| ![]() ![]() ![]() ![]() RETENUE, subst. fém. I. − [Corresp. à retenir I] A. − [Le suj. désigne une pers.] 1. Action de contenir, de freiner. [Le plaisir] se dissipe lorsqu'on veut le borner autrement que par la nécessité; et puisqu'il faut pourtant que la raison le borne, le seul moyen de concilier ces deux choses, qui sans cela seraient contraires, c'est d'imposer d'avance au plaisir la retenue d'une loi générale (Senancour, Obermann, 1840, p. 102): 1. ... cette démarche rythmée que Jack se souvenait d'avoir vu aux femmes bretonnes transportant l'eau sur leur tête à pleines cruches et voulant concilier la hâte de leur allure et la retenue nécessaire à la charge qu'elles soutiennent.
A. Daudet, Jack, t. 2, 1876, p. 183. 2. Prélèvement (sur une somme, un montant à payer). a) COMM. Retenue de garantie. ,,Fraction du montant d'un marché qui n'est pas réglée à l'entrepreneur ou au fournisseur lors de la réception provisoire, mais qui l'est à la réception définitive`` (GDEL). b) DR. FISCAL. Retenue à la source. ,,Prélèvement effectué par certains débiteurs au profit du fisc sur les sommes qu'ils doivent à leur créancier de manière à acquitter directement l'impôt à la charge de ce créancier`` (Barr. 1967); ,,modalité de perception de certains impôts directs par prélèvement au moment du paiement des revenus (ex.: revenu des valeurs mobilières)`` (Admin. 1972). c) LÉGISL. SOC. Ce qui est déduit sur un salaire, un traitement, un revenu, pour les cotisations sociales obligatoires ou volontaires. Il sera établi dans chaque département une caisse d'épargne et de prévoyance en faveur des instituteurs primaires communaux... Cette caisse sera formée par une retenue annuelle d'un vingtième sur le traitement fixe de chaque instituteur communal (Hist. instit. et doctr. pédag., 1833, p. 297).Sont prélevées sur les traitements: a) la retenue pour pensions civiles; b) la retenue pour sécurité sociale; c) la cotisation pour la MGEN (Mutuelle générale de l'éducation nationale) (Encyclop. éduc., 1960, p. 302). d) Abattement sur un versement. Tu devais me rembourser à 50 francs par mois, mais je viens de lire ta lettre, mon Charles, et je te fais don de ces mille francs. Je continuerai de te payer ta pension sans retenue (Hugo, Corresp., 1866, p. 573). 3. ARITHM. Chiffre ou nombre qui, dans une opération, représente le nombre des dizaines ne pouvant être pris en compte dans la colonne des unités et qui est reporté dans la colonne de gauche représentant les dizaines, chiffre ou nombre représentant les centaines reporté dans la colonne des centaines, etc. Poser des retenues. On peut pourtant simplifier cette sous-routine dans une machine en retardant le report de retenue. Nous collectons en un endroit tous les chiffres « à droite » du produit partiel et dans un autre, tous les chiffres « à gauche » et réservons toutes les additions jusqu'à la fin (Berkeley, Cerveaux géants, 1957, p. 242). 4. PÉDAG. Punition qui consiste à garder un élève après la classe ou à le faire venir pendant un jour de congé. Synon. colle, consigne.Être en retenue; faire 4 heures de retenue. Outre les pensums, les retenues et la prison on emploie les verges (Taine, Notes Anglet., 1872, p. 145).Si le jeudi et le dimanche sont disponibles, la retenue du dimanche ne peut être prononcée que par le chef d'établissement (Encyclop. éduc., 1960, p. 134). B. − [Le suj. désigne un inanimé] 1. Action de conserver. Il en est tout autrement pour le fer et l'acier, chez qui l'oxyde en lamelles est à la fois un agent de retenue de l'humidité et un oxydant lui-même (Arts et litt., 1935, p. 20-13). 2. Spécialement a) TRAV. PUBL. Action de retenir (une masse d'eau). Bassin de retenue. P. méton. Le bassin de retenue lui-même, la masse d'eau retenue. La grande quantité d'eau dont je puis disposer au moyen de cette retenue, est pour moi une source de richesse et d'abondance (Crèvecœur, Voyage, t. 2, 1801, p. 31).Jusqu'à 8 ou 10 mètres de hauteur, on peut avoir recours aux digues en terre. Pour les retenues plus élevées, on a recours aux digues en maçonnerie (Bourde, Trav. publ., 1929, p. 366). b) TECHNOL. [À propos de dispositifs de blocage] Clef de retenue. Les extrémités sont garnies de carrés de façon à pouvoir être saisies par les tourne-à-gauche et les clefs de retenue lors du montage et du démontage (Chartrou, Pétroles natur. et artif., 1931, p. 47).Clapet, valve de retenue. Le moteur entraîne un compresseur