| * Dans l'article "ROSSIGNOL,, subst. masc." ROSSIGNOL, subst. masc. A. − ORNITH. Oiseau migrateur (de l'ordre des Passereaux) dont l'espèce commune est caractérisée par un plumage brun roux et gris brunâtre, par un fin bec brun, et par la pureté, la variété du chant aux sonorités éclatantes et harmonieuses. Synon. vieilli philomèle.Doux, petit rossignol; chant, nid, voix du rossignol; entendre le rossignol. Des rossignols se mirent à chanter, lançant d'abord trois appels virils, puis déroulant leur phrase festonnée et brodée (Alain, Propos, 1910, p. 75): « (...) les rossignols chantent dans le jour: c'est donc que les femelles couvent. » (...) l'idée d'en écouter un fit se lever dans son cœur la vision des poétiques tendresses. Un rossignol! C'est-à-dire l'invisible témoin des rendez-vous d'amour qu'invoquait Juliette sur son balcon; cette musique du ciel accordée aux baisers des hommes...
Maupass., Contes et nouv., t. 1, Partie camp., 1881, p. 379. B. − P. anal. 1. Animal qui évoque un rossignol surtout par son chant. Le grillon, rossignol des cendres (Murger, Nuits hiver, 1861, p. 44). ♦ Rossignol d'eau (ou, plus rare, rossignol des eaux), rossignol de rivière. Synon. vx de roussero(l)le.Mes anciennes contemplations (...) entremêlées par les roulades du chantre des nuits amoureuses, et par la note unique du rossignol des eaux (Balzac, Lys, 1836, p. 64). ♦ Rossignol de(s) muraille(s). Synon. de rouge-queue, rubiette.Elle acheta (...) le rouge-queue, par pitié (...). Le pauvre petit rossignol de muraille, qui déjà prenait la nourriture à sa main (...), mourut le soir (Michelet, Journal, 1857, p. 340). − P. iron., pop., vieilli. Rossignol à gland. Synon. de cochon.[Au mauvais chanteur:] tu chantes comme un rossignol à gland (Virmaitre, Dict. arg. fin-de-s., 1894, p. 260).Rossignol d'Arcadie. Synon. de âne. (Dict. xixeet xxes.).P. métaph. Un tas d'obscurs grimauds, rossignols d'Arcadie, Viennent de leurs concerts importuner les gens Et braire tour à tour leurs monotones chants (Pommier, Crâneries, 1842, p. 153). 2. a) Personne qui se distingue par une voix bien modulée, qui chante admirablement. Un de ces vieux chantres d'Israël dont la gorge roule des sanglots (...) ces artistes de la plainte et du gémissement, ces rossignols de la douleur (Tharaud, Ombre de la Croix, 1917, p. 256). ♦ Gosier, voix de rossignol. Gosier, voix d'une qualité mélodieuse. Elle s'enfuit, et sa voix de rossignol, ses roulades fraîches retentirent dans l'escalier (Balzac, Peau chagr., 1831, p. 154). b) Poète lyrique, écrivain au talent prestigieux. Poète riche et facile, heureux Théodore de Banville, vous êtes le plus mélodieux des chanteurs (...) le doux rossignol des Muses (A. France, Vie littér., 1891, p. 188). c) Ce qui évoque le rossignol par ses brillantes qualités, son caractère éloquent, tendre, etc. Je viens de lire (...) votre splendide prologue aux Chansons des rues et des bois. C'est le rossignol annonçant l'alouette (Hugo, Corresp., 1864, p. 479).Isolés dans l'amour ainsi qu'en un bois noir, Nos deux cœurs, exhalant leur tendresse paisible, Seront deux rossignols qui chantent dans le soir (Verlaine,
