. |