d'air, celui-ci débite dans un réservoir de l'air sous pression; − une valve de retenue se trouve placée entre les deux (Chapelain, Techn. automob., 1956, p. 253). c) BÂT. ,,En terme de charpente, une pièce a sa retenue sur un mur quand elle est engagée de façon à ne pouvoir ni avancer, ni reculer`` (Chabat 1881). II. − [Corresp. à retenir II] A. − Aptitude à se contrôler, à maîtriser ses réactions, ses sentiments. Synon. mesure, modération.Cette fois, il parut perdre un moment toute retenue, tout contrôle de son dangereux plaisir (Bernanos, Joie, 1929, p. 641). − Littér. [Avec un compl.] La princesse a fait une sortie féroce contre Gavarni, contre l'artiste et surtout contre l'homme. C'est extraordinaire, le peu de retenue des passions de cette femme (Goncourt, Journal, 1864, p. 90). B. − 1. Comportement social d'une personne qui sait maîtriser l'expression de ses sentiments, ne pas heurter, ne pas choquer. Synon. discrétion, réserve, tact.Je l'avais vu périr [un brick français] de loin, sans que l'on pût sauver un seul homme de l'équipage, et, malgré la gravité et la retenue des officiers, il m'avait fallu entendre les cris et les hourras des matelots (Vigny, Serv. et grand. milit., 1835, p. 173).Antoine avait quitté un Rumelles-1914, assuré, maître de lui, un peu suffisant et qui pérorait volontiers sur toutes choses, mais avec une retenue étudiée. Quatre années de surmenage en avaient fait cet homme au rire brusque et convulsif (Martin du G., Thib., Épil., 1940, p. 802). 2. [En parlant des rapports entre hommes et femmes] Synon. de décence, modestie, pudeur, réserve.Elles causent avec grâce et une modeste retenue, mais sans embarras, et comme accoutumées à l'admiration qu'elles inspirent (Lamart.,Voy. Orient, t. 2,1835,p. 218): 2. ... malgré moi mes yeux revenaient à la place où Madeleine dormait dans ses mousselines légères, étendue sur la rude toile qui lui servait de tapis. Étais-je ravi? Étais-je torturé? J'aurais plus de peine encore à vous dire si j'aurais souhaité quelque chose au delà de cette vision décente et exquise qui contenait à la fois toutes les retenues et tous les attraits.
Fromentin, Dominique, 1863, p. 167. Prononc. et Orth.: [ʀ
ətny]. Att. ds Ac. dep. 1694. Étymol. et Hist. A. 1. Ca 1165 « fait de retenir prisonnier » (Troie, 15747 ds T.-L.); 2. 1342 « fait de garder (quelqu'un) auprès de soi » (Guillaume de Machaut, Dit du lyon ds
Œuvres, éd. E. Hoepffner, 7, 218); 3. 1816 en retenue « retenu à l'école en punition » (Le Diable boiteux, n o21, 11 juill., p. 66 ds Quem. DDL t. 30). B. 1. 1234 « modération, réserve, réduction de force et de puissance (acte concret) » (Huon de Mery, Antechrist, 2276 ds T.-L.); 2. 1611 « modération, réserve, modestie (dans le comportement, le caractère, l'aspect, la manière) » (Cotgr.). C. 1270 dr. (Chart. de Louis IX, Ord., I, 262 ds Gdf.). D. 1. a) Fin xiiies. « ce qui retient de tomber, fixation » (De Arte venandi Empereur Frederic, 84, 2, p. 231 ds T.-L.); b) 1676 spéc., archit. (Félibien, p. 723); 2. a) 1572 « ce qui retient l'eau, digue » (Correspondance Clde Granvelle, éd. Ch. Piot, t. 4, p. 413); b) 1755 « réservoir, étang ou lac artificiel » (Mirabeau, Ami des hommes, t. 2, p. 56); c) 1811 spéc. « partie d'un canal, emplie d'eau, entre deux écluses » (A. L. Millin, Voy. ds les dép. du Midi de la Fr., Paris, t. 4, p. 362). E. 1. 1347 « fait de prendre à son service, engagement » (Doc. ds Livre Roisin, éd. Brun-Lavainne, p. 377); 2. 1573 (Dupuys: Retenue, est l'acceptation que un prince faict de la personne d'aulcun à quelque office domestique en sa maison [...] et telles retenues sont despechées par brevet); 1690 brevet de retenue (Fur. [...] celuy que le Roy accorde à un Officier qui entre en charge, pour la conserver aprés sa mort à ses heritiers, ou une partie de son prix). F. 1. Av. 1377 « fait d'attirer, de garder » (Guillaume de Machaut, Poésies lyriques, éd. V. Chichmareff, t. 1, p. 167); 2. 1727-30 « ce qu'on retient aux troupes de ce qui leur est dû » (J.-Ch. de Folard ds Rich. 1732); 1765 (Encyclop. t. 14: Retenue [...] ce que l'on déduit à quelqu'un sur un payement qu'on lui fait); 3. 1836 retenue de marchandises (Raymond). G. 1906 arithm. (Pt Lar.). Part. passé subst. de retenir*. Fréq. abs. littér.: 874. Fréq. rel. littér.: xixes.: a) 1 245, b) 1 024; xxes.: a) 1 180, b) 1 395. Bbg. Genest (L.). Retenue, déduction, exemption, exonération. Meta. 1982, t. 27, p. 207-208. |