Œuvres compl., t. 1, Bonne chans., 1870, p. 112). 3. Spécialement a) Arg., pop. Instrument pour crocheter les serrures. Venture (...) chercha le trou de la serrure, y introduisit son rossignol, et, avec cette habileté merveilleuse des voleurs, il crocheta le pène (Ponson du Terr., Rocambole, t. 5, 1859, p. 266).Un trousseau de fausses clefs, ce qu'on appelle dans le grand monde des rossignols, parce que cela une chante que la nuit (Grison, Paris, 1882, p. 36). b) MUSIQUE − Vx. ,,Chalumeau dans lequel on introduisait un piston, pour obtenir différents sons (...). Les enfants en font ainsi avec un bout de branche (...) dont ils séparent le bois de l'écorce (...); elle forme le tuyau, et le bois détaché fait le piston`` (Bach.-Dez. 1882). Jouer du rossignol. (Dict. xixeet xxes.). − ,,Sifflet à bec, fait en poterie, en forme de vase et rempli d'eau: le courant d'air heurte la surface de l'eau, et un « gazouillis », imitant le chant de l'oiseau, se produit (jeu d'enfant)`` (Encyclop. de la mus., Paris, Fasquelle, 1967). − ,,Jeu d'orgue hors gamme (...) composé de quelques tuyaux (de 2 à 6) formant accord, dont l'extrémité plonge légèrement dans une cuve remplie de liquide, ce qui lui permet d'imiter une roulade d'oiseau. À la mode au xvies., le r[ossignol] devint plus rare à l'époque classique pour disparaître ensuite`` (Mus. 1976). Les J[eux] d'oiseaux [de certaines orgues], appelés (...) rossignol, et les J[eux] d'orage ou de tonnerre procurent des effets imitatifs qui formaient (...) le principal attrait du fameux orgue de Fribourg (BrenetMus.1926, p. 216). c) PATHOL. Rossignol (des tanneurs). Affection caractérisée par des ulcérations sur les doigts et causée par des produits corrosifs. Le pigeonneau ou rossignol est une maladie professionnelle survenant chez les polisseurs en métaux, les teinturiers, (...) caractérisée par de multiples ulcérations rondes ou ovalaires des doigts et des mains, douloureuses (Quillet Méd.1965, p. 308). d) TECHNOL. [P. réf. à l'ancien instrument de torture, avec l'idée commune de serrer] ,,Petit morceau de bois taillé en coin, servant à remplir l'excès d'une mortaise trop longue et à serrer ainsi le tenon`` (Barb.-Cad. 1963). C. − Fam., gén. iron. ou péj. 1. a) Livre sans valeur, qui date, reste longtemps sur les rayons des librairies. Un individu qui avait eu l'idée de placer en province des livres invendables, des rossignols de librairie (Goncourt, Man. Salomon, 1867, p. 118). b) Marchandise démodée, défraîchie, difficilement vendable. Synon. laissé(-)pour(-)compte.Avec Malvina, il était rare que l'on eût ce que l'on nomme, dans le commerce, des rossignols, des articles vieillis. Elle (...) prononçait le mot magique de rabais, et soldait ses rebuts en faisant des heureux (Reybaud, J. Paturot, 1842, p. 389).Il passe dans son arrière-magasin et revient avec deux ou trois jolies cannes démodées, fort jolies: « Tenez! J'ai là quelques rossignols... Personne ne veut plus de cela » (Léautaud, Journal littér., 3, 1914, p. 169). − En appos. avec valeur d'adj. Où sont les liqueurs d'antan? Elles sont dans quelques lointains cafés de banlieue, refuge des boissons démodées, pauvres consommations rossignols dont personne n'a pu épuiser le solde (Richepin, Pavé, 1883, p. 161). 2. P. anal. Personne peu attrayante, qui rebute par son physique ou son âge, difficile à marier. Vous mériteriez [pour femme] Adolphine, vous! [Champrosé:] Ah! il paraît qu'Adolphine?... placement difficile! (...) Un rossignol! merci! (Sardou, Fam. Benoiton, 1865, p. 19).Être (...) quitté, lui, si bel homme, pour un pareil rossignol; il y a de quoi (...) s'en vouloir éternellement de n'être pas aussi mal foutu que ce sacré pou de Dom Kiki! (Cladel, Ompdrailles, 1879, p. 326).V. arrière-saison ex. 4. REM. 1. Rossignole, subst. fém.Femelle du rossignol. Quand le rossignol prélude, on n'entend pas (...) un chant, mais une immense espérance (...). Il louange sa femelle, l'humble rossignole invisible dans les feuillages, cependant il atteint tous les cœurs (Barrès, Colline insp., 1913, p. 340). 2. Rossignolet, subst. masc.Jeune rossignol. Rossignolet des bois, Ta voix pure Met nos cœurs en émoi (W. Lemit, Chansonnier des éclaireurs et des éclaireuses, Paris, éd. Arc Tendu, 1958, p. 56).[Terme d'affection] Il s'amusa quelques minutes à le faire sauter [son fils] (...) Arnoux (...) zézayait des caresses en patois marseillais (...) − « Ah! brave pichoûn [petit], mon poulit [joli, gentil] rossignolet!! » (Flaub., Éduc. sent., t. 1, 1869, p. 138). Prononc. et Orth.: [ʀ
ɔsiɳ
ɔl]. Att. ds Ac. dep. 1694. Étymol. et Hist. 1. Ca 1165 ornith. (Troie, 2188 ds T.-L.); fig. 1694 elle a des rossignols dans la gorge, elle a un gosier de rossignol, elle a une voix de rossignol (Ac.); 2. fig. a) 1406 « crochet pour ouvrir les serrures » (dossier de l'affaire de Jehan des Haies, dit le Decier ds Sain. Sources Arg. t. 1, p. 13); b) 1569 « instrument de torture » (Papon, Recueils d'arrets, 991 ds Romania t. 34, p. 616 et t. 36, p. 291); 1676 « coin de bois qu'on met dans une mortaise trop longue pour serrer deux pièces de bois » (Félibien); c) 1611 rossignol d'Arcadie « âne » (Cotgr.); d) 1690 mus. (Fur.); e) 1812 « petite flûte à piston, pour enfants » (Mozin-Biber); f) 1839 « livre invendu » (Balzac, Un Grand homme de province à Paris, chap. 3, t. 1, p. 52 ds Quem. DDL t. 16: ce sobriquet de rossignols était donné par les libraires aux ouvrages qui restent perchés sur les casiers); 1842 « objet démodé » (Reybaud, loc. cit.); g) 1870 « ulcération douloureuse venant aux bouts des doigts des tanneurs » (Littré). Empr. à l'a. prov.rossinhol (d'où peut-être aussi a. ital. rusignuolo, ausignuolo, ital. mod. usignuolo, a. esp. rosignol, rossinol, esp. mod. ruiseñor, port. rouxinol, la diffusion du mot prov. étant sans doute étroitement liée au rôle du rossignol dans la poés. des troubadours), issu du lat. pop. *lusciniolus, même sens, forme masc. tirée du lat. class. lusciniola (Plaute), dimin. de luscinia (cf. au xiiies. les var. lossignol, lorsignol ds T.-L.). Le r- (cf. roscinia att. dans une gl. du viies.) vient soit d'une dissim. du l-, soit du croisement avec russus « roux », le rossignol ayant le plumage roussâtre (v. FEW t. 5, pp. 472b-473a et Bl.-W1-5). 2 a une clé qui tourne bien « chante » (Esn.); 2 g ainsi nommé à cause des cris que la douleur arrache aux sujets qui en sont atteints. Fréq. abs. littér.: 810. Fréq. rel. littér.: xixes.: a) 1 300, b) 1 635; xxes.: a) 1 109, b) 791. Bbg. Callebaut (B.). Index hist. et explicatif des noms des oiseaux en fr. Trav. Ling. Gand. 1980, n o7, p. 168. - Hasselrot 1957, p. 202 (s.v. rossignolet), 215 (id.). - Quem. DDL t. 16. |